10 questions-réponses pour tout comprendre sur le CETA
Sur le CETA, vous êtes un peu perdu-e-s ? signé, pas signé ? ratifié, pas ratifié ? quels sont les votes passés ou prévus ? Voici les réponses aux dix questions principales sur le CETA et sur son processus de signature et de ratification, pour connaître l'essentiel et continuer à se mobiliser contre ce traité toxique.
Dix questions fréquentes, dix réponses simples, et des liens pour aller plus loin.
Le CETA, c’est quoi ?
L’accord économique commercial global (AECG, en anglais Comprehensive Economic Trade Agreement – CETA) est un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada qui, comme le TAFTA en cours de négociation avec les États-Unis, ne se contente pas de supprimer des taxes douanières pour accroître la concurrence mais vise aussi l’harmonisation de normes au profit des multinationales. Dans la pratique, cela se traduit par un alignement progressif des réglementations sous une pression accrue des lobbys, au détriment de l’intérêt général.
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Pourquoi est-ce un « traité des multinationales » ?
Parce qu’elles seront les grandes bénéficiaires de ce traité ! Ce n’est en effet pas le Canada contre l’Europe, mais bien des intérêts financiers contre l’intérêt général. Le forum de coopération réglementaire donnera la possibilité aux lobbys des multinationales d’être consultés sur toute nouvelle réglementation européenne ou canadienne, avant même qu’elle soit discutée par les parlementaires. En parallèle, l’arbitrage investisseurs-États permettra aux multinationales canadiennes et celles qui possèdent des filiales au Canada (dont celles des Etats-Unis, de Chine, etc.) d’attaquer les Etats européens (et inversement, les Européennes et celles qui possèdent une filiale en Europe, d’attaquer le Canada) si elles considèrent que de nouvelles réglementations, par exemple, de protection des consommateurs et des travailleurs, de lutte contre le changement climatique ou la pollution de l’air, etc. portent atteinte à l’estimation de leurs profits.
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Mais le CETA ne remet pas en cause les réglementations et normes européennes ?
La Commission européenne et tous les promoteurs du CETA se plaisent à répéter qu’il n’est écrit nulle part dans l’accord qu’il faudra autoriser les OGM ou le bœuf aux hormones, ou qu’il faudrait en finir avec le principe de précaution qui est d’ailleurs inscrit dans les textes européens, etc.
En réalité, le CETA ne l’affirme pas explicitement mais il fournit les armes juridiques pour faire évoluer à la baisse notre réglementation, grâce à de multiples renvois qui s’opposent au principe de précaution. En particulier, la référence à certains cadres établis au niveau international, au sein de l’Organisation mondiale du commerce (tels que « l’accord sur les Mesures sanitaires et phytosanitaires » de l’OMC) ou, indirectement, des Nations-Unies (tels que le Codex alimentarius), donne prise à des lobbys pour mettre les Etats sous pression afin de respecter leurs engagements internationaux. En mai dernier, avant même la signature du CETA, le lobby industriel du soja canadien a exigé de la Commission européenne qu’elle tienne des engagements obtenus au cours des négociations de l’accord, et l’importation d’un nouveau soja OGM de Monsanto a été annoncée fin juillet.
Une analyse du texte final de l’Accord Économique et Commercial Global
CETA ou climat, pourquoi faudrait-il choisir ?
Le CETA entre en totale contradiction avec l’Accord de Paris, négocié lors de la COP21 en décembre 2015, et que le Parlement européen a d’ailleurs soutenu. Cet accord, déjà insuffisant pour limiter le réchauffement global à 1,5 °C, n’est pas mentionné dans le CETA, dont la version définitive date pourtant de février 2016. Le CETA nous entraînerait même dans la direction opposée : il s’opposerait à la limitation des importations et de l’extraction d’énergies fossiles, permettrait à des multinationales d’attaquer des Etats qui opteraient pour des politiques de transition énergétique (voir question 6) et encouragerait l’agriculture industrielle (voir question 5), grande émettrice de gaz à effet de serre.
Le CETA impactera-t-il notre agriculture ?
