victoire contre la pollution de l’air : l’Etat condamné à 10 millions d’euros
L’État vient d'être contraint de payer une astreinte historique de 10 millions d’euros pour le non-respect des normes européennes sur la pollution de l'air.
Le Conseil d’État vient de punir le désengagement continu du gouvernement sur la question de la pollution de l’air, le condamnant à une astreinte financière historique de 10 millions d’euros alors que le gouvernement ne respecte toujours pas les normes de qualité de l’air dans plusieurs agglomérations. Cela intervient après des années d’une procédure judiciaire qui avait été initiée par les Amis de la Terre. Cette astreinte est provisoire, c’est- à- dire que le gouvernement sera condamné tous les 6 mois à la payer jusqu’à ce qu’il respecte enfin les normes européennes de pollution de l’air.
10 millions d’euros : une astreinte historique
Le verdict vient de tomber. 1 La juridiction administrative suprême punit d’un montant historique l’inaction répétée et continue de l’État en matière de pollution de l’air, en lui imposant une astreinte de 10 millions d’euros, qui sera réévaluée tous les 6 mois en fonction des niveaux de pollution de l’air constatés dans les cinq zones concernées (Grenoble, Lyon, Paris, Toulouse Midi-Pyrénées et Aix-Marseille)
1 an après une condamnation historique, c’est l’heure des comptes
Cette décision fait suite à celle rendue par le Conseil d’État le 10 juillet 2020, dans laquelle il avait donné 6 mois à l’État pour respecter ses obligations sur la pollution de l’air (l’État avait déjà été condamné pour son inaction en 2017), sous peine d’avoir à payer une astreinte historique de 10 millions d’euros par semestre de retard. Un an plus tard, rien n’a changé, malgré nos alertes répétées en janvier et mars 2021.
Décision historique pour déni répété
Il s’agit d’une nouvelle jurisprudence historique. Le Conseil d’État donne encore raison à la société civile. La juridiction administrative suprême invente une solution originale pour maintenir la pression sur le Gouvernement tout en préservant les deniers publics.
Les arguments et informations supplémentaires fournis par la Ministre de la Transition Écologique en défense n’ont pas convaincu, et pour cause : le gouvernement n’a toujours pas pris la mesure des politiques structurantes à mettre en place pour lutter contre la pollution de l’air, comme en témoigne encore récemment le manque d’ambition de la loi Climat et Résilience sur ce sujet. Même si une baisse de la pollution de l’air a pu être enregistrée dans certaines villes concernées en 2020, le Conseil d’État a explicitement noté que l’État n’avait pas su prouver que cela était le fruit de politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air et non le résultat des limitations d’activités et de déplacements liés à la crise sanitaire et au(x) confinement(s).
Le déni du gouvernement sur son inaction n’a donc pas dupé les conseillers d’État, qui nous ont donné raison : nous n’avons plus le temps d’attendre d’énièmes dérobades de l’État sur un sujet si important. Si la santé publique, les alertes des spécialistes et les multiples condamnations judiciaires ne suffisent pas à le faire agir, peut-être qu’une astreinte importante aura l’effet attendu ? Il est tout de même hautement regrettable de devoir en arriver à mobiliser autant d’argent public, en temps de crise, pour espérer faire réagir nos gouvernants, qui ont fui leurs responsabilités en matière de santé publique durant des années.
Une astreinte inégalée
Les associations à l’origine du recours saluent le montant de cette astreinte, à la hauteur des enjeux de santé publique, ainsi que la cohérence du Conseil d’État, qui maintient sa condamnation. Il s’agit de la plus grosse amende jamais ordonnée par le juge administratif. C’est un symbole fort contre l’inaction étatique.
Les associations se réjouissent surtout du fait que la liquidation de l’astreinte se poursuive dans le temps : l’État devra payer tous les 6 mois2 jusqu’à ce que la décision du 12 juillet 2017 soit pleinement mise en œuvre.3 Dans cette décision, obtenue suite à un recours porté par les Amis de la Terre France, le Conseil d’État ordonnait à la France de se mettre en conformité avec les normes européennes relatives à la pollution de l’air. En d’autres termes, l’État n’aura d’autre choix que de mettre rapidement en place des mesures pour faire baisser significativement les taux de pollution atmosphérique dans les zones concernées, s’il ne veut pas payer régulièrement cette astreinte élevée.
L’astreinte devra être partagée entre plusieurs bénéficiaires,4 qui sont des établissements publics ou des structures agréées de surveillance de la qualité de l’air dans les zones concernées. Nous espérons que ces sommes seront pleinement mobilisées pour la mise en place effective de politiques publiques structurantes sur la pollution de l’air. Un pour cent de cette astreinte sera également attribué aux Amis de la Terre France, qui avait initialement saisi le Conseil d’Etat.
Des défaillances étatiques graves et répétées
Cette décision est pleinement justifiée : l’État, pourtant condamné à plusieurs reprises au niveau européen et français, n’a pas mis en place les politiques nécessaires à la baisse de la pollution de l’air dans les grandes villes concernées.
Le dernier exemple en date : la Loi Climat et Résilience. En effet, lors des débats au Parlement, à l’exception de quelques avancées sur la mise en œuvre des zones à faibles émissions (ZFE), le Gouvernement s’est opposé à la majorité des mesures proposées par les citoyens de la Convention Citoyenne pour le climat qui auraient pu permettre d’améliorer la qualité de l’air en limitant le trafic routier et en développant les alternatives moins polluantes telles que le train, le fret ferroviaire ou encore le vélo.5
Par ailleurs le gouvernement est également dans le collimateur de la Commission européenne pour le non respect des normes européennes en matière de qualité de l’air, qui a été jusqu’à porter un recours contre la France devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, notant qu’elle dépassait de manière systématique et persistante la valeur limite journalière pour les particules fines (PM10).
La justice en action
Cette victoire pour la qualité de l’air et le climat prouve une chose : l’immobilisme de l’État n’est plus sans conséquences et ce dernier doit rendre des comptes pour ne pas avoir respecté ses obligations durant des années. Elle s’inscrit dans la lignée des décisions dans lesquelles les juridictions administratives contraignent l’État à agir pour respecter ses engagements climatiques, comme dans l’affaire Grande Synthe ou « l’Affaire du siècle ».
La France n’a désormais plus le choix et doit agir vite. Nous continuerons ensemble à être vigilant· e· s afin que l’État agisse enfin à la hauteur de ses responsabilités.
Liquidation provisoire : l’État devra payer l’astreinte tous les six mois jusqu’à temps que la décision du 12 juillet 2017 soit respectée. La prochaine échéance étant le 11 janvier 2022.
Liste des bénéficiaires : l’ADEME, le CEREMA, l’ANSES, l’INERIS, AIRPARIF, ATMO AUVERGNE RHONE-ALPES, ATMO OCCITANIE et ATMO SUD.
Voir l’analyse du Réseau Action Climat.