La signature de l’Accord de Paris, quelle cohérence pour la France en 2016 ?
La signature de l’Accord de Paris ce vendredi 22 avril 2016 n’est qu’un début.
La signature et la ratification de l’Accord de Paris resteront insuffisantes tant que les États, dont la France, continueront de soutenir en parallèle des modèles économiques qui détruisent le climat.
Pour que cet accord ne reste pas lettre morte, il doit être rapidement traduit dans les politiques publiques de tous les gouvernements de la planète, notamment en France. Immédiatement après la cérémonie de la signature à New York, les 25 et 26 avril 2016, la France a justement rendez-vous avec sa propre politique climatique et environnementale, à l’occasion de la dernière conférence environnementale du quinquennat.
Partout dans le monde, «l’après COP21» doit se traduire par une réorientation des investissements, des choix politiques et économiques, afin d’entamer réellement la sortie de la dépendance aux combustibles fossiles. Et ce, dès aujourd’hui, sans attendre l’entrée en vigueur de l’Accord. Tous les pays, à commencer par les pays riches, devront planifier la fin des subventions pour ce secteur ; la suspension de tous les projets de construction de nouvelles infrastructures fossiles ; et le gel de tout octroi de nouveau permis de forage, y compris exploratoires.
La bonne nouvelle, c’est que les énergies renouvelables sont en train de dépasser les énergies sales et nucléaires partout dans le monde. Désormais compétitives dans de nombreux cas, les énergies renouvelables constituent la majorité des nouveaux investissements opérés dans la production d’électricité. Et ce, alors que les prix du pétrole ont connu une forte baisse et que les énergies fossiles demeurent largement subventionnées. Mais cela ne suffit pas. Il faut accélérer la tendance, puisque le rythme de développement actuel des énergies renouvelables et des économies d’énergie n’a toujours pas permis de faire baisser les émissions mondiales de gaz à effet de serre. D’après l’Agence internationale de l’énergie, elles ont au mieux stagné en 2014 et 2015. Il faut aussi rapidement étendre la transition énergétique aux secteurs des transports, de l’agriculture et de la production de froid et de chaleur.
En 2016, la France – en particulier la ministre de l’Environnement et Présidente des négociations climatiques Ségolène Royal – a une responsabilité particulière. Depuis 4 ans, même après la COP21, l’action du gouvernement en faveur du climat et de la transition écologique n’a pas marqué de rupture par rapport aux précédentes mandatures. Les politiques publiques françaises ne répondent toujours pas à l’urgence climatique. Or, c’est bien d’une rupture dont nous avons besoin, pour tenir les objectifs ambitieux de la COP21 et ceux de la loi de transition énergétique.
En tant que gouvernement national, la France se doit d’être cohérente avec l’Accord de Paris. Elle doit mettre en œuvre la transition énergétique et adopter dès maintenant les mesures qui lui permettront d’atteindre au moins les objectifs de la loi sur la transition énergétique, puis de les dépasser. Le test de crédibilité de l’Accord de Paris réside dans la mise en cohérence de toutes les actions politiques de la France avec l’objectif de limiter la hausse de la température bien en deçà de 2°C, et idéalement 1,5°C. Beaucoup de projets en cours ou dans les tiroirs sont encore totalement contraires aux objectifs de la COP21 et risquent d’accroître notre dépendance aux énergies fossiles.
Les enjeux de la Conférence environnementale ne se limitent pas au climat et à la transition énergétique. François Hollande avait annoncé, dès la première conférence environnementale en 2012, son projet de faire de la France la nation de « l’excellence environnementale ». L’examen actuel de la loi pour la reconquête de la biodiversité et la perspective de la création de l’Agence française de la biodiversité constituent des marqueurs incontournables, sur lesquels des avancées sont attendues dès cette année, au même titre que la fiscalité écologique, par exemple.
En 2016, le compte n’y est pas. Il reste encore quelques mois au gouvernement pour redresser la barre, en se concentrant sur des priorités concrètes.
En tant que facilitatrice des négociations internationales pendant encore six mois, la France doit insuffler de l’ambition à l’ONU, notamment en ce qui concerne les sujets qui n’ont pas été finalisés à la COP21. Elle doit encourager les bonnes alliances de pays, notamment pour permettre une révision générale à la hausse des engagements nationaux bien avant 2020, comme s’y est engagé le Président François Hollande à la fin de la COP21. Elle doit assurer le «service après-vente» de la Conférence de Paris, qui a surtout permis d’aboutir à un accord sur des principes larges, mais sans définir de règles claires pour la mise en oeuvre. Un rôle moteur de la France est attendu concernant tant la prévisibilité des financements pour appuyer les États les plus démunis face aux changements climatiques, que la construction de règles pour mesurer l’action des pays et s’assurer de la révision à la hausse de leurs engagements, sans oublier les outils nécessaires pour garantir le respect essentiel des droits humains.
La France devra aussi respecter ses propres engagements financiers vis-à-vis des pays en développement, notamment pour qu’ils puissent s’adapter aux impacts des dérèglements climatiques. Enfin, il serait inacceptable que la France, qui a initié «l’Agenda des solutions», ne poursuive pas le travail engagé en exigeant une redevabilité des acteurs et en excluant les fausses solutions.