Outre la mise à mal du principe de précaution et les conséquences sur des normes portant sur les OGM, les pesticides, etc. (voir question 3), le CETA accélérerait de façon colossale l’industrialisation de notre agriculture, notamment par la suppression de 93 % des droits de douane existant sur le commerce de denrées agricoles entre l’Union européenne et le Canada. La menace la plus évidente pèse sur l’élevage, puisque le texte prévoit l’ouverture progressive de quotas de dizaines de milliers de tonnes de bœuf et de porc sans droit de douanes, ce qui augmenterait la pression économique sur les élevages qui se trouveraient en concurrence directe avec les fermes-usines canadiennes. Les efforts de réduction des coûts de production aggraveraient ainsi l’impact sur l’environnement et sur l’emploi en zone rurale. Cela risquerait clairement de peser sur la réglementation future concernant l’usage d’hormones de croissance, d’antibiotiques et de façon générale sur le bien-être animal. Face à cela, les promoteurs du CETA vantent l’ouverture de marchés pour les produits laitiers européens, mais cette logique de conquête de parts de marchés risque d’accroître la production de lait canadien (et donc la pression concurrentielle). Quant à la reconnaissance de certaines appellations d’origine sur le marché canadien, cela pourrait paradoxalement affaiblir les démarches de qualité qui ont mené à leur renommée, et qui font qu’elles ne connaissent aujourd’hui pas les mêmes difficultés que les autres productions agricoles européennes.
Les menaces du CETA sur l’agriculture française
De plus, le CETA introduit le « soupçon de contrefaçon » : c’est le retour d’une mesure qui avait été abandonnée en même temps que l’ACTA, accord commercial anti-contrefaçon rejeté par le Parlement européen en 2012. La possibilité pour les firmes semencières de faire saisir les biens des agriculteurs sur la base de ce seul « soupçon » permettrait de les dissuader de produire eux-même leurs semences, comme c’est pourtant le cas en France aujourd’hui pour la moitié des surfaces en céréales (raison pour laquelle, dans la loi française de 2014 sur la contrefaçon, le Parlement français a explicitement prévu une exception agricole pour 21 espèces cultivées… qui pourrait être contestée à cause du CETA).
CETA, TAFTA et le principe de précaution de l’Union européenne
6. Un système d’arbitrage privé avec de nouvelles garanties ?
La réforme créant « le système juridictionnel des investissements » que le gouvernement français présente comme une « cour publique » n’apporte aucune garantie nouvelle : la seule réelle nouveauté, c’est la mise en place d’un système de recours (en quelque sorte, un appel de la première décision). Les «membres du tribunal» demeureront des juristes issus des milieux d’affaires, spécialisés dans ce type d’arbitrage, et la magistrature ne sera toujours pas indépendante ; d’ailleurs les «membres du tribunal» auront un salaire de base bien plus faible que la rémunération que leur verseront les investisseurs et les États lors d’un différend (il continuera d’y avoir une forme d’intéressement aux différends).
Le système juridictionnel des investissements mis à l’épreuve
Le traité reconnaît officiellement le « droit à réguler » des Etats mais cette notion n’a aucun fondement en droit commercial international. A l’inverse, des clauses très précises et régulièrement utilisées par des investisseurs pour poursuivre des États (à cause de traités déjà existants mais concernant des flux d’investissement plus faibles) sont reconnues par le CETA. En somme, rien n’empêchera un Etat de réguler, mais cela pourra avoir un coût, les dédommagements issus de ce type d’arbitrage pouvant s’élever à plusieurs millions ou milliards d’euros, aux frais du contribuable.
Les Wallons et la Belgique n’ont pas obtenu toutes les garanties nécessaires ?
La Wallonie a tenté d’obtenir des garanties supplémentaires mais a subi des pressions considérables, et n’a finalement rien obtenu de tangible. Les déclarations qui ont été jointes au CETA ne changent rien : la déclaration conjointe UE-Canada engage certes les deux signataires, mais sa valeur juridique est déjà contestée et surtout, elle résume les affirmations floues contenues dans le CETA sans apporter aucune précision ; quant aux déclarations unilatérales (sur les OGM, etc.), elles n’engagent pas le Canada et ne sont donc pas opposables au CETA. C’est avant tout un exercice de communication politique.
