Le prix humain et écologique de l’industrie minière
Une mine est un gisement exploité de matériaux (or, cuivre, nickel, charbon, uranium, pétrole, etc.).
Si l’exploitation de ces gisements s’est grandement développée avec l’ère industrielle, elle explose depuis une trentaine d’année. En 2010, l’humanité consomme 50 % de ressources naturelles de plus que dans les années 1980 avec environ 60 milliards de tonnes de matières premières par an. L’accès aux biens naturels à un moindre coût semble ainsi être devenu la priorité des États et des entreprises multinationales, qui veulent répondre à cette demande croissante. Cette course effrénée pour s’approvisionner en matières premières aboutit à un essor des projets miniers, repoussant toujours plus loin les limites de l’acceptable.
A partir du XIXe siècle, l’Homme a commencé à extraire à échelle industrielle les ressources minérales de la Terre, aidé par des techniques de plus en plus performantes et de meilleures connaissances en géologie. Au fur et à mesure, l’exploitation est devenue de plus en plus compliquée : les matériaux ne se trouvent plus sous forme concentrée, ils sont disséminés dans la roche ou le sable qui les enferme. Par conséquent, les techniques d’extraction sont devenues de plus en plus invasives et destructrices. On assiste à un véritable pillage de ces ressources non renouvelables et, pour les populations locales, les industries extractives sont bien souvent synonymes de la destruction et de la contamination de leur environnement, ainsi que de la perte de leurs moyens de subsistance.
Les projets miniers se différencient selon leurs niveaux d’exploitation (grande, moyenne et petite), le type d’extraction (à ciel ouvert, souterraines, par forage ou sous-marine) et leur caractère (formel ou informel). L’exploitation informelle, située surtout dans les pays du Sud, n’étant pas contrôlée, elle ne se soumet à aucune contrainte législative environnementale, bien qu’elle soit très polluante.
Mais sans surprise, ce sont les grands projets des multinationales qui causent le plus de dégâts. Ces méga-projets concentrent des investissements financiers lourds dans une filière où entreprises multinationales (Xstrata, Eramet, Rio Tinto etc.), banques commerciales (BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, etc.) et publiques (Banque européenne d’investissement, Banque Mondiale, etc.) sont des acteurs qui écrasent de leur poids les citoyens et parfois même certains États.
Bénéfices de taille pour les multinationales, destruction du tissu économique local
L’intérêt des mines réside dans le profit qu’elles génèrent pour leurs promoteurs et leurs investisseurs. Ces derniers mettent souvent en avant des arguments économiques qui rendraient les projets acceptables : croissance du PIB dans les pays producteurs, création d’emplois et amélioration du niveau de vie des communautés…
En fait, les projets miniers constituent le plus souvent des « enclaves de production », sans liens avec le reste de l’économie (importations des biens d’équipement, absence de transfert de technologies, exportation de la production sans transformation, rapatriement des bénéfices). Ces « enclaves » favorisent une intégration externe à l’économie mondiale au détriment de l’intégration interne et d’un développement durable endogène.
Des emplois peu nombreux et précaires
La création d’emploi est souvent l’argument principal avancé par les compagnies minières et les autorités pour convaincre les populations locales d’accepter le développement d’un projet. Mais le secteur des industries extractives demande beaucoup de capitaux et peu de main d’œuvre, à l’inverse des mines informelles ou artisanales.
Dans les grands projets miniers, les créations d’emplois pérennes sont peu nombreuses au regard des montants investis (en moyenne entre 0,5 et 2 emplois créés pour 1 million de dollar investis) et, pour une large part, sur des postes peu qualifiés. La phase de construction d’un projet minier fait appel à une main d’œuvre plus abondante mais, pour l’essentiel, sur des contrats de courte durée et engendre des migrations importantes très déstabilisatrices pour le tissu socio-économique local. Une fois « démobilisés », ces travailleurs de la construction ne peuvent être absorbés par l’économie locale et les conflits sociaux se multiplient.
De plus, leurs lourds impacts rendent les mines incompatibles avec les activités économiques préexistantes (agriculture, tourisme, etc.), sans que l’entreprise minière ne puisse absorber tous les emplois qu’elle fait disparaître. Enfin, il faut préciser que l’exploitation d’une mine est une activité à durée limitée pour une région (10 à 20 ans). Une fois la mine fermée, la communauté se retrouve souvent sans activité économique viable et se voit plus appauvrie qu’avant.
En réalité, la plupart des mines sont exploitées par un nombre restreint de multinationales étrangères, issues principalement des pays du Nord et des pays émergents (Chine, Brésil), qui en rapatrient les bénéfices économiques et opèrent pour des États consommateurs désireux d’assurer leur indépendance énergétique et en ressources. Car la surconsommation et la demande des pays du Nord augmentent la pression sur l’exploitation minière et donc sur les territoires. Elles tirent aussi vers le haut le prix des matières premières dont le cours flambe sur les marchés internationaux. Le peu de bénéfices que les entreprises laissent aux pays d’accueil est souvent mal redistribué par les gouvernements, et les populations qui subissent les conséquences de l’exploitation de leurs terres, n’en bénéficient pas concrètement, aggravant toujours plus la dette écologique des pays du Nord envers les pays du Sud.
