Ils ont fait plier ENGIE !
On a beau savoir d’où viennent les problèmes, cela ne nous donne pas pour autant la solution. Dire que pour lutter contre le dérèglement climatique il suffit de changer le système revient à peu près à demander à quelqu’un d’escalader la Tour Eiffel avec des bras en mousse.
Et savoir que la responsabilité vient des multinationales, de la finance ou des politiques peut ne rien changer au sentiment d’impuissance que ces vérités provoquent. Toutes celles et tous ceux qui ont un jour voulu s’engager ont commencé par se demander avec inquiétude « mais moi, qu’est-ce que je pèse face à une multinationale ? ». Ce qu’on apprend aux formations à la stratégie de lutte non-violente des Amis de la Terre France, c’est que nous tou-te-s, petit-e-s et sans armes, avons l’incroyable faculté de faire plier des multinationales et des gouvernements. Notre secret, c’est de mener des campagnes alliant playdoyer, mobilisation citoyenne et expertise. La lutte contre la centrale à charbon Thabametsi d’ENGIE en Afrique du Sud l’illustre.
Si on commence une réunion en se demandant « comment enrayer le dérèglement climatique ? », il y a fort à parier que la discussion s’éternisera et qu’on ne saura pas par quel bout prendre le problème. Réfléchir en campagnes, c’est chercher à saucissonner un objectif global en objectifs opérationnels. Le changement de système devient alors une série de poupées russes de plus en plus spécifiques…
Reprenons. Pour enrayer le dérèglement climatique, il faut laisser les fossiles dans le sol : voilà un objectif global assez vaste pour que l’on ne s’ennuie pas dans les années à venir… Reformulons le constat : malgré l’urgence climatique, de nombreuses entreprises continuent d’investir dans les énergies fossiles, dont ENGIE (ex GDF-Suez), EDF, etc… Pourquoi y arrivent-elles encore ?
- Elles sont bien ancrées dans le modèle économique dominant basé sur l’exploitation et la consommation d’énergies fossiles qui leur est rentable.
- Elles ont le soutien de l’État ! Le secteur des énergies fossiles reçoit encore des aides publiques. Parfois, l’État est même actionnaire, comme chez ENGIE et EDF… et ne s’oppose pas aux décisions concernant la poursuite d’investissements nocifs.
- Elles développent une image vertueuse : à grand renfort de communication, les entreprises taisent leurs sales agissements et vantent leurs vertus… parole qui devient le discours dominant.
Une fois que l’on a compris les piliers qui fondent le pouvoir de ces entreprises, il faut chercher lequel est le plus faible pour faire ébranler tout l’édifice.
Et maintenant, on ouvre les boîtes…
- Pour enrayer le dérèglement climatique, il faut laisser les énergies fossiles dans le sol. Car ce
sont elles qui émettent le plus de gaz à effet de serre ! - Parmi toutes les énergies fossiles, mettons un coup de projecteur sur le charbon, la plus noire
d’entre elles. - Il nous faut maintenant une cible. Celle-ci doit être représentative du secteur du charbon,
mais assez fragile pour plier. Essayons ENGIE, qui a 30 centrales à charbon dans le monde. - Mais nous sommes bien petit-e-s pour que notre voix ait du poids contre celle d’ENGIE, mastodonte de la communication. Mais ENGIE, c’est aussi l’État, puisque celui-ci possède 33 % du capital. Et si on faisait plier ENGIE en appuyant là où ça fait mal : sur l’État ?
- Car n’y aurait-il rien de plus embarrassant pour l’État français, en pleine préparation de la COP21, qu’un scandale éclate et que l’une de ses entreprises s’avère être un pourvoyeur de charbon ? Quelle serait alors la légitimité de la France sur la scène internationale ?
- Des histoires, il y en a plein et c’est en Afrique du Sud que nous avons mis le grappin sur ENGIE
et son projet de centrale à charbon de Thabametsi. Combattu et décrié par les populations
locales, ce projet était alors invisible en France…
La voilà, notre campagne : mettre fin au projet de centrale à charbon Thabametsi d’ENGIE ! Une campagne, c’est une lutte définie dans le temps : on sait quand on la débute et on sait ce qui nous permettra de dire « on a gagné ». Ici, on a un objectif précis, atteignable : empêcher les cheminées d’ENGIE d’obscurcir le ciel sud-africain. Mais derrière, on vise beaucoup plus : on cherche l’exemple sur lequel on pourra s’appuyer pour aller plus loin. Mettre fin à ce projet, c’est ébranler tout le dispositif charbon d’ENGIE, c’est faire plier une multinationale française qui servira d’exemple sur la scène internationale et c’est remettre en cause le système extractiviste lui-même !