Le charbon « propre », un oxymore
La timide législation européenne impose la fermeture des vieilles centrales à charbon. Considérant le charbon comme « incontournable » dans la production électrique, un rapport du Sénat juge « indispensable de favoriser les progrès en matière de ‘charbon propre’ ».
Une illusion du même acabit que la guerre « propre » ou les sodas sans sucre 1.
Le charbon dit « propre » : explications
L’expression de charbon « propre » désigne un certain nombre de techniques récentes fonctionnant de façon indépendante ou combinée :
– Le captage des rejets : les oxydes de soufre, d’azote et les poussières sont captés en amont ou en aval (désulfurisation et dénitrification). C’est notamment le principe des centrales dites critiques ou supercritiques.
– La diminution de la température de combustion : elle permet ainsi de réduire les émissions et d’augmenter le rendement. C’est la technique du lit fluidisé circulant.
– La transformation du charbon en gaz : la technique de la gazéification transforme le charbon en gaz qui alimente ensuite une centrale à cycle combiné. C’est la CCGI ou centrale à cycle combiné à gazéification intégrée
-La cocombustion : la quantité de charbon utilisée est diminuée par l’apport d’autres combustibles (biomasse, etc.).
– La capture et le stockage de carbone : c’est le fameux CCS qui en théorie permet de récupérer les rejets des centrales (capture) pour le liquéfier sous pression et le stocker sous terre (stockage).
Le charbon reste du charbon
Mais l’examen de ces différentes techniques révèle deux évidences. D’une part, elles ne suppriment par les émissions de gaz à effet de serre, elles ne font que les diminuer, ce qui reste à l’encontre d’un objectif à 95 % de réduction de gaz à effet de serre d’ici 2050. D’autre part, elles éludent un problème fondamental : le charbon est une énergie fossile dont le stock est fini. Pour stabiliser le climat, il est indispensable de construire un avenir énergétique sevré à moyen terme des énergies fossiles.
Le CCS, est-ce vraiment l’avenir ?
Parmi les techniques de charbon propre, l’une d’elles est communément présentée comme la panacée d’une production inoffensive d’électricité pour l’avenir : la capture et le stockage de carbone (CCS). Mais partageons-nous bien la même vision de l’avenir ?
L’avenir qu’on nous présente s’avère hypothétique, nocif et inutile. Hypothétique car, pour l’heure, le CCS n’est pas opérationnel. Il faudrait donc investir encore d’énormes fonds en recherche et développement pour une technique incertaine. Nocif, car le CCS est destructeur pour l’environnement : il implique une augmentation de la consommation d’eau et d’électricité, il comporte des dégradations environnementales supplémentaires dans les endroits où il s’implante, et les risques liés au stockage de CO2 , gaz asphyxiant et acide, ne sont pas maîtrisés. Inutile enfin car les résultats sur le climat seront bien en deçà des réductions d’émissions nécessaires : seul 11 % des émissions cumulées avant 2050 serait évité avec le CCS 2.
Pour les Amis de la Terre, cette technique est davantage une fausse solution technoscientiste formulée par des industriels qui veulent maintenir un statu quo énergétique en ignorant un problème capital : les ressources énergétiques sont finies et l’urgence climatique impose d’arrêter immédiatement tout recours aux énergies fossiles. Et non multiplier les risques en se lançant dans des expérimentations inutiles si la sobriété énergétique ou le recours aux renouvelables étaient favorisés.
Rapport d’information de MM. Michel Billout, Marcel Deneux, Jean-Marc Pastor, fait au nom de la mission commune d’information Electricité, n°357, tome 1 (2006-2007), 27 juin 2007, à consulter sur : http://www.senat.fr/rap/r06-357-1/r06-357-120.html#toc134
NOAH Friends of the Earth Danemark, « An assessment of cumulative CO2 reductions from capture and storage at coal fuelled plants in a carbon constrained world », Juin 2010 , à consulter sur: http://ec.europa.eu/clima/consultations/0005/registered/11495514257-89_noah_friends_of_the_earth_denmark_en.pdf