Tout ça pour ça : le projet de loi Climat sabote le travail des 150 et condamne le respect des objectifs climatiques de la France
Après des semaines d'attente, le Gouvernement vient de communiquer sur le projet de loi Convention Citoyenne pour le Climat. Les Amis de la Terre France dénoncent la violation de l’engagement présidentiel de reprise sans filtre des propositions des 150 citoyens et le sabotage en règle de la majorité de leurs mesures.
En refusant ou retardant la mise en oeuvre des mesures les plus structurantes et en misant sur des engagements volontaires des entreprises, le projet de loi assure que l’ambition initiale de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 ne sera pas atteint, et a fortiori que la France ne tiendra pas le nouvel objectif européen de réduction des émissions de 55% à cette date.
La diffusion du projet de loi Convention Citoyenne pour le Climat confirme la violation par Emmanuel Macron de sa promesse de transmettre sans filtre au Parlement les propositions des 150 citoyens tirés au sort. La quasi-totalité des grandes mesures nécessaires à atteindre l’objectif de réduction de 40% des émissions de la France en 2030 sont sabotées. Dans ces conditions, il est impossible pour la France de respecter l’objectif européen, nouvellement fixé, de réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre cette même année. Ceci d’autant plus que nombre de mesures sont devenues optionnelles pour les entreprises ou les collectivités, ce qui réduit d’autant la probabilité qu’elles soient mises en œuvre.
Le projet de loi refuse toute obligation de réduction de leurs émissions pour les grandes entreprises et tout encadrement des aides publiques (CICE, CIR, financements export) pour les entreprises n’étant pas engagées dans une trajectoire de réduction des émissions conforme aux objectifs de l’Accord de Paris. C’est d’autant plus problématique que certaines entreprises françaises ont un impact colossal sur le climat. On pense notamment aux grandes banques, quand BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE ont financé à hauteur de 198 milliards d’euros les énergies fossiles à travers le monde depuis la COP21 1.
L’ensemble des mesures destinées à réduire les émissions du trafic aérien ont été réduites à peau de chagrin : refus de l’interdiction des vols intérieurs et de l’arrêt des extensions d’aéroports, augmentation de la taxe qui n’aura éventuellement lieu que si le trafic aérien retrouve son niveau d’activité de 2019. Le malus poids lourd ne concerne que 2% des véhicules vendus, l’option végétarienne quotidienne dans les cantines restera optionnelle…
Parmi les mesures à fort impact évacuées : la taxation sur les engrais chimiques, grands responsables des émissions du secteur agricole et qui polluent notre air et notre eau. Les rapports de l’administration française se multiplient depuis 20 ans sur cet enjeu. Mais fidèle à sa stratégie sur l’écologie, le gouvernement d’Emmanuel Macron propose de décaler la mesure de la Convention citoyenne à 2024, une fois le quinquennat terminé. Anne-Laure Sablé, chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre dénonce : “A quoi bon convoquer une Convention citoyenne en 2020 si ce n’est pour des effets d’annonce destinés en réalité à ne pas toucher aux intérêts de l’agrobusiness ? Cette décision est aux antipodes de la lettre de mission 2 envoyée par J. Castex à J. Denormandie : la cohérence est décidément un mot bien absent de ce quinquennat”.
Si l’objectif de réduction de 50% de l’artificialisation sera bien opposable à partir de 2025 aux collectivités, le moratoire sur les zones commerciales en périphérie enregistre un net recul. Les entrepôts de e-commerce en sont exclus, malgré les preuves que ce modèle détruit massivement des emplois dans le commerce 3, et les projets de surfaces commerciales de moins de 10 000m2 pourront toujours être autorisés sous condition. Un seuil bien trop élevé puisque 80% des projets de surfaces commerciales sont inférieurs à cette surface. Alma Dufour, chargée de campagne surproduction constate: “L’inégalité de traitement du Gouvernement entre e-commerce et commerce physique ne connaît plus de limite. Outre l’exclusion des entrepôts du moratoire, Bercy aurait même demandé à les exclure des objectifs généraux de réduction de l’artificialisation des collectivités ! Le Gouvernement a également choisi de ne pas imposer les faibles contraintes aux projets d’extensions d’aéroports à l’aéroport de fret Bâle Mulhouse, dont l’activité explose avec l’e-commerce 4!”
Le rôle de la publicité dans la surconsommation et notamment pour des produits polluants, et donc dans l’explosion de l’empreinte carbone de la France, a été prouvé. Pourtant, sur les 12 mesures pour la régulation de la publicité proposées par la CCC une seule est présente dans le projet de loi. 4 ont été modifiées et fortement assouplies par rapport aux ambitions des citoyens. 7 sont portées disparues. Pour Khaled Gaiji, Président des Amis de la Terre et membre de Résistance à l’agression publicitaire : “En terme de “sans filtre” et d’ambition pour la régulation de la publicité, M. Macron a 1 sur 12.“
Rapport international Banking On Climate Change, mars 2020.
E-commerce et emploi, Ano Kuhanathan (EY Parthenon!, Paris Dauphine) et Florence Mouradian (OCDE), décembre 2020
http://www.kavalacapital.com/content/20201201-Rapport_ecommerce.pdf
Il existe ainsi déjà une liaison quotidienne de l’opérateur de fret DHL, dont l’e-commerce représente désormais 50% de l’activité entre Bâle Mulhouse, l’aéroport de fret allemand de Leipzig où Amazon vient d’ouvrir un nouveau hub, et Roissy où FedEx et DHL construisent deux nouveaux hub en raison de l’explosion du e-commerce.