Préjudice écologique en République Démocratique du Congo : la pétrolière française Perenco assignée en justice
Sherpa et les Amis de la Terre France, soutenues par l’ONG Environmental Investigation Agency (EIA-US), engagent une action en justice contre la société Perenco S.A. en raison des pollutions liées aux activités pétrolières du groupe en République Démocratique du Congo (RDC).
Il s’agit du premier contentieux visant à engager la responsabilité d’une entreprise française pour obtenir réparation de préjudices écologiques survenus à l’étranger 1.
Cette assignation fait suite à des années d’enquête en lien avec la société civile congolaise et une première action « avant procès » visant à lever le voile sur l’opacité de l’entreprise 2.
Perenco, une multinationale pétrolière opaque
Perenco est une multinationale spécialisée dans l’extraction de puits de pétrole en fin de vie. Alors qu’elle est très peu connue du grand public, de nombreux rapports dénoncent des atteintes à l’environnement et aux droits humains dans les différents pays où les sociétés du groupe opèrent.
En raison de l’opacité du groupe, il est extrêmement difficile d’accéder aux informations sur son organisation et son fonctionnement, en particulier les liens entre la société française Perenco S.A. et les sociétés opérant à l’étranger. Le travail d’enquête des Amis de la Terre France et de Sherpa révèle pourtant que la société française semble occuper une place centrale au sein du groupe et se trouver impliquée dans les activités pétrolières en RDC.
Pollutions en RDC : la pétrolière française Perenco assignée en justice
Les pollutions liées aux activités pétrolières en RDC
Unique opérateur pétrolier en RDC, le groupe Perenco opère via plusieurs sociétés dans la zone littorale de Muanda qui abrite une biodiversité très riche, notamment dans la réserve naturelle du Parc Marin des Mangroves.
Torchage illégal du gaz, passage de conduites vétustes dans les rivières, mauvais entretien des installations pétrolières occasionnant des rejets fréquents de brut dans la nature, incinération et enfouissement de déchets pétroliers sans traitement préalable… de nombreux rapports font état de pratiques particulièrement dangereuses pour l’environnement et la santé des communautés riveraines.
En particulier, plusieurs études scientifiques, enquêtes d’associations congolaises et internationales (RENAD, CEPECO, CCFD-Terre Solidaire, etc.), et même un rapport de la Commission d’enquête du Sénat congolais, révèlent une pollution chronique de l’eau, de l’air et du sol. Selon ces différentes sources, les pollutions liées aux activités pétrolières impactent les écosystèmes ainsi que les ressources disponibles pour les communautés, qui vivent essentiellement de l’agriculture.
Les révélations publiées ce mercredi par Disclose, Environnemental Investigative Forum et Investigate Europe montrent que le torchage du gaz émet de grandes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, impactant le climat.
La responsabilité de la société Perenco S.A.
Aujourd’hui, les Amis de la Terre France et Sherpa assignent Perenco S.A. devant le Tribunal judiciaire de Paris. Elles demandent que Perenco S.A. soit condamnée à réparer les préjudices écologiques causés en RDC, au titre de sa responsabilité civile. Les associations soutiennent que la société française n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir et mettre un terme aux pollutions, alors qu’elle détient la capacité d’intervenir et affirme avoir mis en place une politique RSE qui s’étend à ses activités à l’étranger. Nos associations demandent également au Tribunal judiciaire de contraindre l’entreprise à prendre des mesures pour faire cesser les dommages environnementaux et prévenir de nouvelles atteintes à l’environnement.
« Le cas de Perenco est révélateur de l’impunité des groupes de sociétés dont les activités portent atteinte à l’environnement et aux droits des communautés. A Muanda, de nombreuses sources rapportent une pollution de l’air, de l’eau et des sols qui affecte les conditions de vie des communautés. »
Théa Bounfour complète : « Il revient désormais à la justice de déterminer la responsabilité de la société française compte tenu en particulier de ses prétendus engagements environnementaux ».
« Depuis trop longtemps, la multinationale pétrolière Perenco utilise son opacité pour échapper à ses responsabilités. Pourtant, il semblerait que la société française Perenco S.A. joue un rôle clé dans la définition et la mise en œuvre des décisions qui ont mené à ces dommages environnementaux. »
Juliette Renaud conclut : « Nous espérons que cette action en justice mettra enfin en lumière la réalité des impacts désastreux des activités pétrolières du groupe, et qu’elle l’obligera à réparer le désastre écologique déjà causé en RDC ».
Perenco en eaux troubles
Déjà reconnu depuis 2012 dans la jurisprudence en France, le préjudice écologique a été inscrit dans le Code civil par la loi « biodiversité » en 2016. Il y est défini comme toute « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’Homme de l’environnement » – Article 1247.
Pour plus d’informations sur cette première procédure, voir le communiqué de presse des Amis de la Terre France et Sherpa du 10 mars 2022.