HCB : Mensonges et vrai-faux avis pour échapper à la réglementation OGM
Selon un courrier envoyé le 29 mars par le Haut Conseil des Biotechnologies, le gouvernement aurait décidé d'écarter les nouveaux OGM de la réglementation OGM.
Paris, le 6 avril 2016 – Dans un courrier envoyé le 29 mars aux membres de son Comité Économique, Éthique et Social (CEES), le Haut Conseil des Biotechnologies leur apprend que le gouvernement aurait décidé d’écarter les nouveaux OGM de la réglementation OGM puisqu’il lui demande dans un courrier envoyé au HCB et daté du 22 février de proposer des « pistes intermédiaires entre les dispositions du catalogue européen et celles de la directive 2001/18/CE [1] (…) pour encadrer l’usage de ces nouvelles techniques sur le territoire européen ».
De quoi s’agit-il ? Depuis l’adoption de la directive européenne de 2001 sur les OGM, la transgenèse qui consiste à introduire à l’intérieur d’un organisme des gènes préparés à l’extérieur, est devenue une technique dépassée. Désormais, il est possible de modifier les gènes à l’intérieur des cellules des embryons de plantes ou d’animaux en prétendant « réécrire » différemment leur génome, avant de les multiplier. C’est plus rapide et moins cher que la transgenèse, mais il s’agit toujours de génie génétique produisant des OGM. Les risques pour la santé et l’environnement découlant des inévitables effets hors cibles de ces nouvelles techniques de modification génétique existent de même qu’avec la transgenèse. C’est parce qu’elles estiment qu’il n’est pas aujourd’hui possible de maîtriser le devenir de ces effets hors cible, lors de la reproduction des organismes modifiés, que les chercheuses qui ont inventé la dernière de ces techniques, dite CRISPR Cas9 [2], s’opposent comme de très nombreux scientifiques à leur utilisation pour modifier le génome de cellules embryonnaires humaines et n’admettent leur utilisation en thérapie génique que sur des cellules non reproductrices.
L’industrie et de nombreux chercheurs cherchent aujourd’hui à créer la confusion en prétendant qu’il ne s’agit pas d’OGM. Ils veulent ainsi s’exonérer de toute évaluation et de tout étiquetage afin de forcer les agriculteurs et les consommateurs à cultiver et manger des OGM sans le savoir. Cela permettrait de plus à une poignée de sociétés multinationales les plus puissantes de contrôler la production de toutes les plantes qui constituent notre nourriture en brevetant leurs gènes. La Commission européenne annonce depuis de nombreux mois un avis juridique dont la publication est sans cesse reportée, en attente notamment des positions des divers gouvernements.
La lettre de saisine signée par les deux Ministres de l’Agriculture et de l’Environnement révèle que leur décision d’écarter les nouveaux OGM de la réglementation OGM se fonde sur un vrai-faux avis du Comité Scientifique (CS) du HCB publié le 4 février. Elle demande en effet au HCB de proposer un nouvel encadrement « pour les techniques qu’il n’a pas identifiées comme susceptibles d’entrer dans le champ de la directive 2001/18/CE ». . Est-ce pour cela que cette saisine est restée confidentielle plus d’un mois avant d’être communiquée aux membres du CEES et n’est toujours pas rendue publique.
La décision du HCB de considérer que ces diverses techniques OGM doivent échapper à la réglementation OGM a eu en février toutes les apparences d’un vrai avis officiel puisqu’elle a alors été publiée sur son site internet dans la rubrique « avis ». Curieusement, elle n’est désormais plus disponible à cet emplacement. Est-ce parce que la publication du commentaire d’Yves Bertheau, membre du CS dont l’avis divergent a été censuré, révèle qu’elle est entachée d’irrégularité. Si on lit attentivement les commentaires et les comptes-rendus de réunions disponibles par ailleurs sur le site du HCB, on découvre qu’il ne s’agit pas d’un avis, mais d’une « note » attribuée au CS et constitutive d’une « première étape » du travail du HCB. Les membres du CS ont uniquement été invités le 16 décembre 2015 à commenter un rapport reçu 5 jours ouvrés au préalable et résultant du travail entamé depuis deux ans par 6 experts, qui ont tous des intérêts dans le développement des nouvelles techniques de modification génétique [3] et pour moitié non membres du HCB. La destination du résultat de leur discussion ne leur a pas été indiquée lors de cette réunion. Seul le bureau du HCB a décidé par la suite de le publier sous forme de « note du CS » dans la rubrique « avis » de son site, en refusant la demande de publication de l’avis divergent. Cette censure a provoqué la démission d’Yves Bertheau et la suspension de la participation de 8 organisations paysannes et de la société civile aux travaux du Comité Économique Éthique et Social du HCB (CEES).
Le rôle du CS est de donner des avis scientifiques basés sur une expertise scientifique qu’il a refusé de mener à son terme en ne prenant pas en compte les questions posées dans l’avis divergent. Son vrai-faux avis estime en effet que « comme les techniques s’améliorent, le nombre des modifications hors cible ne sera pas différent de celui des variations naturelles de séquence » et qu’il n’est donc pas nécessaire de s’en soucier. Alors qu’il n’est pas constitué pour faire des propositions juridiques, il conclut par contre de manière unilatérale et définitive que la plupart des nouveaux OGM ne doivent pas être réglementés comme des OGM. De son côté le CEES, saisi très tardivement par le bureau [4], n’a pu faire part que des avis très divergents des parties prenantes et organisations de la société civile qui le composent.
Aucun avis définitif du HCB n’a donc identifié des « techniques susceptibles de ne pas entrer dans le champ de la directive 2001/18/CE ». Le HCB ne peut pas reprendre ses travaux, comme le lui demande son bureau, en prenant pour base de travail la conclusion d’une note d’étape non finalisée. Il doit d’abord corriger les graves dysfonctionnements qui l’ont conduit à transformer cette note en un vrai-faux avis amenant le gouvernement à proposer une décision politique non fondée. Il doit ensuite rendre compte de l’ensemble des positions qui traversent le monde scientifique et poursuivre le travail d’évaluation économique, éthique et sociale à peine entamé en 2015.
Le gouvernement ne peut pas anticiper un avis scientifique qui n’existe pas. Nous exigeons qu’il s’appuie sur un examen juridique, économique éthique, sociétal et scientifique rigoureux de ces nouvelles techniques OGM, établi en toute transparence, et qu’il leur applique pleinement la réglementation OGM européenne.
Notes :
[1] relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement
[2] Le Monde, Edition Science & Médecine, 23 mars 2016 – N°22141 –
[3] http://www.infogm.org/5907-ogm-hcb-neutralite-tres-relative-dossier-nouvelles-biotechnologies
[4] décision du bureau le 1er décembre 2015 exigeant un rendu du CEES avant le 8 janvier 2016