arton2014
Surproduction
27 août 2015

Extractivisme : plongée au coeur de la crise climatique

Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : la fonte des glaces se poursuit inexorablement, l’extinction des espèces s’emballe, notre budget carbone disponible se réduit en peau de chagrin.

Pourtant, les responsables sont connus : l’extractivisme, exploitation à échelle industrielle des biens naturels. Au coeur de notre modèle actuel insoutenable, c’est un obstacle central à la justice sociale et environnementale. Imbriqué dans le pouvoir politique et financier, il assure sa pérennité en perpétuant et verrouillant le système pourtant générateur des crises de notre siècle.

Extractivisme, épuisement des ressources et violations des droits humains

Pour répondre à la surconsommation de nos industries et sociétés, les États et multinationales n’ont qu’un objectif : la sécurisation de l’accès aux matières premières. Partout dans le monde se multiplient les projets rivalisant par leur gigantisme et les destructions qu’ils engendrent : non seulement exploitation minière, pétrolière et gazière, mais aussi monocultures d’OGM, plantations d’arbres à croissance rapide, grands barrages etc.

La surconsommation d’eau mais surtout d’énergie par ces projets en fait une
des sources principales des changements climatiques. Ils nous enferment dans des cercles vicieux : nous ouvrons des mines pour alimenter des centrales… qui à leur tour viennent alimenter en énergie des mines ! Et cela au prix de dégâts sociaux et environnementaux toujours plus graves :
pollutions de l’eau, de l’air et des sols, destruction de la biodiversité, mais aussi accaparement des terres et destruction des économies locales, remplacées par des économies d’enclave au seul profit des multinationales et de l’exportation.

À lui seul, le secteur extractif est responsable de 28% des violations des droits humains commises par des entreprises dans le monde. La résistance des populations locales à ces projets, en défense de leurs territoires et de leurs modes de vie, trouve comme seule réponse le déni de démocratie,
la criminalisation des luttes et la répression, en allant jusqu’à des assassinats de leaders communautaires.

Protégées par une architecture mondiale d’impunité, aidées par les accords de libre échange et d’investissement, les multinationales prennent ainsi possession de territoires entiers sans être inquiétées légalement
des conséquences sur les peuples et l’environnement.

Le changement climatique, un problème systémique

Cette année, la France se targue d’accueillir la 21e Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, supposée donner naissance à un accord universel permettant de limiter l’augmentation de la température du globe en deçà de 2 °C. Cela a beau faire vingt-et-un ans que ces conférences internationales existent, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de plus de 50 % depuis 1990.

Les entreprises extractivistes ont une double responsabilité dans cette crise : non seulement elles sont responsables d’une part majeure des émissions, mais de plus elles défendent et assurent la pérennité du système ayant conduit à cette crise. L’enrayement des négociations internationales résulte en partie de l’influence démesurée de ces acteurs privés sur les décideurs, au détriment des intérêts des peuples. Lobbying, jeux d’influence, complicité des décideurs qui tirent profit d’un système inégalitaire conduisent à un tel immobilisme que la COP21 ne répondra pas à un enjeu principal : sonner le glas des énergies fossiles, fissiles et du système productiviste qui les sous-tend.

Bien conscientes toutefois que les impacts déjà perceptibles du dérèglement climatique ébranlent la croyance en ce système, les entreprises opèrent un maquillage de leurs discours. Total laisse ainsi entendre que puisqu’il est « naturel », le gaz n’est plus polluant. ENGIE (ex-GDF) fait de la lutte contre le changement climatique une priorité… de papier, puisque l’entreprise ne met pas pour autant fin à ses activités fossiles. À en croire leurs discours, l’introspection sur nos modes de consommation et de production n’est désormais plus nécessaire puisque la technologie nous sauvera de l’impasse ! Les mines seront ainsi « responsables » et le charbon « propre » puisqu’il suffirait de récupérer les gaz à effet de serre issus de sa combustion (capture et stockage du carbone). Qu’on joue aux apprentis sorciers en l’enfouissant dans le sol sans connaître les conséquences possibles n’est qu’un détail…

Le lien entre extractivisme et climat reflète la cause profonde du changement climatique : un système productiviste, fortement inégalitaire, dont seule une poignée tire profit. Mais alors qu’entreprises et décideurs s’échinent à en colmater les failles, les résistances citoyennes gagnent du terrain. Luttes contre l’austérité, pour la transparence et la démocratie, abandon par les banques françaises du projet charbonnier Alpha Coal ou par l’entreprise pétrolière OMV de ses projets de forage dans l’Adriatique : les terrains d’expérimentation et de blocage se multiplient. Dans ce sillon s’inscrit la mobilisation citoyenne en vue de la COP21 et au-delà : donner à voir ces failles, perturber l’ordre établi et montrer que les alternatives sont déjà en marche.

Malika Peyraut et Juliette Renaud des Amis de la Terre France