L’histoire d’une bonne idée : comment les lapins d’Angers ont envahit l’hexagone
Sous l’ampleur de son succès, la stratégie de mobilisation développée par « Justice Climatique Angers » s’est déployée en 2018 sur tout le territoire afin de pousser les banques à désinvestir des énergies fossiles. Clotaire et Alice nous livrent l’histoire et la recette d’une mobilisation créative, fédératrice et efficace !
Tout a commencé lorsque Alice a suivi la formation banque avec les Amis de la Terre dans le cadre de la campagne contre le financement des énergies fossiles. Effectivement, sur les 10 banques mondiales les plus climaticides, 3 sont françaises : BNP, Crédit agricole et Société générale.
A l’issue de la formation banque, nous cherchions une idée d’action simple et efficace pour empêcher le financement de nouveaux projets d’énergies fossiles. Comme pour les faucheurs de chaises, nous cherchions un mode d’action à la fois accessible par tous, sans grands moyens mais fort symboliquement et qui soit contraignant pour l’activité des banques.
De retour chez elle, Alice a proposé au groupe local « Justice climatique Angers » un brainstorming pour faire émerger de nouvelles idées d’action. Lors de ce temps de recherche collective, Clotaire qui avait déjà travaillé en banque a amené l’idée des faux rendez-vous pour bloquer les agendas des conseillers. Le groupe a alors rebondi à partir de l’expression « Poser un lapin » …
La base était là pour imaginer une action d’envergure : en quoi consiste-elle ?
Le principe est de prendre un maximum de faux rendez-vous sur une semaine donnée dans des agences ciblées. La semaine dite, nous annulons tous les rendez-vous. Nous nous déplaçons alors à l’agence pour expliquer que nous ne souhaitons pas ouvrir de compte dans une banque qui finance des projets dangereux pour les hommes et la planète. En faisant chuter leur PNB hebdomadaire (produit net bancaire), nous faisons remonter au siège social nos revendications. Et plus largement nous mettons en lumière que c’est avec notre argent qu’ils financent des projets climaticides. Nous avons proposé cette action aux Amis de la Terre qui ont validé le concept. Angers était alors la ville-test pour « les lapins » avant de les envisager à l’échelle nationale. Pour lancer l’action, nous avons imaginé les « apéro-lapins », un temps en fin de journée, où chacun vient quand il peut prendre un verre et passer un coup de fil pour poser un lapin. Ces temps conviviaux nous ont permis d’accueillir de nouveaux participants et aussi de resserrer les liens du groupe en dehors des réunions plus conventionnelles.
En février 2017, nous avons donc bloqué les rendez-vous de 3 banques : BNP, Société Générale et Crédit Agricole en remettant une lettre au directeur d’agence avec une demande d’arrêt de financement de projet spécifique à chacune. Lors du samedi de la semaine bloquée, nous sommes venus « annuler » nos rendez-vous déguisés en lapins, en formant une grande file d’attente sautillante, devant l’accueil des agences. Les directeurs ont alors compris la raison de toutes ces annulations.
Cette action facile et ludique a permis de fédérer les nouveaux au sein du groupe. Nous avons réussi à prendre 117 rendez-vous sur les 3 agences avec 24 participants, dont 11 nouveaux. « Les lapins » ont contribué au retrait de BNP Paribas du projet de terminal d’exportation de gaz de schiste Texas LNG et de Crédit Agricole du projet de centrale à charbon Ciberon 2 en Indonésie. Après cette réussite, Alice et Clotaire, accompagnés de tout le groupe Justice climatique Angers, ont présenté l’action Lapins au camp climat 2017 aux groupes locaux des Amis de la Terre et d’ANV COP21. L’idée a été reçue avec beaucoup d’enthousiasme par les militants et a ensuite été validée à l’agenda national de la Fédération.
Aujourd’hui, Justice climatique Angers, avec les salariés des Amis de la Terre pilote l’action au niveau national, ce qui est une nouvelle responsabilité pour un jeune groupe local, né il y a tout juste deux ans. Les Lapins vont être répliqués dans 11 villes et sur une quarantaine d’agences différentes de la Société Générale afin de contrer le soutien du mégaprojet de gaz de schiste Rio Grande LNG et plus largement de faire changer sa politique de financement sur les énergies fossiles les plus polluantes (charbon, sables bitumineux, gaz de schiste, forages en eaux profondes et en Arctique).
Clotaire et Alice pour les Amis de la Terre Angers