Rachat des actifs d’Uniper par EPH : une transaction à haut risque pour la sortie du charbon en France
Montreuil, le jeudi 4 juillet 2019 - L’entreprise allemande Uniper vient d’annoncer la signature d’un accord de vente de ses actifs en France, comprenant ses deux centrales à charbon de Gardanne et Saint-Avold, à l’énergéticien tchèque EPH. Les Amis de la Terre France dénoncent une transaction à haut risque pour le climat et l’avenir des salariés d’Uniper. Ils appellent le gouvernement à prendre ses responsabilités pour garantir les conditions de la sortie définitive du charbon en France d’ici 2022 et d’une transition juste pour les travailleurs de ces sites.
Six mois après l’annonce par Uniper de la poursuite de négociations exclusives avec EPH pour la vente de ses actifs français [1], le groupe allemand et le groupe tchèque ont signé aujourd’hui un accord de vente [2]. Cette transaction marque l’entrée du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky à la tête d’EPH sur le marché de l’énergie français, ainsi qu’un nouveau succès dans sa stratégie de rachat d’actifs sales en Europe.
Le groupe a en effet accumulé de l’expérience dans le rachat de centrales à charbon proches de la fermeture : après celles d’Eggborough au Royaume-Uni et de Fiume Santo en Italie, il met aujourd’hui la main sur les centrales à charbon françaises de Gardanne et de Saint-Avold. Les expériences passées ne laissent rien augurer de bon pour l’avenir des deux centrales et de leurs salariés. Au lieu de préparer et anticiper les fermetures de sites, EPH a plutôt fait ses preuves en matière de licenciements éclairs, transfert des coûts sur le contribuable et lobbying agressif pour décaler les dates de fermeture puis toucher des compensations financières.
« Ce qui intéresse M. Kretinsky, c’est de faire un maximum de profit pour rentabiliser à court terme ce rachat. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître le montant de la transaction, étant donné que la seule bonne raison pour Uniper de revendre ces actifs est de se débarrasser de la gestion de la fermeture des centrales à charbon. Le futur de ces deux sites et des salariés ne doit en aucun cas être laissé entre les mains d’EPH. Le gouvernement doit s’assurer que les centrales ferment bien d’ici 2022 en renforçant la disposition sur la sortie charbon dans la loi Energie Climat et qu’elles ne soient pas reconverties en centrales à gaz ou à la biomasse. Il doit aussi veiller à ce que des dispositifs d’accompagnement sérieux soient mis en place pour les salariés, sous-traitants et territoires impactés. », réagit Cécile Marchand, chargée de campagne climat et acteurs publics aux Amis de la Terre France. « Au delà des centrales à charbon, nous nous interrogeons sur les ambitions de M. Kretinsky sur le marché de l’énergie français. Quelle sera la prochaine étape ? » complète-t-elle.
Assurer la sortie du charbon d’ici 2030 en Europe et dans les pays de l’OCDE et d’ici 2040 dans le monde impose une fermeture progressive mais définitive de tous les actifs charbon. Au contraire, nombre d’entreprises désireuses de se délester de leurs centrales à charbon refusent de porter la charge environnementale et sociale de leurs fermetures, préférant déléguer ce devoir à d’autres moins regardantes.
« Soutenir la vente et l’achat d’actifs charbon, ainsi que les entreprises qui y prennent part est un acte clair contre l’atteinte des objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Cela n’empêche pourtant pas certaines banques françaises d’y prendre part. L’accord passé aujourd’hui entre Uniper et EPH a été facilité par la Rothchild & co, qui est loin d’en être à son coup d’essai [3]. Société Générale est en outre l’un des principaux financeurs d’EPH, qui a fait de ce type de rachat son modèle économique [4]. Toute banque un tant soit peu sérieuse sur ses ambitions climat devrait refuser de soutenir directement ou indirectement ces transactions toxiques », conclut Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France.