L’environnement détruit en échange
L’industrie minière est l’une des plus destructrices au monde. En amont, une grande quantité d’énergie – souvent d’origine fossile – est nécessaire à l’extraction des minerais, nécessitant la construction de nouvelles centrales à charbon ou de grands barrages : elle aggrave d’autant les changements climatiques. La ressource en eau est également très sollicitée (plusieurs millions de litres de d’eau par jour) et diminue ainsi l’accès à l’eau des communautés locales.
Les méga-projets miniers ravagent aussi les écosystèmes : la zone de gisement est d’abord entièrement défrichée puis des quantités monstrueuses de matériaux et de terres sont déplacées pour extraire les matériaux recherchés. Le territoire est défiguré de façon permanente ; certains projets miniers sont même à l’origine de la disparition de montagnes ou de forêts entières.
En aval, les sols et les eaux de surface et souterraines sont pollués par les métaux lourds (plomb, cuivre, zinc,…), les produits chimiques utilisés pour séparer les métaux de la roche ou du sable qui les contiennent (acide sulfurique, cyanure…), et par les émanations toxiques libérées lors de l’extraction (drainage minier acide). Cela génère une diminution globale de la qualité de l’air, de l’eau et une contamination et une érosion des sols allant jusqu’à la désertification. Mais l’industrie minière engendre aussi beaucoup de déchets (ex : 79 tonnes de résidus miniers sont nécessaires pour la production d’une once d’or) dont d’importants déchets toxiques. Enfin, l’adéquate fermeture de la mine est souvent coûteuse pour les entreprises, elle est donc bâclée ou non réalisée grâce à la faiblesse des législations et/ou de la régulation dans les pays hôtes.
Des conséquences sociales et humaines dramatiques
L’ouverture et l’exploitation d’un projet minier entraîne aussi de multiples problèmes sociaux. En effet, les projets sont lancés souvent sur la base d’un accord entre gouvernements et entreprises ; les communautés locales ne sont informées qu’une fois l’exploitation décidée, sans aucune consultation réelle. Ce processus est donc une atteinte grave à l’autodétermination des peuples qui ne sont pas pris en compte, et viole notamment le droit au consentement libre, préalable et informé des populations indigènes, reconnu pourtant par plusieurs normes et conventions internationales.
Plusieurs gisements miniers se trouvent près d’agglomérations et occasionnent un déplacement massif de populations, sans processus de relocalisation adéquat et de compensation juste. Quand elles ne perdent pas directement leurs terres, les communautés doivent renoncer à leurs activités économiques traditionnelles – telles que l’agriculture, la pêche, la chasse – en raison des pollutions et de la raréfaction de l’eau, et voient donc leurs moyens de subsistance détruits par ces activités extractives. De plus, pour les populations locales, la pollution de l’air et de l’eau conduit à une multiplication de maladies respiratoires et de la peau et de différents types de cancers, surtout chez les enfants, plus vulnérables.
Enfin, le développement de la corruption accompagne aussi l’arrivée de ce type de projets portés par les multinationales. Des conflits autour du contrôle des ressources voient le jour, de même que la prostitution, la propagation du SIDA liée à l’arrivée massive de travailleurs migrants, etc.
Premières victimes de ces impacts souvent irréversibles, les populations locales sont de plus en plus réticentes à l’arrivée ou le maintien d’une multinationale minière sur leur territoire : en témoigne la multiplication des conflits sociaux, que ce soit en Amérique Latine (ex : Minera Alumbrera en Argentine, Tintaya et Conga au Pérou), en Asie (ex : Weda Bay en Indonésie) ou en Afrique (ex : Mopani en Zambie). Dans de nombreux pays, l’arrivée d’une compagnie extractive est synonyme de militarisation et de criminalisation des luttes sociales : les mobilisations font face à des répressions parfois sanglantes, comme en 2012 en Afrique du Sud (mine de Lonmin), et les militants peuvent être la cible de menaces allant jusqu’à des assassinats, comme au Mexique.
EN SAVOIR PLUS :
– Le rapport de mission des Amis de la Terre sur la mine de cuivre de Mopani en Zambie, financée par la Banque Européenne d’Investissement (2010)
– Le rapport des Amis de la Terre sur les industries extractives à Madagascar (2012)
– Les mines de Bangka (étain) et de Weda Bay (nickel) en Indonésie
– Le projet minier de lithium d’Eramet et Bolloré dans les Salinas Grandes, et la répression des communautés en Argentine
– Le rapport de mission des Amis de la Terre sur la mine d’or de Sadiola au Mali