Sables bitumineux : des milliards d’euros contre le climat et les droits humains
Nous publions aujourd'hui un nouveau rapport aux côtés de 11 autres organisations. En cause, les grandes banques privées continuent de financer le secteur des sables bitumineux à des niveaux bien supérieurs à ceux nécessaires pour respecter l'objectif climatique de 1,5 à 2 °C.
Alors que la COP23 s’ouvre dans 4 jours, les ONG appellent ces banques, en France Crédit Agricole, Société Générale et Natixis à suivre l’exemple de BNP Paribas et ING, seules banques internationales à avoir adopté des politiques d’exclusion portant non seulement sur les projets mais aussi sur les entreprises du secteur.
33 grandes banques ont accordé plus de 115 milliards de dollars de financements aux entreprises actives dans la production et le transport des sables bitumineux entre 2014 et 2017. 1
(in english) Financement des sables bitumineux : banques VS accord de paris
Très émetteurs de gaz à effet de serre, extrêmement coûteux à produire et difficilement reliés aux marchés, les sables bitumineux font aussi partie des énergies fossiles les plus dévastatrices pour le climat et les populations autochtones. Pourtant, bien que des alternatives moins coûteuses et plus rapides à déployer existent, les financements accordés par les banques à ce secteur sur les 3 premiers trimestres de 2017 sont déjà 50% supérieurs à ceux engagés en 2016.
“Ces milliards démontrent que les financements des banques ne sont pas du tout alignés avec les objectifs climatiques inscrits dans l’Accord de Paris. Les événements météorologiques extrêmes s’accélèrent, les records de chaleur se succèdent mais les banques refusent toujours de perdre certains clients. Pourtant, les entreprises qui, comme Enbridge et TransCanada continuent de développer un secteur aussi risqué que celui des sables bitumineux font peser des risques immenses sur le climat et l’humanité. Leurs nouveaux projets de sables bitumineux prouvent qu’elles font fi des objectifs de 1,5 – 2°C, et justifient amplement leur exclusion des soutiens des banques. Or, en France, hormis BNP Paribas, aucune banque n’a adopté des critères d’exclusion significatifs”2 commente Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France.
Au-delà des financements par banque et par année, le rapport publié aujourd’hui analyse également les politiques adoptées par les banques sur le secteur des sables bitumineux. Sur les 33 banques, seules 5 ont commencé à restreindre certains financements aux projets de sables bitumineux et seules 3 ont également pris des engagements portant sur les entreprises du secteur. Parmi elles BNP Paribas qui a établi une nouvelle norme pour les banques mondiales : en plus d’adopter des restrictions strictes au niveau de la production, BNP Paribas s’est aussi engagée à ne pas financer des projets de transport ou des entreprises très impliquées dans le transport de sables bitumineux.
Pour respecter ses nouveaux critères de financement, BNP Paribas ne devrait pas accorder de nouveaux soutiens à Enbridge, Kinder Morgan et Transcanada particulièrement visées par les ONG pour leurs nouveaux projets de pipelines de sables bitumineux : Line 3, TransMountain et Keystone XL relancé par l’administration Trump à son arrivée au pouvoir.
“Depuis le scandale du Dakota Access Pipeline financé par 17 grandes banques internationales, la résistance aux pipelines de sables bitumineux ne cesse de grandir avec une alliance des tribus autochtones soutenue par un nombre croissant d’ONG du monde entier. Tenir les objectifs de Paris requiert une sortie rapide des énergies fossiles et un arrêt immédiat des plus carbonées. Les banques qui tardent à adopter des politiques de sortie des sables bitumineux s’exposent à des risques réputationnels croissants. Il est donc urgent que celles-ci réagissent si elles ne veulent pas être prises pour cible” conclut Yann Louvel, coordinateur de la campagne climat-énergie de BankTrack.
BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Natixis ont accordé 2879 millions de dollars de soutiens aux sables bitumineux depuis 2014. Ces chiffres résultent d’une analyse de toutes les transactions de prêts et d’émissions d’actions et d’obligations effectuées par les banques aux entreprises détenant des réserves de sables bitumineux et actives dans leur transport par oléoduc à partir d’Alberta, entre le 01/01/2014 et le 30/09/2017. Chaque transaction est pondérée par l’exposition de l’entreprise à ce secteur. La méthodologie est expliquée en détail sur le site de RAN
BNP Paribas obtient la meilleure note du rapport, B+, en ayant exclu tous les financements de projets de sables bitumineux, de l’exploration à l’exportation, ainsi que les entreprises productrices de sables bitumineux et diversifiées exposées à plus de 30% et celles exclusivement actives dans le transport des sables bitumineux qui tirent la majorité de leurs chiffre d’affaires des sables bitumineux (comme communiqué par BNP Paribas aux Amis de la Terre France). Natixis est notée F en raison de l’absence de politique publique, Société Générale est notée D en raison de ses règles en matière de diligence raisonnable, et Crédit Agricole est notée C- en raison de son exclusion des projets d’extraction à ciel ouvert.