Contre-offensive de Monsanto : Comment piéger les journalistes crédules – même de Médiapart ?
Monsanto a lancé une campagne de communication pour essayer de semer le doute sur l’étude publiée il y a deux jours par le chercheur français, Gilles-Eric Séralini.
Cette étude montrait que le produit phare du géant des biotechnologies, l’herbicide Roundup et un des maïs GM produits par cette même firme, le NK603, ont des effets catastrophiques sur la santé des rats lorsque ceux-ci sont étudiés tout au long de leur vie et non pas seulement durant ce délai de 90 jours qu’affectionnent les industriels. Dans un E-mail qu’a pu lire le Corporate Europe Observatory, un responsable de Monsanto a diffusé une liste de réactions compilées par une prétendue agence d’informations scientifiques, le Science Media Center (SMC) basé à Londres.
Le SMC propose une liste qui paraît tout à fait objective et est intitulée : « Réactions d’experts à propos du maïs GM provoquant des tumeurs » . Huit scientifiques sont cités et réagissent à l’étude de Séralini et on y trouve aussi 10 contre-arguments dont l’auteur n’est pas cité. Sans aucune surprise, toutes les réactions rejettent l’étude de Séralini. D’après Spinwatch , 70% de tout l’argent reçu par le SMC viendrait de l’industrie et la liste des donateurs comprend presque tous les grands de l’industrie des biotechnologies.
Cette opération de désinformation semble avoir bien marché puisque les trois citations critiques mentionnées par Reuters contre l’étude de Séralini proviennent de personnes (Tony Sanders, Mark Tester, David Spiegelhalter) qui sont sur la liste qu’a fait circuler le SMC. Le groupe de pression pro-OGM EuropaBio a aussi publié un communiqué de presse citant ces trois mêmes experts et cataloguant tous les arguments qu’il pouvait trouver dans le but d’essayer de discréditer cette étude de Séralini.
Médiapart a publié le 22 septembre un article intitulé “OGM : une étude fait beaucoup de bruit pour presque rien” se référant, à notre grand étonnement largement au SMC. La tactique de Monsanto semble bien fonctionner.
Voici des précisions sur ce Science Media Center cité par Médiapart et sur les « experts » appelés à la rescousse pour discréditer l’étude de Séralini et son équipe.
– Tout d’abord, la directrice du SMC, Fiona Fox, est liée avec un réseau très militant (LM Network) qui a pour but d’infiltrer les media et les groupes d’influence en lien avec les questions scientifiques, dans le but de promouvoir ses propres points de vue. C’est un réseau qui fait l’apologie des plantes GM et du clonage, qui est très hostile à toute critique et compare les écologistes à des nazis.
(http://www.powerbase.info/index.php/Fiona_Fox )
– Le premier expert cité par le SMC est le professeur Maurice Moloney, directeur général de Rothamsted Research. Ce que le SMC oublie de dire aux journalistes, c’est que Moloney conduit une Porsche avec comme numéro d’immatriculation, ces trois seules lettres « GMO » (OGM en anglais !) et que son CV est du même ordre. A la base des recherches de Monsanto sur le canola, une variété de colza, on retrouve les recherches de Moloney. Il a fondé aussi sa propre compagnie de biotechnologies avec la participation financière de Dow Agro Science. En d’autres termes, la carrière et les activités commerciales du professeur Moloney se concentrent depuis longtemps sur les OGM.
– Un autre expert cité par le SMC est Mme Wendy Harwood. Elle mène des recherches sur les OGM au Royaume-Uni, au Centre John Innes, qui a reçu des dizaines de millions de livres d’investissements de la part des géants des biotechnologies comme Syngenta. En fait, un des précédents directeurs de ce Centre expliquait à un journal local que tout ralentissement important ou toute pause dans le développement des cultures GM « pourrait être très, très grave pour eux ».
