Un militant écologiste hongrois livre son regard sur la Hongrie de Viktor Orban
À quelques jours du second tour de l'élection présidentielle française, nous dénonçons fermement les dangers qu'impliquerait l'extrême-droite au pouvoir. Robert Fidrich, militant écologiste hongrois, témoigne de son expérience sous le régime de Viktor Orban.
Quel est le parcours de Viktor Orban ?
Viktor Orban s’est fait connaître en juin 1989, lorsqu’il fut le premier homme politique hongrois à dire « Russians go home ! ». Après les premières élections démocratiques des années 1990, il est devenu député. Lorsque le premier gouvernement démocratique a perdu sa popularité, Orban a vu une « fenêtre » disponible à droite de l’arène politique. Son parti, le Fidesz, est alors passé d’un petit parti libéral à un parti très conservateur. Il est ensuite devenu Premier ministre en 1998. Puis il a perdu les élections en 2002, et 8 ans de gouvernement socialiste ont suivi. En 2010, Orban est revenu au pouvoir en tant que Premier ministre et avec la majorité au Parlement.
Ces dernières années, Orban a commencé à tisser des liens avec Poutine. Il a même parfois agi comme un « agent » de Poutine au sein de l’Union européenne. Difficile de croire que le premier politicien hongrois à avoir dit « Russians go home ! » est désormais proche de Poutine !
Les actions de Viktor Orban sont parfois en contradiction avec sa rhétorique, il n’y a pas d’éthique dans sa façon de gouverner. Jusqu’en mars 2021, le parti d’Orban était une composante du parti conservateur au Parlement européen (PPE), mais il en a été chassé et s’est alors allié à des partis d’extrême-droite en progression.
Il y a plusieurs années, Orban et son parti ont commencé à communiquer de manière plus agressive sur les questions promues par l’extrême-droite. Par exemple, il s’est rendu compte que la question des réfugiés prenait de l’ampleur, alors il a commencé à en faire un sujet majeur de sa campagne. Cette stratégie a également été un moyen pour lui de détourner l’attention des scandales le visant, la corruption et le clientélisme étant la base de son gouvernement.
Comment les libertés et droits individuels ont-ils évolué depuis qu’Orban est au pouvoir ?
Concernant la liberté d’expression, les principaux médias hongrois sont désormais contrôlés par les amis du Premier ministre et diffusent largement la rhétorique climatosceptique. Certains médias indépendants existent encore, mais ils ne peuvent pas atteindre autant de personnes que l’empire médiatique contrôlé par le Fidesz.
Par ailleurs, il y a plusieurs années, la Hongrie a construit un mur à la frontière serbe pour limiter l’arrivée des migrant·es.
Les libertés associatives ont également été impactées, avec notamment l’initiative du gouvernement de geler le compte bancaire d’une organisation environnementale locale, dont le dirigeant a participé à la création du parti vert en Hongrie.
Comment la politique d’Orban affecte-t-elle la protection de l’environnement et du climat ?
Orban a supprimé le ministère de la protection de l’environnement il y a 12 ans. Désormais, les questions environnementales sont rattachées au ministère de l’agriculture. Il y a quelques années, les questions relatives au climat et aux déchets ont également été transférées à un autre ministère.
L’absence d’un ministère de l’environnement en Hongrie est bien sûr très problématique, car cela donne moins de poids aux questions environnementales. Inversement, les grandes entreprises agroalimentaires ont beaucoup d’influence sur le ministère de l’agriculture.
Par ailleurs, la politique énergétique d’Orban est basée sur le nucléaire et les énergies fossiles. La Hongrie n’a pas soutenu les objectifs climatiques de l’Union européenne. Le gouvernement se positionne contre les énergies renouvelables – en particulier l’éolien -, à l’exception peut-être de quelques projets solaires lancés récemment, sans doute car ils semblent profiter financièrement à certaines personnes proches du gouvernement.
Que peux-tu nous dire de la politique d’Orban sur les questions sociales ?
Les droits des travailleur·ses sont de plus en plus restreints : il y a quelques années, de grandes manifestations ont eu lieu contre l’adoption de la « loi de l’esclavage », qui a fait passer de 250 à 400 le nombre d’heures supplémentaires pouvant être exigées aux travailleur·ses par leur employeur, tout en permettant de retarder de trois ans le paiement de ces heures supplémentaires.
Le gouvernement d’Orban n’a jamais été en faveur des travailleur·ses, à tel point que certaines lois approuvées par le Parlement semblent avoir été rédigées par les lobbies des entreprises eux-mêmes.
Quant à l’exercice du pouvoir, les institutions qui servent de contrepoids à l’exécutif peuvent-elles continuer à exercer le même rôle d’opposition et de contrôle depuis qu’Orban est au pouvoir ?
Le gouvernement d’Orban a réduit le rôle des institutions qui agissaient auparavant comme contre-pouvoir. Il a également placé ses propres marionnettes à la Cour constitutionnelle, organe censé contrebalancer le pouvoir du Parlement. Si certaines organisations écologistes parviennent malgré tout à obtenir quelques décisions en leur faveur, leur travail est rendu bien plus difficile qu’auparavant.
Propos recueillis par Juliette Renaud, des Amis de la Terre France.