CETA, la porte ouverte aux OGM
Le CETA a été signé et « ratifié » au Parlement européen : maintenant c’est trop tard ?
Le CETA a été signé par l’Union européenne et le Canada le 30 octobre 2016 et le Parlement européen a voté en faveur de sa “ratification” (il a en fait consenti à sa “conclusion”) le 15 février (lire la réaction du collectif Stop TAFTA-CETA ici). Cela a ouvert la voie à l’application provisoire de toutes ses dispositions qui relèvent de la compétence communautaire (c’est-à-dire les 9 dixièmes de l’accord) à partir du printemps 2017. Côté français, il faut se réjouir qu’une majorité une d’eurodéputés se sont opposés au CETA au parlement européen (48 contre, 16 pour et 8 abstentions : à l’exclusion des eurodéputé-e-s du FN, on peut retrouver le détail sur l’infographie du collectif Stop TAFTA-CETA).
Point d’étape sur la ratification du CETA
Mais son entrée en vigueur définitive ne sera effective qu’à l’issue des ratifications par les différents Etats membres : la Lettonie l’a déjà ratifié, mais il reste encore 27 Etats membres (puisque le Royaume Uni est toujours membre de l’Union européenne) ; du fait du régime fédéral en vigueur dans certains Etats, ce sont donc en fait 37 parlements nationaux ou régionaux, en tout, qui doivent encore se prononcer.
Mais on est tranquils car le CETA devra encore être ratifié par les parlements nationaux ?
Officiellement, le CETA est pour l’Union européenne un « accord mixte », qui doit en effet être ratifié par les différents États membres. Mais tout ce qui relève officiellement de la compétence communautaire, c’est-à-dire l’immense majorité du traité, sera mis en « application provisoire » dès la ratification européenne… potentiellement dès le 1er avril ou mai 2017 ! La suite est très floue :
- les ratifications nationales pourraient prendre des mois voire des années : en France, la ratification peut passer par voie parlementaire ou par referendum, et n’aura pas lieu, au minimum, avant les élections législatives de juin (rien ne permet de savoir si elle aura lieu dans les semaines suivantes ou dans plusieurs années !).
- ces ratifications nationales se feront sous pression, car les Etats potentiellement récalcitrants seront accusés de mettre en péril un accord qui a déjà été ratifié au niveau européen et très largement mis en œuvre. Comment, dès lors, des parlementaires oseront-ils le rejeter ? Et s’il y a un refenredum, le débat public ne sera-t-il pas biaisé par de tels arguments ?
- même si seuls certains aspects (dont la protection des investissements) sont considérés comme une compétence nationale, c’est bien sur l’ensemble du CETA actuel que devra s’effectuer la ratification nationale.
- si d’aventure le Parlement français ou un référendum rejette la ratification, nul ne connaît la suite : le gouvernement actuel prétend que l’application provisoire cessera, mais il ne peut pas le garantir ! En effet, comme l’a expliqué la Commission européenne courant novembre, les 28 États membres ont convenu dans ce cas d’appliquer les « procédures de l’Union européenne », or aucune procédure ne permet une annulation immédiate et unilatérale (de la part d’un seul État membre) : il faudra donc dans ce cas rediscuter avec l’ensemble des États membres pour prendre une nouvelle décision à l’unanimité. En attendant, la majeure partie de l’accord continuera d’être appliquée « provisoirement »…
Peut-on espérer que la France refuse de ratifier le CETA et moi, que puis-je faire ?
En pleine période électorale, nous ne savons pas quelle sera la composition de l’Assemblée nationale à partir du mois de juin, ni si cette ratification se fera par voie parlementaire ou par referendum. Mais nous devons préparer cette prochaine étape : il faut justement faire du CETA un sujet de la campagne des législatives. Des parlementaires actuels de différents bords se sont prononcés contre le CETA ces derniers mois, l’ensemble des syndicats agricoles ont dorénavant pris position contre ce traité, des analyses constitutionnelles soulignent les risques d’incompatibilité avec la Constitution française et le 22 février 110 député-e-s ont saisi le Conseil constitutionnel, dont la réponse est attendue au début de l’été.