(http://www.powerbase.info/index.php/John_Innes_Centre)
– Le professeur Anthony Trawavas de l’Université d’Edimbourg est un autre de ces experts cités par le Science Media Center. Nulle part, il n’est fait mention du fait que c’est aussi un scientifique travaillant sur les OGM, ainsi qu’un ardent opposant à l’agriculture biologique. On se garde bien de nous dire aussi qu’il est bien connu pour ses attaques contre les scientifiques qui ont publié des études critiques à l’endroit des OGM comme Pusztai par exemple.
(http://www.gmwatch.org/latest-listing/51-2012/14211-gm-lobby-wades-in-on-new-study)
– Le professeur Mark Tester est décrit par le SMC comme un professeur menant des recherches au « Centre australien de génomique fonctionnelle des plantes » à l’université d’Adelaïde. Voici ce que nous dévoile son profil à l’université d’Adelaide. : « Son activité commerciale est évidente de par la création d’entreprises privées et de ses interactions réussies avec des compagnies internationales comme Monsanto, Syngenta, Bayer et Pioneer-DuPont ».
(http://www.adelaide.edu.au/directory/mark.tester)
– Le professeur Ottoline Leyser est présenté par le SMC comme le directeur associé du laboratoire Sainsbury de l’Université de Cambridge. Il n’est pas fait mention du fait que le laboratoire est financé par la Fondation Gatsby de Lord Sainsbury, un partisan enthousiaste des OGM, possédant des entreprises de biotechnologies et qui a lancé et financé les travaux en lien avec les OGM du Laboratoire Sainsbury du Centre John Innes.
(http://www.powerbase.info/index.php/David_Sainsbury)
– Quant au professeur Sanders, il est présenté par le SMC comme le directeur de la Division de Recherche des Sciences Nutritionnelles du King’s College de Londres. Tout comme le professeur Trewavas, le professeur Sanders participa aux attaques contre l’étude de Pusztai qui soulevait de nombreuses questions sur les OGM. Ses critiques ne paraissent pas, avec le recul, avoir été bien fondées.
(http://www.powerbase.info/index.php/Tom_Sanders)
D’après un article de The Independant datant de 1996, Sanders était à l’époque « consultant professionnel pour Nutrasweet » qui a appartenu jusqu’en 2000 à Monsanto.
– Le professeur Alan Boobis est présenté par le SMC comme professeur de pharmacologie biochimique au Collège Impérial de Londres. Le SMC oublie de préciser qu’Alan Boobis a longtemps été membre de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire, cette même agence qui a autorisé le maïs en question. Le SMC passe aussi sous silence le fait que Boobis a longtemps siégé au conseil de l’Institut International des Sciences de la Vie (ILSI), un groupe de l’industrie alimentaire et des biotechnologies soutenu par des géants des OGM comme Bayer et Monsanto.
(http://www.powerbase.info/index.php/International_Life_Sciences_Institute )
Et lorsqu’on voit le rôle qu’a joué Alan Boobis au sein de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire, il est clair que le rôle de certaines agences de l’Union européenne doit être revu, mais c’est un autre chapitre.
Médiapart cite aussi Martina Newell-McGloughlin. Elle était l’un des quatre experts réunis par le lobby industriel appelé Institut International des Sciences de la Vie (ILSI), pour rédiger une évaluation des risques des aliments modifiés génétiquement. Le document qui en a résulté a été cité dans le guide officiel de l’AESA. Ce groupe de travail comptait parmi ses membres BASF, Dow, Monsanto, Pioneer, Syngenta et il était présidé par Kevin Glenn de Monsanto.
Dans un débat scientifique, la critique a toute sa place, mais espérons que ceux qui sont si prompts à critiquer l’étude de Séralini et de son équipe sauront faire preuve de la même rigueur envers les études de l’industrie et ses représentants …
L’autorisation donnée par la Commission européenne au maïs NK603 avait en son temps était déjà très controversée.
(Basé sur des informations du CEO et GMWatch)