Finance responsable: allo, j’écoute
Mardi 10 octobre 2017, 19h, mon téléphone de chargée de campagne « finance privée » aux Amis de la Terre sonne. BNP Paribas est au bout du fil...
Demain, la première banque française annoncera des mesures de réduction de ses soutiens aux secteurs les plus risqués des énergies fossiles, notamment les sables bitumineux, les gaz de schiste et les terminaux de gaz naturel liquéfié. Je reste calme, écoute cette annonce, raccroche et saute de joie. Comment en est-on arrivé là ?
Retour en arrière…
En janvier 2017, les Amis de la Terre France formalisaient dans une lettre aux banques françaises leurs demandes pour l’année : un an après la COP21, il était temps pour elles de consolider les politiques prises en 2015 sur le charbon, mais aussi d’aller au-delà pour se pencher sur le gaz et le pétrole. Car c’est bien toutes les énergies fossiles qu’il faut à terme renoncer à exploiter et si aucune nouvelle centrale à charbon n’est compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris, il en va de même de tout nouveau pipeline de sables bitumineux ou autre projet lié au gaz de schiste.
Nos demandes ont résonné dans l’espace public
En janvier 2017, nous sortons de l’état de choc dans lequel nous sommes tombés suite à l’élection de Donald Trump. Nous voilà déterminés à nous battre contre des projets climaticides certes mais dont la dimension raciste n’est pas absente. Au contraire, les populations autochtones aux États-Unis et au Canada sont directement menacées par ces projets de transport et d’exportation de sables bitumineux et de gaz naturel liquéfié issu de gaz de schiste.
Après avoir vu leurs droits bafoués par le projet de pipeline de pétrole de schiste Dakota Access Pipeline (DAPL), les communautés amérindiennes organisaient leur résistance, renforcée par de nouveaux liens créés avec les ONG outre-Atlantique et au-delà.
BNP PARIBAS, PREMIERE CIBLÉE
BNP Paribas est alors la première à apparaître dans notre radar. Comme les autres banques françaises, elle a financé le DAPL. Mais elle jouait aussi un rôle clé dans le projet de terminal d’exportation de gaz de schiste Texas LNG situé près de la frontière mexicaine.
En bien des aspects, ce projet rappelait DAPL : forts risques de pollution, incompatibilité avec l’Accord de Paris, menace sur les populations autochtones et notamment sur la tribu Esto’k Gna. Cependant, Texas LNG est un projet gazier et non pétrolier. Si aucune banque française ne souhaitait reproduire les erreurs commises avec le DAPL, il fallait les convaincre de l’impact du gaz sur le climat. Le dialogue a commencé avec les banques et plus particulièrement avec BNP Paribas. Nous lui avons fait remonter les informations que nos partenaires locaux, la tribu des Esto’k Gna et l’organisation « Sauvez la Vallée du Rio Grande du Gaz Naturel Liquéfié » nous envoyaient.
Nous l’avons rencontrée en présence d’un membre des Amis de la Terre Europe expert sur les questions liées au gaz et en particulier au gaz de schiste, puis avec nos partenaires locaux présents à Paris. Devant nous, le département sur la responsabilité environnementale d’entreprise, mais aussi des personnes des « métiers », en charge des opérations business ou des experts énergie extérieurs auxquels faisaient appel la banque.
En parallèle, la pression publique s’est renforcée : publication d’un rapport, organisation d’une action simultanée en France, au Texas mais aussi à San Francisco par notre autre partenaire RAN (Rainforest Action Network) devant West Fargo, la filiale de détail de BNP Paribas. Se préparaient aussi les Assemblée générales des banques où nous invitions la résistance amérindienne : interpellation des dirigeants des banques, interview médias, sensibilisation du public et… une nouvelle action, cette fois-ci contre Société Générale. En effet, quelques semaines plus tôt, notre partenaire RAN venait d’apprendre le mandat de conseil de Société Générale pour un projet de terminal similaire mais six fois plus gros, Rio Grande LNG.
SOCIETE GENERALE À TON TOUR
Après un été au Texas, accompagné du youtubeur Vincent Verzat de « Partagez c’est sympa », et la sortie en septembre de vidéos sur la réalité de la situation sur place, nous voilà le mercredi 11 octobre. BNP Paribas annonçait la fin de ses soutiens aux projets de production, de transport et d’exportation de sables bitumineux et de gaz de schiste, comprenant les terminaux de gaz de schiste, ainsi que des restrictions aux entreprises de ces secteurs. Grande victoire pour le climat et pour la première fois en 4 ans et demi de campagnes aux Amis de la Terre France,
je félicitais la banque pour son leadership : BNP Paribas est la première banque à
adopter une telle politique.
Deux jours plus tard, un email de Société Générale dans ma messagerie : après avoir refusé à plusieurs reprises de nous rencontrer pour discuter des impacts du gaz sur le climat, la banque voudrait savoir si nos propositions de rendez-vous tiennent toujours… la suite, à nous de l’écrire.