Paradis fiscaux, évasion fiscale : n’attendons pas tout de l’Europe !
Paris, le 11 avril 2013 - Le président François Hollande a annoncé des mesures clés qui rejoignent les propositions portées de longue date par les membres de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, active sur ces sujets depuis 2005. Reste à voir comment elles seront traduites dans des actes et dans la loi, au niveau français et dans les négociations internationales.
_ Transparence pays par pays, échange automatique d’informations, liste de paradis fiscaux, renforcement des sanctions et des moyens pour lutter
contre la fraude fiscale et la délinquance financière : le Président de la
République a annoncé le 10 avril des mesures fortes qui ciblent enfin les
utilisateurs des paradis fiscaux et les intermédiaires de l’évasion
fiscale, à savoir les entreprises multinationales et les banques.
Au-delà des effets d’annonce, il est important que plusieurs de ces mesures
soient traduites en droit français sans attendre un accord des partenaires
européens. Il est trop risqué de reporter ces décisions sur l’agenda de
l’Union européenne, dont certains États membres sont de fait des paradis
fiscaux. La France peut, sur des points précis, montrer l’exemple et
entrainer immédiatement les autres pays européens : l’obligation de
transparence pays par pays pour les banques, votée en février 2013, a ainsi
favorisé un accord européen similaire 15 jours plus tard.
Cette impulsion peut être renouvelée pour l’ensemble des réformes
annoncées. La France pourrait, sans attendre un accord européen, exiger la
même transparence pays par pays pour les autres grandes entreprises, dès
lors qu’elles bénéficient de subventions ou garanties publiques, de l’accès
aux marchés publics, ou lorsqu’elles annoncent la fermeture d’usines ou de
filiales sur le sol français.
De même, une législation franco-française concernant la mise en place d’un
système de transmission automatique d’informations de la part des banques (l’équivalent de la loi américaine FATCA**) ne pourra que renforcer
l’initiative conjointe lancée par la France avec l’Allemagne, l »Italie,
l’Espagne et même la Grande-Bretagne !
Le renforcement des sanctions pénales en matière de fraude fiscale doit
également concerner les intermédiaires complices (cabinets d’audit, avocats fiscalistes, conseillers de gestion patrimoniale, sociétés de services, banques…) qui permettent l’évasion fiscale.
Si la volonté affichée de renforcer la lutte contre la fraude fiscale et
les conflits d’intérêt des responsables politiques va dans le bon sens, des
garanties devront être apportées sur les moyens d’action. En matière de
délinquance financière, les annonces manquent clairement d’ambition
notamment pour donner à l’autorité judiciaire l’indépendance nécessaire à
l’accomplissement de sa mission.
Au niveau international, la France devra désormais se montrer beaucoup plus
active au sein du G20 pour avancer un calendrier concret de mise en oeuvre
du modèle d’échange d’information automatique et blacklister les pays qui
n’y sont pas favorables. En s’appuyant sur des alliés tels que l’Allemagne,
elle devra réussir à imposer à ses partenaires du G8 la création de
registres des trusts et autres sociétés écrans afin de bannir ces
structures qui permettent aux fraudeurs et évadés de dissimuler leur
identité.
Contacts :
CCFD-Terre Solidaire – Karine Appy | 01 44 82 80 67 ? 06 66 12 33 02
Sherpa : Jean Merckaert | 06 81 84 30 64
Secours Catholique Caritas France : Sophie Rebours | 01 45 49 73 23
Attac France : Thomas Coutrot | 06 24 56 79 32
Membres de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires : Les Amis de la Terre – Anticor – Attac France – CADTM France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CGT – CRID – Droit pour la justice – Oxfam
France ? Justice et Paix – Réseau Foi et Justice Afrique Europe – Secours
catholique Caritas France – Sherpa – Survie – Syndicat de la magistrature – Solidaires Finances Publiques-Transparence International France (www.stopparadisfiscaux.fr)
**Foreign Account Tax Compliance Act : Règlement du code fiscal des
États-Unis qui oblige les banques des pays ayant accepté un accord avec le gouvernement des États-Unis à signer avec le Département du Trésor des États-Unis un accord dans lequel elles s’engagent à lui communiquer tous les comptes détenus par des ressortissants américains.
Crédit photo : up your ego sous licence creative commons.