Le Canada est complice des violations des Droits humains que commettent ses compagnies minières !
Installations minières de Barrick Gold à Pacua-Lama à la frontière chiléno-argentine Photo: Reuters Les Nations-Unies doivent dénoncer et mettre fin à cette cette complicité. Le droit des peuples doit passer avant le droit des multinationales L’examen périodique universel est un […]
Installations minières de Barrick Gold à Pacua-Lama à la frontière chiléno-argentine Photo: Reuters
Les Nations-Unies doivent dénoncer et mettre fin à cette cette complicité.
Le droit des peuples doit passer avant le droit des multinationales
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L’examen périodique universel est un mécanisme international établi en 2006, pour que les gouvernements rendent des comptes sur leur bilan dans le domaine des Droits humains. Le cas du Canada doit être examiné au Conseil des Nations Unies sur les Droits Humains, le 26 avril. D’après Ban Ki-moon, « cet examen peut permettre de promouvoir et protéger les Droits humains dans les recoins les plus sombres dela planète ».
Mais lorsque ce sera le tour du Canada de voir ses « recoins les plus sombres » examinés de près, la communauté internationale ne doit pas fermer les yeux sur la complicité que ce pays entretient avec son industrie minière dont les multinationales sont parmi les pires au monde, pour ce qui est des violations des Droits humains et des Droits environnementaux.
Les violations par les compagnies minières canadiennes sont un élément systémique d’une politique de développement économique qui méprise les Droits humains et ignore complètement l’environnement. Ce n’est pas un hasard si 75 % des compagnies minières mondiales sont domiciliées au Canada, alors qu’elles opèrent en majorité ailleurs. Le gouvernement canadien a poursuivi sa politique de signature de traités d’investissements avec les pays du Sud, dans le but de mieux servir les intérêts des industries extractives. Ces traités permettent aux compagnies de contester les politiques en faveur de l’environnement, de la santé publique ou liées aux matières premières, qui affectent l’activité minière.
Parallèlement à cela, le Canada permet à ses multinationales de profiter d’un climat d’impunité : aucun recours légal n’est accordé aux groupes humains affectés et aucun compte n’est exigé en échange des généreuses subventions publiques allouées, contrairement à ce qui se fait dans l’Union européenne et d’autres juridictions.
Partout dans le monde, les opérations des compagnies minières canadiennes sont au cœur de violents conflits. Bien que les industriels prétendent que la violence est un phénomène local et particulier, on retrouve de façon irréfutable, les mêmes modèles de conflits sociaux autour des projets miniers. A travers tout le Sud, les militants anti-mine sont brutalement attaqués et assassinés pour avoir exprimé leur opposition à de méga-projets qui touchent leurs communautés. Pourtant, les groupes humains victimes de ces agissements n’ont jamais pu déposer de plaintes devant des tribunaux canadiens.
L’an dernier, une cour d’appel québécoise a rejeté une plainte déposée par des citoyens de la République Démocratique du Congo contre la firme Anvil Mining Limited, dont le siège est à Montréal. Ces citoyens accusaient la firme d’avoir fourni un soutien logistique à l’armée de la RDC, alors qu’elle procédait à un massacre, tuant plus de 100 personnes dans la ville de Kilwa près de la mine de cuivre et d’argent de la compagnie. La cour suprême du Canada confirma plus tard que les tribunaux canadiens n’avaient aucune compétence juridique sur les agissements de cette entreprise en RDC et rejeta le recours en appel des plaignants. Le groupe confessionnel Kairo Canada concluait que cette décision de la Cour suprême aurait « des implications qui dépasse ce cas, notamment pour les autres victimes de violations de Droits humains commis par des entreprises canadiennes, et pour leurs chances de pouvoir déposer des recours similaires devant nos tribunaux ».
Dans un monde de plus en plus taraudé par la soif, la résistance de nombreuses communautés humaines contre les projets miniers canadiens avait pour but de défendre l’approvisionnement local en eau. Les projets miniers nécessitent des quantités phénoménales d’eau et utilisent des méthodes qui en plus contaminent de précieuses ressources d’eau. Un rapport récent d’Earthworks and Mining Watch Canada mettait en évidence que 180 millions de tonnes de déchets miniers sont déversés chaque année, de par le monde, dans des lacs, des rivières et les océans.
Au Salvador, où plus de 60 % de la population dépend d’une unique source d’eau, cela veut dire choisir entre les mines ou l’eau. En 2009, après une immense pression citoyenne, le pays a choisi l’eau. Il a mis en place un moratoire sur les concessions minières. Les sondages d’opinion montrent que, dorénavant, une majorité des Salvadoriens aimerait que l’interdiction soit permanente.
Au Chili, l’immense projet de mine d’or et d’argent du géant minier Barrick Gold s’est heurté à la résistance des populations concernées. Une cour d’appel chilienne a ordonné la suspension des opérations, par crainte quele projet ne pollue les eaux de surfaces et souterraines dans le désert d’Atacama, une des zones les plus arides de la planète.
Mais dans une économie mondialisée, ces victoires sont fragiles. Même si les multinationales violent les lois du pays ou si les populations rejettent des projets qui détruisent leurs ressources, les compagnies minières peuvent compter sur les traités d’investissements bilatéraux pour aller de l’avant ou exiger des compensations pour « perte » de profit.
L’entreprise Pacific Rim, basée à Vancouver, – elle se décrit elle-même sur son site internet comme « une compagnie de prospection,responsable socialement et écologiquement, dont les plans d’affaires et le talent de gestion se concentrent dans les Amériques, sur les gisements d’or de haute qualité et écologiquement propres » – poursuit le Salvador par l’intermédiaire du tribunal commercial de la Banque Mondiale, et réclame 315 millions de dollars (242 millions d’euros) en compensation du refus de permis pour une mine d’or dans le département de Cabanas.
Le Canada poursuit les négociations en vue d’un accord commercial avec la Salvador qui renforcerait encore le droit des multinationales minières, rendant une interdiction des mines quasiment impossible.
Une bataille similaire se joue chez les voisins du Costa Rica où la firme Infinot Gold, basée à Calgary, menace de poursuivre l’Etat costaricain à hauteur de 1 milliard de dollars (768 millions d’euros), si les deux décisions de la Cour suprême confirmant l’interdiction d’une mine à ciel ouvert ne sont pas invalidées. Au Chili, la bataille continue alors que Barrick Gold évalue ses options juridiques.
Et pour aggraver encore les choses, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement a déclaré, dans un document récent, que le respect des Droits humains ne devait pas saper les droits des investisseurs.
Il est grand temps que les organismes qui s’occupent des Droits humains s’attaquent à cette logique. Le cas des compagnies minières canadiennes souligne l’urgente nécessité que le Conseil des Droits humains défende la primauté des Droits humains. Si les mécanismes de défense des Droits humains ne s’attaquent pas à la logique des droits des multinationales, soutenue par des pays comme le Canada, ils risquent d’être vite inutiles.
Traduction basée sur l’article de Meera Karunananthan, paru dans la version électronique du Guardian, le 24 avril 2013.