One Planet Summit : point sur la politique charbon de BNP Paribas
BNP Paribas frappait très fort en octobre 2017 en annonçant la fin de ses soutiens financiers aux entreprises principalement actives dans les sables bitumineux et les gaz de schiste. Mais quid du charbon qui reste l’énergie la plus émettrice de CO2 et responsable de plus de 800 000 morts prématurées à l’échelle internationale ?
Si la banque a fini par acter la fin de ses soutiens directs aux nouveaux projets de centrales à charbon partout dans le monde en janvier 2017, elle n’a pas révisé ses engagements sur les entreprises depuis….décembre 2015. Trois ans. Et de fait, la banque soutient toujours non seulement des acteurs très exposés au charbon mais aussi ceux qui continuent de construire de nouvelles centrales et mines à charbon.
En chiffres, cela donne 1,5 milliard de financements entre 2016 et septembre 2017, et une augmentation de 200% de ses financements aux 120 développeurs les plus agressifs de centrales à charbon entre 2015 et 2016.
Concrètement, ça veut dire que la première banque de France, soi-disant leader dans la lutte contre le dérèglement climatique, contribue toujours au développement du charbon, la source d’électricité la plus carbonée, en finançant indirectement ce qu’elle a arrêté financer directement.
BNP Paribas, 7ème investisseur du charbon allemand
Un exemple : l’électricien allemand RWE qui se décrit tout en superlatifs: plus gros producteur d’électricité à partir de charbon d’Europe et plus gros producteur de lignite au niveau international, RWE est le plus gros pollueur de l’Union européenne. Ces centrales émettaient 111 millions de tonnes de CO2 en 2017 et causaient la mort prématurée de 1855 personnes en 2015.
Pour RWE, “le temps du lignite n’est pas fini ». Ce monstre du charbon entend construire en Allemagne la centrale de 1100MW, BoAPlus, et est aujourd’hui sous les feux de l’actualité en raison de son projet d’expansion de la mine d’Hambach, qui est déjà la plus grande mine de lignite à ciel ouverte d’Europe et qui menace la dernière forêt primaire d’Europe.
Mais comme bien d’autres développeurs de charbon, RWE bénéficie toujours des soutiens de BNP Paribas. Celle-ci lui a accordé 245 millions d’euros de financements depuis 2014 et y détient pour 147,21 millions d’euros d’investissements dont 199 millions d’actions, ce qui fait de la banque le 4ème actionnaire et le 7ème investisseur de RWE !
Reconquérir un leadership précaire
La raison se trouve dans une politique qui ne prend en aucun cas en compte l’activité absolue d’une entreprise dans le secteur du charbon et que de manière toute relative ses plans de développement dans le charbon. BNP Paribas s’est engagée à ne financer que les entreprises ayant “une stratégie de diversification se traduisant par la réduction de la part de charbon dans leur mix de production d’électricité”. Le mot qui fâche ? “la part de charbon” qui veut dire bien autre chose que “l’activité charbonnière”.
Pour réduire la part de charbon dans son mix électrique, une entreprise a trois options : 1/ fermer ses centrales à charbon ou 2/ produire plus d’électricité sans charbon ou 3/ augmenter sa production d’électricité sans charbon encore plus vite que sa production d’électricité à partir de charbon. Les entreprises ont donc deux options, sur trois, pour maintenir les soutiens de BNP Paribas.
Et c’est bien ce qui se passe avec RWE qui, en acquérant le portefeuille énergies renouvelables d’EON, a fait baisser la part du charbon dans son mix électrique de 54 à 51%. La part du charbon diminue sans que RWE n’abandonne pour autant son intention de maintenir ses mines en opération jusqu’en 2050 – de quoi alimenter ses centrales bien après la date de 2030 à laquelle l’Europe devrait être sorti du charbon pour tenir les objectifs internationaux en matière de lutte contre le dérèglement climatique.
BNP Paribas à la traine
En conclusion, la politique de BNP Paribas ne couvre donc automatiquement ni des acteurs exposés au charbon à plus de 60, 70, voire 90% – contrairement à un nombre significatif d’acteurs financiers qui ont exclu de leurs soutiens les entreprises exposées à plus de 30% – ni ceux qui investissent toujours dans le charbon, notamment en y développant de nouvelles centrales.
BNP Paribas leader ? Pour cela, la banque ferait bien de s’inspirer d’ABN Amro qui a exclu de ses financements tous les développeurs de charbon et d’ING qui s’est engagé à ne plus soutenir des acteurs exposés à plus de 5% au charbon d’ici 2025.