![Macron & Poutine](https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2024/03/design-sans-titre-12-e1739525217677-300x300.png)
France et Russie, histoire d’une relation toxique
Pour la Saint-Valentin, les Amis de la Terre publient une note qui dévoile comment, en important du GNL (gaz naturel liquéfié) et des engrais chimiques depuis la Russie, la France et l’Europe entretiennent une relation toxique avec le Kremlin et participent activement à financer la guerre de Poutine en Ukraine.
La France, un maillon stratégique dans le marché gazier russe
Alors que depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 mars 2021, les importations européennes de gaz russe par gazoducs ont globalement baissé, on ne peut pas en dire autant des importations de GNL (gaz naturel liquéfié). Depuis la mise en service en 2018 du terminal d’exportation Yamal LNG en Sibérie, l’Europe importe en effet du gaz russe sous forme liquide. Ces importations européennes soutiennent directement la guerre de Poutine, à travers les taxes imposées par le gouvernement russe sur les entreprises russes de production ou d’exportation de gaz.
Depuis l’invasion du 24 février 2022, l’Union européenne a versé 97 milliards d’euros à la Russie pour importer du gaz.
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La France joue un rôle tout particulier dans ce phénomène, puisque ses importations de GNL russe ont augmenté de 44 %1 entre 2021 et 2022 (contre + 11 % pour l’Europe sur la même période). Elle est même aujourd’hui la première importatrice européenne du GNL signé Poutine2, auquel elle déroule le tapis rouge grâce aux terminaux de Dunkerque et de Montoir-de-Bretagne qui accueillent les méthaniers en provenance de Russie. L’hexagone, à lui seul, a versé 9 milliards d’euros à la Russie pour importer 16,3 milliards de Gm3 (giga mètres cube) de gaz naturel liquéfié entre 2022 et mi-20243.
![Brief presse gaz février 2023](https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2023/02/capture-decran-2023-02-15-203707-300x300.png)
Du gaz russe au gaz de schiste américain : un an après l’agression en Ukraine, vers de nouvelles dépendances
Engrais : un peu de Poutine dans notre assiette
Les engrais chimiques sont fabriqués à partir d’ammoniac, lui-même issu de gaz fossile. En clair, ces engrais, véritable alpha et oméga de l’agriculture productiviste, ne sont rien d’autre que du gaz fossile sous une autre forme. La France, cruellement à la traîne dans la nécessaire transition vers l’agro-écologie, est particulièrement gourmande en engrais chimiques, jusqu’à en être la première consommatrice en Europe. Or, ces engrais viennent principalement de… Russie. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la France a augmenté ses importations d’engrais russes de 86 %4.
Dès lors, le modèle agro-industriel français, fortement dépendant des engrais, met la sécurité alimentaire de la France entre les mains de Poutine. Face à cette impasse, les Amis de la Terre appellent le gouvernement à remettre sur la table le « plan engrais »5, censé planifier la réduction de la consommation française d’engrais chimiques et ainsi se libérer de cette dépendance dangereuse à la Russie.
![Capture d'écran 2023-12-06 155457](https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2023/12/capture-decran-2023-12-06-155457-300x300.png)
Energies fossiles dans nos assiettes : la face cachée des engrais
Des tentatives de régulation loin d’être suffisantes
Alors que des sanctions européennes visant la Russie ont rapidement été appliquées au pétrole russe, seule une partie du marché du gaz russe a fait l’objet de sanctions, et ce tardivement. En effet, les sanctions concernant le gaz s’appliquant uniquement aux réexportations, les importations de gaz russe et le trafic d’engrais chimiques (fabriqués à partir de gaz fossile) peuvent continuer d’aller bon train, et ce dans la plus grande impunité. En constatant que ses exportations d’engrais augmentaient, Poutine en a même profité pour créer des taxes qui lui ont permis de récolter plus de 700 millions d’euros6.
Les solutions existent
« Alors que nous approchons de la 3ème année de la guerre russe contre l’Ukraine, l’UE a une occasion historique de porter un coup stratégique à la Russie en mettant en place un embargo sur les combustibles fossiles russes. La France en particulier doit prendre ses responsabilités en stoppant les importations de GNL russe et le faire inscrire dans la législation au niveau européen. »
Alors que près de la moitié des exportations russes de GNL (gaz naturel liquéfié) sont destinées à l’Europe7, le GNL russe ne représente que 5,7 % de la consommation européenne8. À l’approche du funeste troisième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, les Amis de la Terre appellent l’Europe à enfin cesser cesser de se rendre complice de la guerre de Poutine. Pour cela, elle doit se libérer de l’emprise russe, permise par notre dépendance aux énergies fossiles. Les solutions existent :
- réduire la consommation de gaz fossile, en commençant par réaugmenter, en France notamment, le budget alloué à la rénovation énergétique des bâtiments ;
- adopter la récente proposition de la Commission européenne d’une taxe sur les engrais russes en l’associant à des mesures de protection pour les agriculteur·ices européen·nes contre une trop forte hausse des prix ;
- réduire la consommation d’engrais chimiques en développant les pratiques agroécologiques et en soutenant beaucoup plus fortement l’agriculture biologique ;
- ne pas soutenir les soi-disant engrais “verts” qui épuiseront nos ressources en eau et coûteront extrêmement cher ;
- soutenir la mise en place d’une interdiction complète des importations de GNL russe, dans le cadre du prochain paquet de sanctions européen contre la Russie.
À RETENIR
L’Europe dépend moins de la Russie pour satisfaire ses besoins énergétiques que la Russie ne dépend de l’Europe pour financer sa guerre. Pour cesser cette complicité meurtrière de la France et de l’Europe, il ne manque que la volonté politique !
IEEFA, European LNG Tracker, update September 2024. À noter que pour ses calculs, IEEFA inclut la Norvège, le Royaume-Uni et la Turquie dans la région Europe en plus des 27 de l’Union européenne.
Au premier semestre 2024, elle concentrait 37 % des importations de GNL russe en Europe (4,38/ 11,84 bcm), d’après IEEFA, European LNG Tracker, update September 2024.
IEEFA, European LNG Tracker, update September 2024
Béatrice Mathieu, « La redoutable stratégie de Poutine pour mettre l’agriculture française sous dépendance », L’Express, septembre 2024.
La France agricole, « Marc Fesneau veut un « plan de reconquête engrais » », 6 mars 2024.
European Sustainable Phosphorus Platform (ESPP) Newsletter n° 93, January 2025
Analyse du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), décembre 2024
Analyse du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), janvier 2025. Selon Eurostat, l’Union européenne a consommé 319 Gm3 de gaz fossile en 2024. Elle a importé 22 Gm3 de GNL russe, mais selon IEEFA, 3,6 Gm3 ont été réexportés après transbordement. Le GNL russe ne représente donc que 5,7 % du gaz fossile consommé dans l’Union européenne.
EU plans tariffs on Russia, Belarus farm produce, fertilisers, Reuters, January 28, 2025