Parlement européen : la « Grande coalition » étouffe tout débat sur le CETA
Alors que l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (dit CETA) suscite dans l'opinion des craintes justifiées, certains groupes politiques s'efforcent d'empêcher tout débat au Parlement européen.
Le 17 novembre, la Conférence des présidents du Parlement européen, composée du social-démocrate Martin Schulz et des présidents des différents groupes politiques, a décidé sous l’impulsion des groupes majoritaires PPE (parti populaire européen) et S&D (sociaux-démocrates), de refuser que le CETA soit discuté en commission Emploi et en commission Environnement. L’entente de la « Grande coalition » fait donc du CETA le monopole de la commission Commerce international (INTA), quand bien même les implications du traité concerneront notamment la santé publique, l’environnement et le climat, l’emploi, les services publics…
Lors de la même réunion, Schulz et les présidents de groupes ont aussi décidé de refuser de mettre au débat une motion portée par 89 eurodéputés de toutes couleurs politiques, qui appelle le Parlement européen à demander l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la légalité du mécanisme de protection des investissements (l’ICS) au regard des traités.
Nicolas Roux, des Amis de la Terre, s’insurge : « Alors que les exigences du Parlement wallon ont ouvert un débat public sur le CETA, et que l’inquiétude grandit partout en Europe vis-à-vis des conséquences de cet accord transatlantique, largement perçu comme un Cheval de Troie du TAFTA, il est inadmissible que tout débat soit ainsi étouffé au Parlement européen. Cette inconscience politique nous scandalise d’autant plus qu’elle risque de nourrir le rejet des institutions européennes et les dérives nationalistes ».
Frédéric Viale, d’Attac, ajoute : « Cette décision va bien au-delà d’une simple décision d’agenda. En souhaitant précipiter les choses, les défenseurs du CETA montrent leur véritable objectif : imposer le plus rapidement possible un accord, sans débat, alors qu’il aura des répercussions sur l’ensemble de la société. Cette fuite en avant est une atteinte au principe même de démocratie. »
Pour Karine Jacquemart, de foodwatch : « Ce passage en force est scandaleux. Le CETA est un accord de libre-échange « de nouvelle génération », c’est à dire qui va bien au-delà des questions commerciales et touche aussi la santé, l’alimentation, l’agriculture, le travail, le climat, etc. Confisquer les débats face à de tels enjeux consiste tout simplement à passer en force pour complaire aux multinationales. »
Amélie Canonne, de l’Aitec, s’inquiète : « Le Parlement européen offre la seule chance d’analyse et de débat quant aux conséquences du CETA pour l’environnement et le climat. Décider de l’empêcher est totalement irresponsable. La COP22 de Marrakech a montré l’urgence d’agir pour le climat, et un nombre croissant de spécialistes, universitaires ou experts de la société civile, montrent l’incompatibilité évidente entre la libéralisation constante du commerce et de l’investissement et la lutte contre les déréglements climatiques. Le CETA s’annonce catastrophique pour le climat. La décision des présidents vise tout simplement à dissimuler ce désastre aux citoyens. »
Cet accord devrait être soumis à la ratification du Parlement européen. Son rapporteur, soutenu par la « Grande coalition » milite pour que le vote en commission (INTA) intervienne le 5 décembre et que la plénière se prononce le 14 décembre. Face à un calendrier qui vise tout simplement à étouffer un débat démocratique indispensable, le Collectif Stop TAFTA appelle à redoubler de mobilisation [[Notamment en interpellant en ligne les eurodéputé.e.s, sur https://www.collectifstoptafta.org/actu/article/faites-le-ceta-check. Les eurodéputés porteraient une lourde responsabilité s’ils décidaient de ratifier cet accord extrêmement dangereux pour l’emploi, la santé, l’environnement, le climat et la démocratie.