Discours d’E. Macron à la Convention citoyenne : la vague verte s’arrête aux pieds du néolibéralisme
Habitué des discours verdoyants, E. Macron a choisi le lendemain d’une défaite électorale pour répondre aux propositions des 150 citoyens et citoyennes de la Convention Citoyenne pour le Climat.
L’écologie a fait indéniablement du chemin dans la ligne politique et économique du Gouvernement, mais le discours démontre la limite majeure du projet politique d’E. Macron. Alors que la Convention citoyenne a réitéré à plusieurs reprises l’importance de sortir d’une économie insoutenable, E. Macron continue de s’abriter derrière la croissance verte et l’essor de nouvelles technologies pour résoudre le défi climatique. Le monde d’avant a encore de beaux jours devant lui.
Pour le Président, la paralysie de l’économie pendant le coronavirus n’ayant entraîné une baisse “que de 8%” des émissions mondiales, la décroissance serait donc impuissante à freiner le réchauffement climatique. Des propos qui frôlent la fake news tant ce niveau de réduction est historique. Pour avoir une chance d’éviter l’emballement climatique, le GIEC préconise une réduction des émissions mondiales de 7% par an d’ici 2030. 3 mois de réduction intensive de l’activité économique ont donc fait plus pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre que 30 ans de politiques de croissance verte.
Pas de changement de ligne sur la finance et la dette. Pour plus d’investissement verts, il va falloir produire plus… et travailler plus. E. Macron ne semble pas avoir conscience que la réduction des émissions entraînée par une rénovation énergétique des bâtiments ambitieuse pourrait être contrebalancée par l’accroissement de l’empreinte carbone de la surproduction de biens et services polluants.
Les citoyens avaient pourtant proposé une taxe de 4% sur les dividendes pour financer leurs mesures, une tentative de corriger la captation massive de la richesse par les marchés financier et leur responsabilité immense dans la crise climatique. Emmanuel Macron, dont on connaît le passé dans la finance, a utilisé son Joker pour éviter qu’elle ne passe à l’Assemblée.
Jokers, dont l’existence et le nombre avaient été sciemment omis aux membres de la Convention citoyenne, qui apprécieront la manœuvre. Pour les autres mesures, E. Macron a tenu bon de préciser qu’un nouveau travail de consensus serait réalisé par les parlementaires, alors qu’un sondage révèle pourtant une adhésion massive des Français à une grande partie des mesures structurantes proposées par les citoyens 1.
Convention citoyenne et agriculture : les Français soutiennent à 90 % la réduction des engrais de synthèse, véritable fléau pour le climat !
E. Macron, en rappelant la légitimité supérieure des élus sur des citoyens tirés au sort, a envoyé un signal à sa majorité : celui de reprendre la main. Outre ses jokers, il a, en effet, assumé son opposition à plusieurs mesures : l’interdiction des vols intérieurs ou la non ratification du CETA.
Seul secteur où la parole présidentielle détonne : l’aménagement du territoire. E. Macron affirme que l’artificialisation des périphéries et la désertification des centres villes entraînée par la mort des petits commerces est une des causes profondes du mal être exprimé par le mouvement des gilets jaunes. Marqué à titre personnel et désireux de préserver les conditions d’une relocalisation, Emmanuel Macron s’est clairement positionné en faveur de la division réglementaire par 2 de l’artificialisation et d’un moratoire sur les équipements commerciaux en périphérie.
C’est un virage à 180° quand sa Secrétaire d’Etat A. Pannier-Runacher affirmait devant Jean-Jacques Bourdin il y a moins de 15 jours être favorable à l’implantation des entrepôts de e-commerce en France, car “un moratoire ne réglerait rien”. On attend néanmoins de voir ce qu’il en sera dans le projet de loi reprenant les mesures de la CCC et les consignes de vote qui seront passées à la majorité.
Sondage Elabe, Les Français et la Convention Citoyenne pour le Climat, 26 juin 2020