Sous pression citoyenne, Société Générale acte un début de retrait des projets de gaz de schiste nord-américains
Après une importante campagne de mobilisation citoyenne initiée en 2017 par Les Amis de la Terre France et ANV-COP21, Société Générale reconnaît l’impact climatique des hydrocarbures de schiste et s’engage à ne plus soutenir les nouveaux projets de terminaux de GNL – gaz naturel liquéfié – en Amérique du Nord.
Elle confirme également s’être rétirée de deux projets prévus au Canada, Goldboro LNG et GNL Québec. Mais en totale incohérence avec cette annonce, et alors que les événements climatiques extrêmes se multiplient ces dernières semaines aux quatre coins du monde, la banque maintient une participation active dans le développement de deux autres méga-projets aux Etats-Unis, Driftwood LNG et Rio Grande LNG.
Répondant à une lettre des Amis de la Terre France et de Greenpeace Canada 2, Société Générale a confirmé hier avoir cessé de soutenir le développement du projet de terminal d’exportation gazier GNL Québec prévu dans le fragile écosystème du fjord du Saguenay 3. La banque avait déjà récemment annoncé se retirer de son mandat de conseil pour le projet canadien Goldboro LNG 4– l’entreprise qui porte le projet en a depuis annoncé la suspension. Cette décision est rendue publique alors que Société Générale s’est engagée à son assemblée générale de mai 2021 à ne plus fournir de soutiens financiers dédiés aux nouveaux projets de production et d’exportation de GNL en Amérique du Nord.
L’implication de Société Générale dans les hydrocarbures de schiste et notamment dans ces projets de terminaux gaziers était depuis plusieurs années dans le radar des associations écologistes en France 1. Et pour cause, alors que la très forte expansion de cette industrie en Amérique du Nord menace le climat mondial comme les populations et les écosystèmes locaux, Société Générale s’était imposée comme un des leaders du secteur 5.
» Lorsqu’un acteur financier clé du gaz de schiste comme Société Générale commence à limiter ses activités dans le secteur pour des raisons environnementales, c’est un signal fort envoyé à l’ensemble de l’industrie. C’est aussi une victoire d’étape pour le climat, qui montre que la pression des ONG et des activistes finit par payer. «
Lorette Philippot poursuit : “Lorsque les mobilisations citoyennes ont commencé pour appeler Société Générale à cesser d’appuyer ces projets, la banque osait répliquer publiquement que le gaz de schiste était une “énergie de transition nécessaire” 6. Elle est aujourd’hui sortie de son déni toxique.”
Mais le présent engagement de Société Générale présente de profondes limites et incohérences. En particulier, il pose une exception pour les projets pour lesquels Société Générale est actuellement mandatée. Si elle a décidé de mettre fin à ses services financiers pour les projets canadiens Goldboro LNG et GNL Québec, elle s’autorise à poursuivre ses mandats de conseil financier pour les projets états-uniens Driftwood LNG et Rio Grande LNG. Société Générale soutient par ailleurs encore l’expansion du secteur des hydrocarbures de schiste en alimentant continuellement les entreprises qui ouvrent de nouveaux puits ou construisent de nouvelles infrastructures liées à cette énergie nocive.
« Les graves impacts du gaz de schiste sur le climat, la santé et les économies locales ne s’arrêtent pas à la frontière. L’hypocrisie de Société Générale serait à son sommet si elle permettait dans les prochains mois aux deux véritables bombes climatiques que sont Rio Grande LNG et Driftwood LNG d’être financées et de sortir de terre. Le gouvernement français s’est récemment opposé à la signature par Engie d’un contrat d’importation de gaz de schiste en provenance du terminal Rio Grande LNG 7. Il a également appelé tous les acteurs financiers français à sortir des pétrole et gaz non-conventionnels 8. Il ne peut plus rester muet face à la responsabilité de Société Générale. », poursuit Lorette Philippot.
Les Amis de la Terre France appellent le gouvernement à ne plus se contenter de vagues incitations et d’engagements volontaires à géométrie variable de la part des banques, assureurs et investisseurs. L’ONG demande une nouvelle réglementation garantissant la fin de tout nouvel investissement dans les énergies fossiles 9, à commencer par le charbon et les hydrocarbures non-conventionnels.
Voir la page de la campagne et sa chronologie sur le site des Amis de la Terre France.
www.amisdelaterre.org/campagne/societe-generale-plein-gaz-sur-les-fossiles
Lettre des Amis de la Terre France et de Greenpeace Canada adressée à Frédéric Oudéa le 22 juin 2021. www.amisdelaterre.org/publication/lettre-a-societe-generale-sur-son-implication-dans-les-projets-de-terminaux-de-gnl-nord-americains
Erratum du 8 juillet 2021 des réponses de Société Générale aux Amis de la Terre France et à Reclaim Finance lors de son assemblée générale 2021, confirmant l’arrêt de ses soutiens à GNL Québec.
Repris dans la presse canadienne, par exemple par La Presse et Le Journal de Montréal.
Article de Reuters de mai 2021 « Canada’s Pieridae Energy hires MUFG as SocGen exits over emissions worries ». www.reuters.com/article/lng-north-america-financing-idUSKCN2D925P
Société Générale a participé par le passé au financement d’au moins quatre terminaux d’exportation de gaz de schiste aux États-Unis : Corpus Christi LNG, Cove Point LNG, Freeport LNG, Sabine Pass LNG. Elle se distingue aussi par le fait qu’elle ne se contente pas de financer ces infrastructures, elle conseille souvent leurs promoteurs sur l’ensemble du processus de développement des projets – comme pour Sabine Pass LNG, Corpus Christi LNG, Goldboro LNG, GNL Québec, Driftwood LNG et Rio Grande LNG.
« Lettre ouverte à ceux qui se mobilisent pour le climat » publiée en décembre 2018 par Société Générale. www.societegenerale.com/sites/default/files/documents/lettre_ouverte_14122018.pdf
Communiqué des Amis de la Terre France de novembre 2020 « Contrat d’importation de gaz de schiste américain : Engie sous pression recule, Société Générale isolée ».
Communiqué de presse du ministère de l’économie et des finance pour le Climate Finance Day 2020.
Recommandation formulée par l’Agence internationale de l’énergie dans son rapport de mai 2021 pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter le réchauffement à 1,5 °C.