Nouveau rapport : le soutien public aux projets gaziers alimente la catastrophe humanitaire et climatique au Mozambique
Dix jours avant l’Assemblée Générale de TotalEnergies, un nouveau rapport, « Du gaz sur le feu » expose comment les projets gaziers au Mozambique, dont celui de TotalEnergies, exacerbent le changement climatique, augmentent la violence et les violations des droits humains et se font au détriment de l’économie du pays.
Fuelling the crisis in Mozambique
L’étude 1 questionne les processus décisionnels ayant mené à l’octroi de $9 milliards de soutiens financiers publics de plusieurs pays, dont la France, et révèle le caractère problématique de documents ayant informé ces décisions.
Suite à la découverte de gigantesques réserves gazières au large du Mozambique en 2010, plusieurs pays ont accordé des soutiens financiers publics à trois projets d’extraction et de liquéfaction de gaz, à travers leurs agences de crédit à l’exportation 2. La France, via Bpifrance, avait ainsi accordé fin 2017 une garantie export de 530 millions d’euros au projet d’Eni et Exxon, Coral South FLNG.
Les groupes et partenaires des Amis de la Terre au Mozambique, aux Pays-Bas, en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Italie rapportent que les pays ayant octroyé ces soutiens publics ont sous-estimé et écarté les risques climatiques, économiques et sécuritaires des projets gaziers, malgré les avertissements de la société civile au Mozambique, voire à contre-courant de leurs évaluations internes.
Une décennie après la découverte des gisements de gaz, la situation au Mozambique est totalement hors de contrôle : près d’un millions de déplacés, des milliers de morts, des violences sexuelles… Le conflit a mené à l’arrêt du projet Mozambique LNG de TotalEnergies en avril 2021, après que l’entreprise ait déclaré la « force majeure ». Depuis, le versement des compensations dues aux locaux ayant été déplacés pour faire place aux projets gaziers a cessé.
« Dix ans après la découverte du gaz, l’industrie a ruiné l’environnement et a alimenté cinq ans d’un violent conflit qui a fait près d’un million de réfugiés, et des milliers d’innocents assassinés de sang-froid. L’industrie a enfoncé encore plus le Mozambique dans un profond trou de dettes. L’extraction du gaz n’a pas encore commencé. »
Anabela poursuit : « L’extraction du gaz n’a pas encore commencé. S’il a déjà réussi à créer autant de souffrance, il est terrifiant d’imaginer ce qui reste à venir ».
Le rapport rappelle également que les projets gaziers pourraient augmenter de 14 % les émissions de gaz à effet de serre du Mozambique et aggraver le dérèglement climatique dont le pays subit déjà les conséquences. Pour garder une planète vivable en contenant le réchauffement climatique sous 1,5°C, il est pourtant urgent de réduire fortement la production d’énergies fossiles 3.
Il est presque certain que ces projets gaziers, climaticides et très risqués, n’auraient pas vu le jour sans les soutiens financiers publics.
« L’opacité des agences de crédit à l’exportation et les documents ayant informé l’octroi des soutiens que nous révélons dans ce rapport (évaluation de l’impact climatique erronée, non prise en compte des avertissements quant à la sécurité) interrogent. «
Anna-Lena complète : « Alors que la population locale et le climat sont perdants et que seules les grandes multinationales profitent de ces financements publics, qu’est-ce qui justifie l’octroi de tels soutiens ? Comment ces décisions, concernant l’emploi d’argent public, sont-elles prises ? »
Le cas du Mozambique n’est pas isolé. De tels projets ne doivent plus voir le jour, a fortiori avec des soutiens publics. Lors de la COP26 à Glasgow en 2021, 34 pays, dont la France, se sont engagés à mettre fin au soutien financier public aux projets d’énergie fossile à l’étranger d’ici la fin de 2022 4. Cet engagement doit se traduire par des politiques ambitieuses, sans exception pour les investissements dans les infrastructures gazières.
La semaine du 23 mai, Ilham Rawoot des Amis de la Terre Mozambique sera à Paris pour parler des impacts désastreux des projets gaziers et de l’implication française, en particulier de TotalEnergies dont l’Assemblée Générale se tiendra le 25 mai. Ilham Rawoot travaille en étroite collaboration avec les organisations qui soutiennent la population affectée à Cabo Delgado. Elle est disponible pour des interviews.
Fuelling the Crisis in Mozambique : How Export Credit Agencies Contribute to Climate Change and Humanitarian Disaster, Justiça Ambiental!, Friends of the Earth Europe, Les Amis de la Terre France, Friends of the Earth US, Friends of the Eart EWNI, Milieudefensie, ReCommon, Mai 2022.
Les agences de crédit à l’exportation, comme Bpifrance, permettent aux États de soutenir les entreprises domestiques dans leurs activités à l’étranger à travers différents instruments financiers, dont les garanties à l’export.
L’Agence Internationale de l’Énergie indique que plus aucun nouveau projet d’extraction de pétrole ou de gaz ne doit voir le jour après 2021. International Energy Agency, Net Zero by 2050, mai 2021. Un rapport des Nations Unies indique que nous prévoyons de produire 70% de gaz de plus que ce qui est compatible avec un réchauffement de 1,5°C, il est nécessaire de réduire notre production de gaz de 3% par an d’ici 2030. Production Gap Report 2021.
Statement on International Public Support for the Clean Energy Transition, 4 novembre 2021.