EACOP : La voie du désastre. Enquête inédite sur le projet de Total en Tanzanie
Avec l’association Survie, nous publions aujourd’hui un nouveau rapport sur EACOP, le projet d’oléoduc géant de Total en Ouganda et en Tanzanie. Le rapport est issu d’une enquête de terrain inédite en Tanzanie et donne la parole aux communautés affectées par le projet.
Alors qu’une audience aura lieu le 7 décembre au tribunal judiciaire de Paris, cette enquête apporte de nouvelles preuves des violations des droits humains et des risques environnementaux liés au projet.
EACOP, la voie du désastre
Un terrain d’enquête difficile
Alors que les ravages environnementaux et humains d’EACOP – et de Tilenga, le projet d’extraction pétrolière qui lui est associé – ont déjà été largement documentés en Ouganda, l’enquête en Tanzanie a été réalisée dans des conditions encore plus difficiles. La société civile tanzanienne est presque inexistante et les voix dissidentes sont muselées par le régime autoritaire. Alors que le tracé initialement prévu passait par le Kenya, Total a choisi de faire passer son oléoduc en Tanzanie, alors que les violations des droits humains y étaient prévisibles.
« Les associations et les médias sont totalement entravés dans leur travail d’investigation et de documentation du projet EACOP en Tanzanie, du fait d’un important système de surveillance mis en place par les autorités, ce qui a rendu les conditions de cette enquête très difficiles. Cette dernière démontre que loin des regards, les pratiques de Total sont encore plus éloignées des recommandations et des standards internationaux que ce qui a déjà été documenté en Ouganda. Des bords du lac Victoria à l’océan Indien, dans toutes les régions impactées par ce futur oléoduc, les populations affectées font part de leurs sentiments d’impuissance et d’injustice face aux pratiques des promoteurs pétroliers qui bafouent leurs droits les plus fondamentaux » rapporte Thomas Bart, auteur du rapport.
Un cauchemar nommé Total
🚨EXCLUSIF : REVELATIONS SUR EACOP
Nous publions aujourd’hui avec @Survie une enquête inédite sur les impacts humains et environnementaux de l’oléoduc de @TotalEnergies en #Tanzanie, où les violations de droits sont parfois pires qu’en Ouganda #StopEACOP https://t.co/a2yU96tlXI pic.twitter.com/CnrhsGrGpV
— Les Amis de la Terre FR (@amisdelaterre) October 5, 2022
EACOP, ou l’environnement méprisé
L’EACOP, projet d’oléoduc chauffé, traversera la Tanzanie pour acheminer le pétrole extrait en Ouganda jusqu’au au port de Tanga, avant d’être exporté. Ce méga-projet pétrolier, fondamentalement incompatible avec l’urgence de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, est une aberration environnementale. Il traversera de nombreux écosystèmes protégés, des corridors fauniques et le bassin du lac Victoria (dont 40 millions de personnes dépendent), alors qu’à ce jour, Total n’a publié aucun plan de gestion des risques de fuites pétrolières. Pire encore, la côte tanzanienne étant très vulnérable aux risques de tsunamis et de cyclones, les infrastructures pétrolières qui seront construites et les navires pétroliers qui viendront se charger en pétrole sont susceptibles de causer des marées noires en plein cœur d’une biodiversité exceptionnelle. La moitié du massif corallien tanzanien est abritée dans ce parc marin protégé !
Par ailleurs, Total essaie de minimiser les impacts du projet en sous-évaluant sa contribution au changement climatique. EACOP, c’est 379,4 millions de tonnes de CO2 qui seront libérés dans l’atmosphère, jusqu’à 34 millions de tonnes par an, soit plus que les émissions combinées de l’Ouganda et de la Tanzanie ! En ne comptabilisant que les émissions causées par une partie de la construction de l’oléoduc et par son utilisation (moins de 2% du total des émissions), Total ignore volontairement les quantités catastrophiques d’émissions de CO2 liées au transport maritime, au raffinage, mais aussi et surtout, à l’utilisation du pétrole.
EACOP, ou les communautés locales dénigrées
Le projet implique un accaparement massif des terres se trouvant sur le tracé de l’oléoduc. Les terres de plus de 86 000 personnes, dont près de 62 000 en Tanzanie, sont concernées ! Les populations affectées témoignent d’une absence totale de consultation et d’un manque systématique d’informations. Elles nous disent avoir cédé leurs terres à Total sous la contrainte, moyennant des compensations financières sous-évaluées qui n’ont, pour la majorité des personnes affectées en Tanzanie, toujours pas été versées. Résultat : les populations affectées, vivant essentiellement de leurs récoltes, ne peuvent plus cultiver librement leurs terres et attendent toujours (depuis parfois 3, voire 4 ans) le versement de maigres compensations financières. Elles déclarent souffrir de graves pénuries alimentaires, et ne même pas pouvoir réparer leurs maisons qui frôlent l’effondrement.
« C’est comme la colonisation… Parce qu’ils prennent nos terres. » témoigne Mary, une femme de 50 ans affectée par le projet.
STOP EACOP !
Ce rapport publié aujourd’hui s’ajoute aux multiples voix qui s’élèvent partout dans le monde pour dénoncer le projet et obtenir son abandon. En septembre, le Parlement européen a même adopté une résolution d’urgence pour condamner ce méga-projet.
Aux Amis de la Terre, nous poursuivons la bataille contre ce projet dévastateur.
EACOP doit être abandonné et les communautés impactées doivent recevoir une réparation !
Rendez-vous le 7 décembre
Après 3 ans perdus dans des questions de procédure, l’audience traitant du cœur de l’affaire aura enfin lieu le 7 décembre, au tribunal judiciaire de Paris.