Agriculture et numérique: vers une fuite en avant
Être à la pointe de la sophistication technologique sauvera-t-il notre agriculture? C’est en tout cas ce que pensent nos dirigeants européens et français, bien décidés à mettre de nouveaux fonds publics au service de l’agriculture industrielle, cette fois en version 4.0.
L’agriculture digitale était l’un des objectifs du Pacte productif de Bruno Le Maire, prévu de longue date mais qui doit désormais faire office de plan de relance économique, c’est aussi celui de la Commission européenne avec le Green Deal et sa stratégie Farm to Fork ou encore la prochaine PAC.
Les Amis de la Terre publient aujourd’hui un rapport sur les dangers sociaux et environnementaux que comporte pourtant le développement d’une agriculture aux mains des géants du numérique.
L’avenir de l’agriculture aux mains des géants du numérique?
Agriculture de précision, digitale, 4.0: késaco?
L’agriculture de précision aussi appelée “agriculture 4.0” consiste à faire appel à la technologie numérique afin d’observer, de surveiller et de gérer les activités agricoles pour les moduler en fonction de données collectées, stockées et analysées à grand renfort de serveurs et autres outils numériques. Parmi les développements les plus récents de l’agriculture de précision figurent les drones, mais aussi les robots de traite ou encore les capteurs de rendements embarqués sur les outils de récolte qui ont déjà commencé à envahir nos fermes depuis près de 20 ans.
Une approche à rebours de l’agroécologie
D’un point de vue environnemental, les promoteurs de ce type d’agriculture misent sur une atténuation des ravages connus de l’agriculture industrielle. Mieux cibler les épandages de pesticides et d’engrais chimiques et connaître avec précision les différents stades de développement des cultures sont présentés comme des moyens de ralentir la catastrophe écologique et sanitaire et de s’y adapter. Mais cette conception est en réalité réductionniste et ne vise qu’à traiter les symptômes au cm² en transformant les agriculteurs en de simples exécutants d’algorithmes alors qu’une approche agronomique globale est indispensable pour lutter efficacement contre les nombreuses crises qui nous touchent.
L’agriculture 4.0 ne nous affranchit pas du recours aux intrants chimiques qui contribuent fortement à la crise climatique et à de multiples pollutions mais surtout, on ignore volontairement l’empreinte environnementale de ces nouveaux équipements, dont le coût exorbitant va accroître l’endettement et donc la disparition des paysans et paysannes: il s’agit d’un non-sens social et environnemental!
Vers une dépendance des paysan.nes aux géants du numérique
Le rapport des Amis de la Terre met également en lumière la question centrale du contrôle des données récoltées, destinées à enrichir des algorithmes et à aggraver toujours plus l’aliénation des paysan.ne.s vis-à-vis des constructeurs. L’alliance des géants de l’agrochimie (engrais, pesticides) avec les géants du numérique laisse entrevoir une dépendance grandissante de notre alimentation aux multinationales, bien loin de la souveraineté alimentaire pourtant indispensable pour faire face aux nombreuses crises qui touchent nos sociétés.
Nos demandes
Nous demandons aux instances européennes et au gouvernement français de renoncer à soutenir une agriculture industrielle mortifère dans le cadre du Green Deal, de la PAC et du Pacte productif et appelons à une redirection des fonds publics vers un soutien de l’agroécologie paysanne, pour notamment s’affranchir des intrants chimiques.