Lutte contre l’obsolescence programmée : la loi Consommation et après ?
Montreuil le 12 juin 2014 - La loi Consommation entre en vigueur demain. Cette loi devait permettre de lutter contre l’obsolescence programmée et le gaspillage des ressources mais le Gouvernement a reculé face à la pression des lobbies, et la loi ne compte que de maigres avancées [1].
Faute de décret d’application, la seule mesure permettant aux consommateurs de choisir entre un bien réparable et un bien jetable restera caduque. Les Amis de la Terre appellent la nouvelle secrétaire d’État, Carole Delga, à ne pas abdiquer face aux fabricants et à prendre toutes les mesures pour aider le secteur de la réparation.
Benoit Hamon avait annoncé vouloir lutter contre l’obsolescence programmée. Cette lutte est bien silencieuse, le terme « obsolescence programmée » n’est mentionné qu’une seule fois dans la loi consommation : « Un rapport doit être remis au Parlement à ce sujet en mars 2015 » [2].
L’extension du délai de garantie de 6 mois à 2 ans est finalement une simple application d’une directive européenne de 1999 [3] ! Certes, c’est une avancée pour le consommateur français qui n’aura plus à prouver l’existence du défaut devant les tribunaux mais nous sommes très loin des 6 ans de garantie sur le gros électroménagers qui s’appliquent au Royaume-Uni.
L’information sur la durée ou la date de disponibilité des pièces détachées sera la seule mesure permettant d’aider le consommateur et les réparateurs à allonger la durée de vie de leurs biens mais le décret d’application se fait attendre. Or sans décret, cette mesure ne sera jamais appliquée et les industriels pourront donc continuer à affirmer d’un côté que l’obsolescence programmée n’existe pas, et de l’autre empêcher la réparation des appareils faute de pièces détachées.
Camille Lecomte, chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables aux Amis de la Terre dénonce : « Le poids des lobbies pour empêcher tout allongement de la durée de vie des produits a été si pesant que toutes les mesures ambitieuses ont été remises à plus tard. Sur les pièces détachées, le Gouvernement et les parlementaires se sont résignés à adopter un article trop imprécis pour être applicable dès l’entrée en vigueur de la loi. Or, 1 an de gagné pour les producteurs, c’est 15 millions de smartphones ou 5,8 millions de cafetières vendues sans aucune indication de réparabilité. »
Les Amis de la Terre appellent la nouvelle secrétaire d’Etat à mettre tout en œuvre pour que ce décret soit publié avant la fin de l’année et qu’il précise que les fabricants qui ne mettent pas à disposition de pièces détachées inscrivent de façon visible la mention « Pas de pièces détachées disponibles ».
La France doit aussi porter le sujet de l’obsolescence programmée au niveau européen tel que cela a été annoncé dans la Feuille de route pour une économie circulaire et faire des proposition pour allonger la durée de garantie légale de conformité de 2 à 5, voire 10 ans [4].
Contact presse : Caroline Prak – 06 86 41 53 43
Notes :
[1] Les Amis de la Terre ont présenté 3 mesures phares pour lutter contre l’obsolescence programmée au début de l’année 2013. Ces mesures comprenaient : la création d’un délit d’obsolescence programmée, l’extension de la durée de garantie de 2 à 10 ans et des mesures pour soutenir l’activité de réparation dont la première était l’obligation de mettre à disposition des pièces détachées. Au final, la loi relative à la consommation prévoit un rapport sur l’obsolescence programmée, une garantie légale à 2 ans et un affichage de la durée ou de la date de disponibilité des pièces détachées.
[2] Article 8, Section 1, Chapitre II de la loi consommation. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=A72F111750ED6B59B8CF637376C4F56A.tpdjo13v_2?idArticle=LEGIARTI000028739864&cidTexte=LEGITEXT000028739819&dateTexte=20140612
[3] La directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation prévoit : « considérant qu’il convient de limiter dans le temps le délai pendant lequel la responsabilité du vendeur est engagée pour tout défaut de conformité existant lors de la délivrance du bien; que les États membres peuvent également prévoir une limitation du délai pendant lequel les consommateurs sont autorisés à exercer leurs droits, à condition que ce délai n’expire pas au cours des deux ans qui suivent la délivrance du bien; que, lorsque, aux termes de la législation nationale, un délai de prescription ne débute pas au moment de la délivrance du bien, la durée totale du délai de prescription prévu par la législation nationale ne peut pas être inférieure à deux ans à compter de la délivrance.
[4] Deuxième feuille de route pour la transition écologique « En outre, la France proposera a ses partenaires européens une évaluation de l’impact économique et environnemental de l’allongement de 2 a 5 ans, voire 10 ans, de la durée de ≪ garantie légale de conformité ≫ pour certaines catégories ciblées de produits. ».