Justice climatique et sociale
Climat-Énergie
3 septembre 2020

La relance de l’ancien monde

Le Gouvernement nous promet depuis plusieurs mois un plan de relance “vert” pour le “Monde d’Après”. Le plan dévoilé aujourd’hui par Jean Castex alloue certes 30 milliards d’euro à la transition écologique, mais cela reste insuffisant pour opérer le changement de système nécessaire et inutile face aux cadeaux faits aux secteurs polluants.

Pour être en phase avec l’urgence climatique et sociale, pas un seul euro du plan de relance ne devrait alimenter les secteurs polluants. A l’inverse, le plan de relance proposé aujourd’hui par le gouvernement offre un florilège de cadeaux aux lobbys : baisse des impôts de production sans condition, construction de nouvelles infrastructures routières pour le BTP, investissements dans l’hydrogène dit “bas-carbone” qui profitera au secteur nucléaire et à l’industrie gazière etc. Au total, un cinquième des dépenses promises servira à réduire les impôts de production des entreprises sans aucune garantie, ni sur le plan écologique, ni sur le plan social.

L’ensemble de la stratégie de relance depuis le début de la crise du coronavirus se fonde sur un retour rapide de la croissance économique, en dépit du besoin de réduire de 65% nos émissions d’ici 2030. Ce n’est pas en augmentant la consommation de biens et de services que nous y arriverons.

Le gouvernement se félicite des 30 milliards alloués à la “transition écologique”, cependant, certaines dépenses considérées comme relevant de cette « transition » cachent en fait de fausses solutions. Derrière le terme “technologies vertes”, on retrouve en réalité le nucléaire, le développement de l’agriculture de précision, l’hydrogène dit “bas-carbone”, les agrocarburants etc.

Un budget énergie encore largement alloué aux énergies fossiles

Le gouvernement va débloquer deux milliards d’euros pour financer la production d’hydrogène renouvelable et “bas-carbone”. Bien que l’hydrogène puisse présenter un intérêt à l’avenir, en permettant de stocker l’énergie renouvelable et de décarboner l’industrie, son intérêt pour le climat et la transition énergétique pose problème en l’état.

En effet, l’hydrogène dit “bas-carbone” promu par le gouvernement ouvre la voie à sa production à partir du nucléaire ou d’énergies fossiles. Les lobbys nucléaire et gazier s’investissent massivement dans la promotion de l’hydrogène pour préserver leur filière, mais le seul hydrogène compatible avec la transition énergétique est celui produit à partir d’énergies renouvelables.

A ce titre, le gouvernement n’a fait aucune annonce sur la fin des subventions aux énergies fossiles dans son plan de relance. Pire, Total va probablement bénéficier d’un généreux soutien de l’Etat pour son immense projet gazier Arctic LNG 2.

Le numérique à tout prix

Et en même temps, l’Etat met en avant la nécessité d’investir massivement dans le numérique, à contre sens de la demande des citoyen·nes de la Convention citoyenne d’un moratoire sur la 5G, qui consomme 3 fois plus d’énergie que la 4G, et va condamner à l’obsolescence prématurée de très nombreux appareils électroniques 1. Ces technologies représentent déjà 4% des émissions mondiales 2. Or, aucune mesure d’encadrement à la baisse de ces émissions n’est pour l’heure discutée en France, en Europe et à l’international.

Autre contradiction concernant les petits commerces. Leur transition vers le numérique sera financée à hauteur de 400 millions d’euros, alors que l’Etat soutient en même temps l’expansion des géants du e-commerce en France (comme Amazon et Alibaba, et leur 1000 et 500 milliards de capitalisation boursière) et refuse d’inclure les entrepôts dans le moratoire sur les zones commerciales. Laisser croire que 400 millions d’euros d’argent public vont permettre aux commerces de proximité de faire le poids face aux prix cassés et la livraison ultra-rapide des géants américains et chinois, est illusoire. Enfin, la méconnaissance de l’influence de la numérisation du commerce sur les destructions d’emplois, alors que 100 000 emplois dans le secteur pourraient déjà être détruits courant 2020, apparaît socialement douteux.

Notes
2

Étude réalisée par l’ADEME, avec le soutien de l’AFD et du groupe AXA – Consulter le pdf