Rapport : 5 nouvelles années perdues pour la finance climat
À deux jours de l’anniversaire de l’Accord de Paris, un nouveau rapport international révèle comment la finance s’emploie depuis 5 ans à faire exploser le budget carbone disponible pour contenir la hausse de la température à 1,5°C. Il atteste de l’échec du gouvernement français à faire de la place de Paris la capitale de la finance verte.
Dans le rapport Five Years Lost rendu public aujourd’hui 1, 18 ONG 2 dont les Amis de la Terre France et Reclaim Finance pointent du doigt le rôle joué par la finance internationale dans le développement de 12 méga-clusters d’énergies fossiles 3 depuis l’adoption de l’Accord de Paris. Si elles voient le jour, ces 12 bombes climatiques consommeraient à elles seules 75% du budget carbone disponible pour rester sous la limite de +1,5 °C 4.
Le rapport dévoile que les acteurs financiers ont accordé $1600 milliards de financements aux entreprises qui portent cette myriade de nouveaux projets entre 2016 et 2020, et y détenaient $1100 milliards d’investissement en août 2020. Ces montants s’élèvent à $126 milliards de financements et $22 milliards d’investissements pour les banques et investisseurs français 5. Les ONG concluent que – malgré les promesses répétées depuis la COP21 – l’industrie financière a continué à aggraver la crise climatique.
Cet échec lourd de conséquence est également celui d’Emmanuel Macron et de son gouvernement. Celui qui s’est présenté dès le début de son mandat comme le leader international de la finance climat n’a pas même réussi à opérer un changement de cap des acteurs français.
Lorette Philippot poursuit : “Trois banques françaises – BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole – restent dans les 20 plus gros financeurs mondiaux de l’expansion des énergies fossiles. Si le gouvernement souhaite véritablement faire de Paris un exemple pour toutes les places financières, il doit dès ce jour contraindre les banques, investisseurs et assureurs à s’aligner avec l’Accord de Paris”.
Le Ministre de l’Economie et des Finances a, au Climate Finance Day, appelé l’ensemble des acteurs financiers français à adopter une stratégie de sortie des gaz et pétrole non-conventionnels. Le rapport montre que ceux-ci ont tout à faire pour ne plus soutenir l’expansion de ces secteurs. BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE ont fourni près de $50 milliards de financements aux entreprises qui développent les hydrocarbures de schiste dans le Bassin Permien aux Etats-Unis et dans la région de Vaca Muerta en Argentine, les deux premières figurant même parmi leurs 15 plus gros financeurs.
Le rapport montre que les banques françaises n’ont aucune raison de pavoiser face à leurs pairs internationaux et que leurs premiers engagements sur les pétrole et gaz ne se traduisent aucunement en une réduction significative de leurs financements aux plus gros pollueurs.
“Elles affichent toutes un soutien inébranlable envers Total, Shell et BP malgré leurs investissements dans l’expansion des secteurs les plus risqués pour le climat et la biodiversité. Est-ce par lâcheté ou par hypocrisie ? Qu’importe, leur loyauté inconditionnelle envers les majors pétrolières et gazières sape les efforts fournis ailleurs. Nous paierons tous leur quête pour des profits faciles sur le court terme”, conclut Lucie Pinson.
Les Nations Unies ont publié la semaine dernière un rapport exposant l’écart entre la hausse annuelle prévue de 2% de la production d’énergies fossiles entre 2020 et 2030 et les 6% de baisse annuelle qu’il nous faut viser afin de limiter le réchauffement à 1,5°C 6. Prenant acte de la science, les Amis de la Terre France et Reclaim Finance appellent le gouvernement à contraindre les acteurs financiers privés à stopper tous soutiens directs et indirects au développement de nouvelles réserves de charbon, pétrole et gaz, ainsi qu’à mettre un terme aux subventions aux énergies fossiles.
Rapport international – Five Years Lost
Les 18 ONG partenaires de ce rapport sont : Conservation Council of WA (CCWA) ; Center for Energy, Ecology, and Development (CEED) ; Center for International Environmental Law (CIEL) ; Coastal Livelihood and Environmental Action Network (CLEAN) ; Climate Risk Horizons ; Enlace por la Justicia Energética y Socioambiental (EJES) ; FARN ; Framtiden i våre hender ; Friends of the Earth France ; Friends of the Earth France ; Global Gas and Oil Network (GGON) ; Global Energy Monitor (GEM) ; Leave it in the Ground Initiative (LINGO) ; Oil Change International ; Rainforest Action Network ; Reclaim Finance ; Urgewald.
Les 12 clusters d’énergies fossiles en cours de développement et études de cas du rapport sont : (1) le développement de nouvelles flottes de centrales à charbon en Chine et (2) aux Philippines, (3) le développement de nouvelles mines et centrales à charbon en Inde, (4) le développement d’un nouveau hub pour le charbon et le gaz à Payra au Bangladesh, (5) l’exploitation des pétrole et gaz de schiste dans le bassin permien aux États-Unis et (6) dans la région de Vaca Muerta en Argentine, (7) le développement d’un nouveau hub pour le gaz sur la péninsule de Burrup en Australie, (8) l’exploitation du gaz au large du Mozambique, (9) l’exploitation du pétrole et du gaz au large du Suriname, (10) au large du Royaume-Uni, (11) dans la mer de Barents en Norvège, (12) dans l’est de la mer Méditerranée.
Ces 12 clusters d’énergies fossiles généreraient au moins 175 gigatonnes d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires. Cela représente près de la moitié des 395 Gt du budget carbone restant pour limiter le réchauffement à 1,5° avec une probabilité de 50%. Cela représente près de 75% des 235 Gt restantes avec une probabilité de 66 %. Voir le rapport ZERO IN du projet CONSTRAIN.
Selon une recherche financière menée par le cabinet indépendant Profundo sur les services financiers octroyés par les banques et investisseurs internationaux à 133 entreprises qui poussent le développement des 12 clusters d’énergies fossiles sélectionnés. Cette recherche couvre : côté financements, les prêts et émissions d’actions et d’obligations accordés à ces entreprises entre janvier 2016 et août 2020 ; côté investissements, les actions et obligations détenues en août 2020 avec une date limite de dépôt d’août 2020.
Rapport Production Gap, décembre 2020.