Mozambique : les investissements gaziers français au coeur de l’escalade des violences
Au nord du Mozambique, une attaque djihadiste brutale et meurtrière a fait rage la semaine dernière, à quelques kilomètres du site où Total développe son immense projet gazier Mozambique LNG.
Une fois encore, les populations civiles se retrouvent en première ligne des victimes d’une violence nourrie par les inégalités, la corruption et la mainmise internationale sur ces ressources fossiles. Cet énième épisode dramatique doit servir d’ultime sonnette d’alarme aux multinationales françaises : les Amis de la Terre appellent Total, Société Générale et Crédit Agricole à renoncer à ces projets aux conséquences humaines et environnementales déjà irréversibles.
L’attaque qui a débuté le mercredi 24 mars aurait duré environ 72 heures. Toutes les informations actuellement disponibles indiquent que les pertes humaines sont terribles, que les dégâts matériels sont considérables, bien qu’il n’y ait pas encore de chiffres exacts, et que des centaines de personnes restent portées disparues, cachées dans la brousse ou à la recherche de leur famille 1 .
Cette offensive a ciblé la ville de Palma, voisine du méga-projet de production et d’exportation de gaz de Total Mozambique LNG, “plus gros investissement privé d’Afrique” se chiffrant à 20 milliards de dollars. Elle a eu lieu quelques heures après l’annonce de Total de la reprise du chantier sur ce site 2. Les banques françaises sont elles aussi lourdement impliquées dans l’exploitation gazière au Mozambique, Société Générale et Crédit Agricole en tête : elles en sont non seulement d’importants financeurs, mais se partagent aussi les mandats de conseil sur les trois projets existants, prenant en charge la globalité de leur montage financier 3. Elles ont ainsi respectivement accordé des prêts de $500 millions et de $300 millions à Total pour Mozambique LNG.
Sur place, les civils sont laissés sans aucune défense, pris en étau entre les insurgés et les forces militaires qui protègent les installations gazières 4. Total avait en effet annoncé en août 2020 la signature d’un accord avec le gouvernement mozambicain prévoyant une compensation financière en échange d’une protection militaire et de la création d’une zone de sécurité spéciale autour de son site. Les forces gouvernementales sont désormais accusées par Amnesty International de commettre des crimes de guerre dans la province de Cabo Delgado 5.
« La violence qui sévit dans le nord du Mozambique depuis trois ans est terrible. Mais il ne s’agit pas seulement d’un problème régional africain, ni d’une simple lutte contre les « islamistes mondiaux », comme le prétend le gouvernement mozambicain. C’est un conflit complexe exacerbé par le développement gazier et notamment par les activités de Total et des banques françaises. »
Il poursuit : “Ils seront tenus responsables si le Mozambique plonge dans la “malédiction des ressources” en exacerbant les conflits, en sapant la démocratie et les droits de l’homme, et en nuisant à l’environnement.”
“Les ONG alertent preuve à l’appui depuis des années sur le drame humain et environnemental qui se joue au Mozambique. Les multinationales françaises ne doivent pas s’enliser dans ces projets, qu’il s’agisse des entreprises pétrolières ou des banques. »
Elle conclut : “Alors que BNP Paribas et Natixis semblent avoir reçu le message et ont refusé de soutenir le projet Mozambique LNG, Société Générale et Crédit Agricole persistent à nier la gravité de la situation sur le terrain et l’impact direct de leurs financements 6. Il est urgent qu’elles se retirent du projet de Total et s’engagent à ne soutenir aucun autre développement gazier dans le pays, y compris le projet Rovuma LNG porté par ExxonMobil.”
Total annonce reprendre le chantier de Mozambique LNG.
Les banques françaises sont surreprésentées dans le gaz mozambicain.
Pour le projet Coral South FLNG, Crédit Agricole est le conseiller financier, et Crédit Agricole, Société Générale, BNP Paribas et Natixis ont participé à son financement (2017). Ce premier projet a également bénéficié d’une subvention de la France, via son agence de crédit à l’exportation Bpifrance.
Pour Mozambique LNG, c’est Société Générale qui a été mandatée conseiller financier, et Société Générale et Crédit Agricole ont participé à son financement (2020).
Pour Rovuma LNG, en attente de financement, Crédit Agricole est déjà active en tant que conseiller financier.
Voir le rapport des Amis de la Terre France “De l’eldorado gazier au chaos” publié en juin 2020 avec les Amis de la Terre International et Justiça Ambiental / les Amis de la Terre Mozambique.
Voir le rapport d’Amnesty International de mars 2021.
Voir l’article des Amis de la Terre France de juillet 2020 sur le financement de Mozambique LNG.