L’empreinte carbone colossale des banques françaises
Les Amis de la Terre France et Oxfam France publient aujourd’hui, à la veille du Climate Finance Day qui réunira les grands acteurs de la finance internationale à Paris, un nouveau rapport « La colossale empreinte carbone des banques : une affaire d’État ».
Ils analysent les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Banque Populaire Caisse d’Epargne – dans le secteur des énergies fossiles en 2018. Le rapport révèle que l’empreinte carbone des banques françaises représente au total 4,5 fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière. À elles seules, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale émettent chacune plus que le territoire français, compromettant l’objectif de contenir le réchauffement global sous la barre de 1,5 °C.
La colossale empreinte carbone des banques : une affaire d’Etat
One Planet Summit, Climate Finance Days… À l’initiative de la France, les grands rendez-vous visant à mettre la finance au service du climat se sont multipliés depuis la COP21 en 2015, faisant primer la communication sur l’action et laissant croire que le défi climatique était relevé grâce aux mesures d’autorégulation prises par les acteurs de l’industrie financière. Mais derrière les effets d’annonce, les chiffres rendus publics aujourd’hui témoignent d’une toute autre réalité.
Selon Alexandre Poidatz, chargé du financement de la transition énergétique chez Oxfam France : « Les dérèglements climatiques et les populations qui en sont déjà victimes, notamment dans les pays les plus pauvres, ne peuvent pas se payer le luxe des petits pas concédés par les banques. Par leurs soutiens massifs et continus au charbon, au pétrole et au gaz, les banques françaises comptent parmi les principaux responsables du réchauffement de plus de 1 °C qu’a subi la planète depuis la période préindustrielle. Sortir dès aujourd’hui les banques françaises de leur addiction aux énergies fossiles est une question de vie ou de mort. Notre capacité à garantir la stabilité du système financier1 autant qu’à éviter les catastrophes naturelles et humaines les plus dramatiques en dépend ».
Les Amis de la Terre France et Oxfam France soulignent que garantir des conditions de vie décentes sur Terre et prévenir de nouvelles crises financières systémiques sont des prérogatives de la puissance publique. Elles dénoncent la passivité du gouvernement, qui se positionne en chef de file de la finance verte au niveau international, mais se défausse de ses responsabilités sur les acteurs privés. Les ONG pointent du doigt l’influence exercée par l’industrie bancaire sur les décisions politiques, résultante d’un lobbying direct agressif et des nombreux passages de hauts fonctionnaires du secteur public au secteur privé et vice-versa.
Pour Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France : « Il y a tout juste un an, Bruno Le Maire brandissait pour la première fois la menace d’une régulation contraignante pesant sur les activités climaticides des banques.2 Mais derrière les beaux discours, le gouvernement s’entête à déléguer aux pyromanes la mission d’éteindre le feu. Scientifiques, associations, citoyens, Haut Conseil pour le climat… Toutes les voix s’élèvent dans le même sens, celui d’une action politique forte et immédiate pour enrayer les émissions de gaz à effet de serre. L’Etat a le pouvoir et la responsabilité de réorienter les flux de capitaux privés vers une économie bas carbone et de mettre la finance au pas des impératifs climatiques : il doit rendre les banques redevables ».
Alors que les acteurs financiers se réunissent à nouveau à Paris le vendredi 29 novembre dans le cadre du Climate Finance Day, Les Amis de la Terre France et Oxfam France appellent le gouvernement français à mettre en place des normes contraignantes afin de garantir un alignement des activités des banques françaises avec l’objectif de limiter l’augmentation de la température globale à 1,5 °C. Ces normes devront garantir que les banques mettent fin à leurs soutiens à l’expansion des énergies fossiles et en programment la sortie totale. L’Etat doit garantir en priorité la sortie du secteur du charbon au plus tard en 2030 dans les pays européens et de l’OCDE, et d’ici 2040 dans le monde.
Quelques chiffres clés
En 2018, les émissions de gaz à effet de serre des grandes banques françaises ont atteint plus de 2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 4,5 fois les émissions de la France cette même année.
BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont chacune une empreinte carbone supérieure à celle du territoire français.
Les intensités carbone de Société Générale et de BNP Paribas étaient en 2018 trois fois plus élevées que celle du groupe BPCE. Ce rapport contient aussi une évaluation quantitative et qualitative de l’influence du lobby bancaire :
L’ensemble de l’industrie financière a dépensé en 2018 plus de 15 millions d’euros rien que pour ses activités de lobbying en France, avec 190 représentants d’intérêts.
Au sein de cette industrie financière, les quatre principales banques françaises ont dépensé 5,5 millions d’euros pour exercer leur influence dans la sphère publique.
Parmi les principaux dirigeants des banques et de leurs associations professionnelles, 30 d’entre eux sont des anciens fonctionnaires de Bercy.
La dépendance des banques aux énergies fossiles représente un risque qui peut coûter très cher à l’économie, et à la finance elle-même. Le monde financier devra appréhender la dépréciation massive d’actifs carbonés, appelés à être pénalisés par la transition vers une économie bas carbone.
Bruno Le Maire (2018) Discours au Climate Finance Day : « Je demande [que les banques, assureurs et gestionnaires d’actifs] arrêtent définitivement de financer les activités les plus polluantes, notamment