Projets Tilenga et EACOP de Total: enfin une audience judiciaire sur le coeur de l’affaire
Demain mercredi 7 décembre à 9h30, une nouvelle audience en première instance aura lieu dans le cadre du recours en justice lancé en 2019 par les Amis de la Terre France, Survie et 4 associations ougandaises (AFIEGO, CRED, NAPE / Amis de la Terre Ouganda et NAVODA) contre Total, pour de graves manquements à son devoir de vigilance.
Le cœur du dossier sera enfin examiné, trois ans après le lancement de cette première action en justice fondée sur la loi sur le devoir de vigilance des multinationales, loi pionnière adoptée en 2017 en France. Aperçu des enjeux de cette audience.
Les journalistes peuvent assister à l’audience, qui commencera à 9h30 au tribunal judiciaire de Paris ce mercredi 7 décembre. Des prises de paroles des Amis de la Terre et Survie, de leurs avocats, et d’autres acteurs de la société civile mobilisés contre ces projets auront lieu à la sortie de l’audience, sur le parvis du tribunal, aux alentours de 12h. Contact presse : Juliette Renaud | 06 37 65 56 40, Mehdi Derradji | 06 52 21 15 61.
Qu’attendre de cette audience après trois ans de procédure judiciaire ? Elle intervient suite à la décision de la Cour de cassation, qui, en décembre dernier, après deux ans de bataille procédurale, avait confirmé que cette affaire relevait de la compétence du tribunal judiciaire et non du tribunal de commerce, rejetant par là même l’argumentaire des avocats de Total. Nous voilà donc revenus en première instance devant un tribunal civil pour une audience qui permettra enfin de toucher au cœur du dossier : les manquements de Total à son devoir de vigilance.
Depuis plus de trois ans, nos associations documentent et dénoncent les nombreuses violations des droits humains et risques de dommages environnementaux irréversibles liés au projet d’extraction pétrolière Tilenga et à l’oléoduc chauffé EACOP de Total, via notamment plusieurs enquêtes de terrain réalisées en Ouganda d’abord, puis en Tanzanie. Les terres d’environ 118 000 personnes sont touchées, et des dizaines de milliers de personnes attendent toujours leur compensation, alors qu’elles sont privées totalement ou partiellement de leurs terres et donc de leurs moyens de subsistance, depuis plus de 3 voire 4 ans.
En vue de cette audience, le dossier judiciaire a été actualisé et comprend de nouveaux témoignages et preuves des violations des droits humains toujours en cours. Alors que les premiers forages pétroliers sont imminents, le dossier a également été renforcé sur le volet environnemental et climatique, grâce à de nouvelles études scientifiques et rapports d’experts pointant du doigt non seulement les risques majeurs liés à ces projets, mais aussi la défaillance voire l’inexistence de mesures élaborées par Total face à ces risques.
Dans leur assignation, les six organisations françaises et ougandaises demandent aux juges d’enjoindre à Total, sous astreinte financière :
- de mettre en conformité son plan de vigilance avec la loi, en y faisant figurer tous les risques d’atteintes graves associés aux projets Tilenga et EACOP ainsi que les mesures de vigilance adéquates à développer face à ces risques ;
- de mettre en œuvre de façon effective ces mesures de vigilance, y compris des mesures d’urgence telles que le versement immédiat des compensations et des distributions de nourriture pour les communautés privées de leurs moyens de subsistance ;
- à titre conservatoire, de suspendre les travaux afférents aux projets Tilenga et EACOP tant que les risques d’atteintes graves associés n’ont pas été correctement identifiés et que des mesures pour faire cesser les violations des droits humains et empêcher un désastre environnemental et climatique n’ont pas été élaborées et mises en œuvre de façon effective.
“Cela fait plus de trois ans que nous avons engagé cette bataille judiciaire contre Total. En Ouganda et en Tanzanie, la situation ne fait qu’empirer pour les communautés locales, qui subissent depuis plusieurs années des violations de leurs droits fondamentaux en raison de l’accaparement de leurs terres lié au développement du méga-projet pétrolier de Total. »
Juliette Renaud complète : « Nous avons enfin l’occasion d’aborder le cœur de l’affaire devant des juges et d’obliger la multinationale à répondre de ses actes”.
Au-delà des enjeux cruciaux de la décision judiciaire à venir sur ces pratiques de Total, celle-ci aura un impact sur la manière dont le devoir de vigilance est interprété par le juge. En effet, notre action est la toute première fondée sur la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Le jugement posera donc les bases de la jurisprudence de cette loi pionnière dans le monde pour la défense des droits humains et de l’environnement face aux pratiques des multinationales. Cette décision pourrait également alimenter les débats internationaux sur la régulation des multinationales, puisque des législations sont actuellement en cours d’élaboration au niveau européen et onusien.
“La loi devoir de vigilance, malgré ses lacunes, a le pouvoir de contraindre Total à faire cesser les violations des droits humains causées par ses activités et à prendre des mesures concrètes pour prévenir les risques majeurs à venir. Nous espérons que la décision à venir ira dans ce sens et que les juges prendront la mesure de l’urgence”.
La date de la décision sera annoncée par les juges à l’issue de l’audience.
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INFOS PRATIQUES
Se rendre au tribunal judiciaire de Paris :
Tribunal de Paris
Parvis du Tribunal de Paris
75 859 PARIS Cedex 17
Mercredi 7 décembre, 9h30.
Si vous souhaitez assister à l’audience, il est préférable d’arriver un peu en avance.