Loi Climat : le Sénat remballe les mesures pro e-commerce du Gouvernement
Malgré l’opposition farouche du Gouvernement, le passage de la loi Climat au Sénat s’achève par la réintégration des entrepôts de e-commerce dans le moratoire sur les zones commerciales artificialisant des sols.
L’examen de la loi Climat au Sénat s’est achevé hier soir avec l’intégration des entrepôts de e-commerce dans le moratoire sur les zones commerciales artificialisant des sols au-delà de 10 000m2. L’ensemble des groupes politiques, y compris la majorité LR, et son rapporteur Jean-Baptiste Blanc, ont souhaité mettre fin à la distorsion de concurrence organisée par le projet de loi du Gouvernement, qui permettrait de construire en plein champs des entrepôts Amazon ou Alibaba plus grands que le plus grands centre commercial de France 1.
Dès l’été 2020, le Gouvernement a pris la décision d’exclure les entrepôts de e-commerce du moratoire sur les zones commerciales. Depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, Amazon a ouvert 37 projets en France 2, avec le soutien actif des préfets et du Gouvernement, qui s’est opposé en 2018 à ce que les entrepôts de e-commerce soient soumis à l’autorisation commerciale dans la loi ELAN. Alors que France Stratégie et l’Inspection Générale des Finances alertent sur la distorsion fiscale et réglementaire très importante qui existe déjà en faveur des géants du e-commerce en France, sur leur effet destructeur d’emplois 3 et sur un risque réel de prise de position dominante d’Amazon 4, le Gouvernement a décidé d’aggraver encore la situation en imposant des limites à l’artificialisation uniquement aux magasins. Un favoritisme ne se justifiant pas d’un point de vue climatique, puisque l’impact du e-commerce sur l’augmentation des émissions de CO2 via la surconsommation et le transport par avion des produits n’a pas non plus été adressé dans la loi 5.
Le Gouvernement s’est opposé à l’ensemble des groupes politiques à l’Assemblée nationale qui demandaient un rétablissement de l’égalité de traitement entre les deux formes de commerce. Il a été jusqu’à censurer le rapport de France Stratégie jugé trop critique, et a fait comprendre aux députés de sa majorité que toucher aux intérêts d’Amazon était “une ligne rouge à ne pas franchir”6.
Le Sénat a donc décidé de rétablir l’équité en soumettant à l’autorisation commerciale et à l’interdiction d’artificialiser des sols au-delà de 10 000m2 les entrepôts de e-commerce qui ne s’implanteraient pas sur des friches. Néanmoins, il est à craindre que l’Assemblée nationale ne revienne sur cette avancée en Commission mixte paritaire en juillet. Des sources internes au Ministère de l’environnement ont alerté les Amis de la Terre sur le refus du Gouvernement de transiger sur ce sujet, comme sur d’autres avancées adoptées au Sénat 7. Alors que l’expansion agressive du e-commerce puis la crise du COVID a mis à genoux le secteur du commerce en magasin, qui emploie 2 millions de personnes en France, le soutien persistant d’Emmanuel Macron à Amazon risque de raviver le spectre du président des riches et des multinationales avant les présidentielles.
1) Un entrepôt d’Amazon ou d’Alibaba peut ainsi faire 189 000m2 voir 200 000m2 alors que le plus grand centre commercial de France, à Lyon Part Dieu n’en fait “que” 127 000m2.
Nous tenons à disposition le tableau recensant l’ensemble des projets Amazon ouverts ou autorisés depuis 2017 en France
Florence Mouradian et Ano Kuhanathan, E-commerce et emploi, décembre 2020
France Stratégie, Inspection générale des finances et Commissariat général au développement durable, Pour un développement durable du commerce en ligne, mars 2021
La loi climat ne contient rien pour réduire les volumes de produits polluants consommés chaque année en France alors que le Haut Conseil pour le Climat a demandé au Gouvernement d’agir sur les émissions importées de la France, désormais équivalentes à celles du territoire national. Les mesures sur l’encadrement de la publicité ont ainsi été complètement vidées de leur substance. La loi Climat ne s’est pas non plus attaquée au transport de marchandises par avion, prédominant dans l’e-commerce, alors que celui-ci est 9 fois plus polluant que la route et 100 fois plus que le transport maritime. Le fret aérien est en outre une porte d’entrée pour le dumping des plateformes du e-commerce, que le Gouvernement met en avant pour ne pas encadrer les implantations en France.
Challenges, Les dessous de l’incroyable soutien du Gouvernement à Amazon, 22 juin 2021
Le Gouvernement est ainsi farouchement opposé au maintien de l’interdiction de la publicité pour les voitures thermiques en 2028, l’intégration de la dimension sociale à l’affichage environnemental, à la TVA 5,5% sur les billets de train et à l’inclusion des entrepôts de e-commerce dans le moratoire.