Transition du secteur pétro-gazier : une enquête inédite auprès des salariés
Alors que la crise des prix de l’énergie et le conflit avec la Russie prennent de l’ampleur, il est plus que jamais nécessaire de sortir rapidement de notre dépendance aux énergies fossiles, et de préparer la transition des salariés du secteur.
Les Amis de la Terre, l’Institut Rousseau et l’Institut Veblen dévoilent les enseignements d’une enquête inédite menée depuis avril 2021 1 auprès des travailleurs du secteur pétrolier et gazier en France.
Les résultats montrent une inquiétude face à la crise du secteur, une prise de conscience aigüe du changement climatique et une forte volonté de reconversion. Il est urgent et nécessaire que la puissance publique et les entreprises concernées anticipent la transition de la filière en intégrant les travailleurs dans le processus, afin que ces derniers ne soient pas laissés sur le carreau. 266 salariés du secteur pétrolier et gazier ont participé à cette enquête 2 .
Pour une transition juste : visions et attentes des travailleur·ses du secteur pétrolier et gazier en France
Qu’apprend-on de cette enquête 3 ?
Les salariés ont une conscience commune de la succession de crises qui frappe le secteur depuis plusieurs années. 71 % des personnes interrogées estiment que le secteur du pétrole et du gaz est en crise. Or cette crise ne touche pas tout le monde de la même manière : les personnes travaillant dans le raffinage et les salariés du secteur parapétrolier et paragazier sont davantage inquiets face à la crise.
Il existe également une forte prise de conscience de la crise climatique, et des conséquences de celle-ci pour les emplois dans le secteur pétro-gazier. 95 % des répondant·es considèrent le changement climatique comme un problème et 45 % des répondant·es pensent que celui-ci menace leur emploi.
Les salariés sont largement volontaires pour envisager une reconversion et changer de secteur. Une vaste majorité (79 %) des répondant·es se dit prête à se reconvertir hors du secteur pétrolier et gazier. Les personnes moins qualifiées ou moins haut placées dans la hiérarchie ont pu manifester une inquiétude concernant la possibilité de se reconvertir. Les répondants affichent un fort intérêt pour une reconversion dans d’autres secteurs de l’énergie, avec des variations en fonction de leur domaine d’activité et métier actuels. Il s’avère néanmoins qu’un travail d’évaluation des compétences dans chaque entreprise et à l’échelle de la filière est nécessaire afin d’identifier précisément les passerelles existantes vers des métiers de la transition, et les besoins en formation associés.
Que répondent les salariés quand on les interroge sur ce que prévoient leurs entreprises face à la crise climatique et pour leur avenir ? Les réponses sont variables, mais les personnes interrogées s’accordent pour critiquer la priorité accordée au profits de court-terme et au manque d’anticipation du futur. Ainsi, de nombreux répondants observent que les reconversions reposent surtout sur des initiatives individuelless. 43 % des répondant·es estiment devoir changer d’entreprise pour pouvoir se reconvertir hors du secteur pétrolier et gazier.
Un autre élément ressort de l’enquête : les pouvoirs publics ne mettent pas en place une véritable politique structurelle pour la transition de la filière. ⅔ des répondant·es estiment que les pouvoirs publics (État et Régions) n’agissent pas suffisamment pour leur secteur. La nécessité d’anticipation et d’accompagnement est pourtant un élément important mentionné par les répondants. Les demandes et besoins formulés par les travailleurs interrogées sont clairs : des aides à la reconversion individuelle, un soutien à la reconversion des entreprises ou encore assurer la fin du pétrole afin d’éviter des accidents. Ils et elles décrivent une vision systémique du défi et comptent sur l’État pour mener de vraies politiques de diminution de la consommation, de développement des nouvelles filières énergétiques et de pilotage de la transition.
Les résultats de cette étude montrent des volontés et besoins clairs de la part des premiers concernés en matière d’accompagnement vers des secteurs compatibles avec la transition. Les Amis de la Terre, l’Institut Rousseau et l’Institut Veblen formulent une série de recommandations à l’égard de l’État et des entreprises. La crise se fait déjà ressentir pour une partie des travailleurs et annonce un avenir sombre pour tous les salariés de la filière si sa transition n’est pas sérieusement anticipée. C’est pourquoi il est urgent que les pouvoirs publics agissent dès maintenant. L’implication réelle des travailleurs – et non des démarches de communication autour de celle-ci – est une condition pour la réussite des reconversions.
Une table ronde sera organisée à Paris fin mars par les rédacteurs du rapport avec des acteurs du secteur pétrolier et gazier afin de présenter ces résultats et d’en débattre.
échantillon : 266 salarié·es du secteur pétrolier et gazier ont répondu à notre enquête. ⅔ travaillent pour une entreprise parapétrolière ou paragazière, aussi appelée « au service des énergies », et ⅓ pour des entreprises de production et de fourniture d’énergie (par exemple TotalEnergies ou Engie). Malgré l’absence d’uniformité des chiffres sur le secteur et la difficulté à évaluer sa représentativité, on peut constater que l’échantillon se caractérise par un grand nombre de personnes à haut niveau de diplômes, de cadres, d’ingénieur·es, ainsi que de salarié·es de grandes entreprises.