Mission à la mine d’or de Sadiola (Mali) : conclusions principales
Les Amis de la Terre ont effectué en janvier 2003 une mission d’investigation sur la mine d’or de Sadiola (Mali), exploitée par la SEMOS (Société d’Exploitation des Mines d’Or de la Sadiola). Les principales conclusions du rapport de mission effectué à cette occasion sont résumées ici.
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Des représentants de la commune et de la population, des chefs des villages, et des représentants de la SEMOS ont été rencontrés. Ces réunions ont fait ressortir cinq grands types de préoccupations qui structurent le présent rapport :
fonctionnement de la mine (en particulier gestion des produits chimiques dont le cyanure)
embauche et conditions salariales
accès à l’information et transparence
impacts sociaux et environnementaux de la mine
gestion du fonds de développement communautaire.
Les préoccupations qui ressortent le plus sont les suivantes :
Manque d’accès généralisé à l’information détenue par la SEMOS, en particulier les résultats des analyses d’eau. Cette critique est omniprésente et émane de toutes les catégories d’acteurs, la SEMOS reconnaissant elle même qu’elle doit améliorer sa communication.
Trop peu d’embauche de la population de la commune de Sadiola par la SEMOS et les entreprises sous-traitantes, en particulier pour les jeunes. Parallèlement, critiques du processus d’embauche dans lequel les « étrangers » qui trouvent du travail à la mine peuvent être perçus comme des privilégiés.
Gestion jugée opaque et floue du fonds pour le développement communautaire : quelles sont les villages qui peuvent en bénéficier ? Quelles modalités existent pour sélectionner les projets, pour prendre les décisions, pour consulter et informer les populations bénéficiaires ? Sur ce point une tension forte existe entre les chefs de village traditionnels et la récente commune officielle de Sadiola.
Risques de pollution de l’eau par le cyanure, et impacts sur l’environnement agricole et le bétail
Impacts de l’activité de la mine sur les conditions de vie à Sadiola : explosion démographique, coût de la vie très élevé, évolution des mœurs notamment par l’arrivée de populations différentes (autres ethnies, ressortissants des pays limitrophes), développement de la prostitution, du vol et de l’exploitation anarchique des ressources naturelles comme le bois, tensions entre le Sadiola « autochtone » et le « nouveau » Sadiola qui accueille les nouveaux venus. Il semble que personne n’a pris conscience de l’ampleur des tensions et frustrations qu’ils génèrent, et qu’en conséquence personne ne travaille spécifiquement sur ces problèmes pourtant directement liés à l’ouverture de la mine et à l’attraction qu’elle génère dans tout le Mali et au delà.
Plusieurs de ces points renvoient aux responsabilités de chaque acteur institutionnel. Ce point essentiel est sous jacent à toutes les principales polémiques. Le moins que l’on puisse dire est que la répartition des responsabilités est peu claire entre la SEMOS, ses actionnaires, la commune de Sadiola, et l’Etat malien (on peut y ajouter les chefs de villages). Une clarification du rôle et des responsabilités de chacun de ces acteurs semble indispensable pour assainir la situation et désarmer les tensions. Par défaut, la SEMOS est presque systématiquement prise comme responsable. Les lacunes de sa politique de communication ne peuvent faire oublier que l’Etat malien, à la fois en tant que garant de l’intérêt général et comme actionnaire de l’entreprise, a des responsabilités importantes dans la gestion des impacts de la mine sur la région. Les responsabilités de la commune, échelon public territorial extrêmement récent, sont également à clarifier.
Les représentants de la commune de Sadiola, les chefs de villages, la population ont des jugements parfois très tranchés voire agressifs sur les activités de la SEMOS. De manière justifiée ou non, l’ouverture de la mine a généré des attentes importantes dans l’ensemble de la commune de Sadiola, et presque toutes les personnes rencontrées estiment que les promesses ne sont pas au rendez vous. Une amertume et une certaine désillusion sont conséquentes.
Une des clés de tous les blocages et tensions perçus est à l’évidence le manque de communication et de transparence de la SEMOS. Des années de non communication avec les populations ont alimenté de nombreuses critiques et rumeurs, aujourd’hui assez fortement ancrées. La SEMOS semble aujourd’hui prête à évoluer en la matière. Il est essentiel que ses engagements soient rapidement suivis d’évolutions concrètes et effectives.
La difficulté d’obtenir des informations précises est généralisée. La SEMOS elle même ne rend pas publics les rapports qui permettraient de confirmer ses affirmations. Cet aspect de la situation est très préoccupant dans la mesure où la précision des informations et des sources est fondamentale pour évaluer correctement les impacts de la mine et les évolutions nécessaires.
Certaines personnes y compris au sein de la SEMOS s’interrogent ouvertement sur la nécessité d’un tel investissement et du déploiement d’une énergie aussi colossale pour extraire quelques dizaines de tonnes d’or, arguant que les investissements massifs effectués par une institution comme la Banque mondiale et des multinationales occidentales dans un pays comme le Mali auraient pu bénéficier plus directement et plus largement aux populations locales dans des projets de plus petite échelle, orientés directement vers la satisfaction des besoins des populations.