Agriculture
Communiqué de presse11 mars 2025

Taxe sur les engrais russes : il faut arrêter de financer tous les Etats belliqueux et protéger les agriculteurs

Une proposition de règlement visant à sanctionner les importations d’engrais russes et biélorusses a été présentée par la Commission européenne le 27 janvier. Ce texte prévoit, 3 ans après le début de la guerre, d’instaurer des droits de douanes progressifs sur ces produits.

Bienvenue dans un contexte où les importations européennes d’engrais russes ont augmenté de plus de 80% et participent à financer l’effort de guerre de Poutine, cette proposition est cependant incomplète et risque d’avoir deux effets pervers majeurs : une hausse brutale du prix des engrais pour les agriculteurs ainsi qu’un report vers les importations issues d’autres pays aux régimes autoritaires (USA, Algérie, Oman…). Les Amis de la Terre soutiennent ce projet de taxe mais demandent qu’ils soit étendu à l’ensemble des Etats autoritaires et belliqueux, et assorti d’un plan de réduction de la consommation d’engrais qui accompagne réellement les agriculteurs dans cette transition.

Notre système agricole et alimentaire risque l’effondrement en dépendant de la volonté de Poutine ou de Trump de nous vendre leur gaz ou leurs engrais. Cette taxe propose de réduire progressivement les importations d’engrais russes mais n’envisage, pour éviter la rupture dans l’approvisionnement européen, qu’un report vers les autres pays exportateurs, dont bon nombre sont eux aussi belliqueux ou autoritaires : Etats-Unis, Algérie, Oman, Qatar et Trinité-et-Tobago principalement.

L’industrie européenne des engrais se réjouit d’une telle taxe, qui est dans son intérêt, mais pas dans celui de l’agriculture européenne. Elle dit y voir une opportunité de relancer la production européenne. Les producteurs, Yara en tête, ferment pourtant massivement leurs usines européennes pour délocaliser la production aux Etats-Unis, qui a récemment lancé une politique fiscale subventionnant lourdement l’extraction de gaz, la production d’ammoniac et d’engrais chimiques. Yara y voit donc surtout l’élimination d’un pays concurrent. Dans ce contexte, sanctionner les importations russes sans sanctionner les importations états-uniennes est intéressant pour l’industrie des engrais, mais ne signifiera pas une amélioration de la souveraineté européenne. Souveraineté en engrais qui, rappelons-le, est par essence impossible puisque l’UE dépendra toujours des importations de matières premières (gaz principalement) pour produire sur son sol.

Cette proposition de règlement inquiète les organisations agricoles. Nous partageons ces inquiétudes alors que le texte ne prévoit aucune mesure concrète pour aider les agriculteurs en cas de hausse brutale du prix des engrais. Au vu du niveau de dépendance actuel de l’Union européenne, France en tête, la volatilité des prix des engrais fait partie des principaux facteurs de la colère et de la détresse d’une grande partie des agriculteurs.

Les reculs réclamés par la COPA-COGECA, équivalent européen de la FNSEA,  à l’occasion de cette proposition de règlement (suppression des droits d’importation sur les engrais venant de pays tiers, dérogations sur la directive nitrates, etc.), n’aideront pas structurellement les agriculteurs dépendants d’engrais chimiques dont l’approvisionnement peut être réduit drastiquement du jour au lendemain. 

Nous réclamons que cette taxe soit assortie d’une politique agricole volontariste qui organise la sortie de la dépendance aux engrais fossiles, qu’ils soient issus de gaz russe, américain ou qatari. Réduire structurellement notre dépendance aux engrais chimiques doit se faire à travers un soutien massif à l’agriculture bio, à la filière légumineuses, à la polyculture-élevage, au recyclage des excréta humains et au changement de régimes alimentaires. Sortir de notre dépendance structurelle aux engrais chimiques est la seule manière de mettre en place notre souveraineté alimentaire.