Les Amis de la Terre interpellent BNP Paribas sur la spéculation alimentaire
Les Amis de la Terre participent aujourd’hui à l’Assemblée générale des actionnaires de BNP Paribas, qu’ils interpellent sur son rôle dans la financiarisation croissante de la nature, et plus particulièrement dans la spéculation sur les denrées alimentaires.
Bruxelles, Paris, le 23 mai 2012 – Après le Crédit Agricole et la Société Générale hier, les Amis de la Terre participent aujourd’hui à l’Assemblée générale des actionnaires de BNP Paribas, qu’ils interpellent sur son rôle dans la financiarisation croissante de la nature, et plus particulièrement dans la spéculation sur les denrées alimentaires. Les Amis de la Terre France et Europe, qui avaient épinglé cet acteur financier dans un rapport en janvier dernier, demandent à BNP Paribas de retirer du marché leurs produits dérivés sur les biens alimentaires, et plus largement d’arrêter de spéculer au détriment des peuples et de la nature.
Actualisation suite à la tenue de l’AG – voir ci-dessous.
D’autres banques européennes, comme la suédoise Nordea ou l’allemande Deutsche Bank, ont déjà annoncé renoncer à leurs produits dérivés sur des denrées alimentaires[[Voir par exemple le Rapport annuel de Nordea sur l’Investissement et la Gouvernance Responsables, p. 21 :http://newsroom.nordea.com/en/blogp…]] . Compte tenu de la gravité de la crise alimentaire, et des preuves qui montrent que la spéculation sur ces denrées contribue à la faim dans le monde[[Pour plus d’information, consulter le rapport des Amis de la Terre Europe « Récolter l’argent : comment les banques européennes et la finance privée profitent de la spéculation alimentaire et de l’accaparement des terres « ]] , BNP Paribas devrait en faire de même, en application du principe de précaution.
BNP Paribas est en effet un acteur majeur des marchés mondiaux agricoles et énergétiques, et propose de nombreux fonds et instruments liés aux matières premières. Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, commente : « Cela fait partie d’une tendance générale à la financiarisation de la nature : les biens naturels sont vus par les banques comme un simple capital, et transformés en actifs financiers, au prix d’impacts énormes sur les peuples et l’environnement. Voilà ce qui se cache derrière les propositions d’économie verte qui seront discutées au Sommet de Rio à venir. Les Amis de la Terre demandent au contraire de mettre fin à la mainmise de la finance sur nos vies et sur la nature ».
Selon les données de la banque elle-même, à la fin 2011, elle avait plus de 700 millions d’euros d’exposition aux matières premières agricoles, c’est-à-dire liés au cours de ces denrées. S’il s’agit d’une petite fraction des actifs totaux de BNP Paribas, ce chiffre représente une quantité énorme et déstabilisante sur les marchés de denrées alimentaires, contribuant à la financiarisation et à la volatilité des prix de ces produits de première nécessité.
Les récentes hausses des prix alimentaires augmentent la famine et la malnutrition dans le monde : depuis 2010, 40 millions de personnes s’ajoutent au milliard qui en souffrait déjà. Alors que les prix élevés des aliments affectent les populations les plus vulnérables, les changements rapides de prix ont aussi un impact désastreux sur les petits producteurs. Le Secrétaire général des Nations unies a d’ailleurs appelé à lutter contre la volatilité de prix des denrées alimentaires. Depuis cinq ans, le rôle des acteurs financiers dans la spéculation sur ces marchés s’est développé, alimentant d’autant plus la volatilité.
Selon Rachel Tansey, des Amis de la Terre Europe, « L’avidité des banques ne doit pas passer avant la faim et la malnutrition des populations les plus pauvres. BNP Paribas se targue de contribuer à créer un système qui réponde mieux aux besoins des gens, en respectant l’environnement et l’équité sociale. Afin d’être à la hauteur de ses engagements, cette banque doit arrêter de proposer des produits financiers liés aux matières premières agricoles ».
La financiarisation de ces denrées alimentaires et des biens naturels en général résulte de la dérégulation des marchés financiers, des montants croissants de capitaux investis dans la spéculation sur les matières premières par les banques d’investissement, les hedge funds et autres investisseurs institutionnels. Elle est aussi due à la création de nouveaux instruments comme les fonds indiciels et les fonds négocié en bourse (« exchange-traded funds »).
Les Amis de la Terre continueront à alerter les citoyens et interpeler les pouvoirs publics [[Voir la déclaration de la société civile sur la directive européenne MiFID, en avril 2012 : « La régulation financière par l’Union européenne doit réfréner la spéculation alimentaire » ]] et les banques sur ces enjeux peu connus. Début juin, une nouvelle campagne contre la financiarisation de la nature sera ainsi lancée en France à l’occasion du Sommet Rio +20.
Contact presse :
Caroline Prak : 01 48 51 18 96 / 06 86 41 53 43,
caroline.prak@amisdelaterre.org
ACTUALISATION SUITE A L’ASSEMBLEE GENERALE DE BNP PARIBAS
En réponse à la question posée par les Amis de la Terre lors de l’Assemblée Générale des actionnaires de BNP Paribas, les responsables de cette banque ont répondu de façon ambiguë sur leur implication dans la spéculation alimentaire. Ils ont choisi délibérément d’ignorer le fait qu’ils commercialisent des produits financiers dont les impacts négatifs ont déjà été prouvés.
En réponse à un questionnaire des Amis de la Terre, BNP Paribas avait pourtant elle-même reconnu, il y a quelques mois, avoir par exemple 700 millions d’euros d’exposition aux matières premières agricoles au travers de produits tels que les fonds négociés en bourse (exchange traded funds) et les « produits dérivés de plusieurs indices de matières premières ». Ces sommes jouent un rôle énorme dans la spéculation alimentaire excessive et dangereuse, qui a des conséquences gravissimes pour les populations les plus vulnérables et les petits producteurs. Ces produits proposés aux clients de BNP Paribas sont très différents des activités traditionnelles de couverture des risques, comme les autorités de la banque ont voulu le faire croire dans leur réponse d’aujourd’hui.
La réponse de BNP Paribas occultait donc délibérément leur offre de produits nocifs, niant le fait qu’ils jouaient un rôle dans la croissance massive des positions spéculatives sur les marchés dérivés de matières premières agricoles, provoquant la volatilité et la hausse des prix de ces denrées alimentaires. Encore une fois, preuve a été faite aujourd’hui que BNP Paribas est loin d’être « la banque d’un monde qui change » comme elle le revendique.