Poulets, boeuf, porc, OGM : ce que vous cuisine le TAFTA !
Le partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TAFTA ou TTIP) est un énorme traité en cours de négociation entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Ses conséquences sur nos normes alimentaires pourraient être particulièrement désastreuses.
Les poulets à la javel
Aux Etats-Unis, les viandes de poulet, dinde, porc ou autre sont régulièrement nettoyées ou traitées avec des désinfectants. Ce qu’on appelle outre-Atlantique, les « traitements pour la réduction des agents pathogènes » (comme les solutions extrêmement chlorées ou les lavages acides), sont supposés réduire la présence de bactéries dangereuses. Mais ces pratiques pourraient en fait permettre de dissimuler tout au long de la chaîne alimentaire, des normes d’hygiène défaillantes, la viande n’étant désinfectée qu’en bout de chaîne, juste avant la vente.
L’Union européenne a interdit la plupart de ces pratiques depuis 1997 : seule l’eau est autorisée pour le rinçage. L’Europe privilégie une approche préventive, en s’assurant que les normes d’hygiène restent très élevées tout au long de la production alimentaire, « de la ferme à la fourchette ».
L’Union européenne affirme qu’elle ne cèdera pas aux pressions qu’exercent les Etats-Unis pour que les normes de sécurité alimentaires de l’UE soient revues à la baisse. Pourtant la Commission européenne a déjà – et à plusieurs reprises – essayé d’imposer l’autorisation de désinfectants (les gouvernement nationaux repoussèrent ces tentatives). Actuellement, la Commission avance ses pions pour que l’Europe autorise comme premier rinçage désinfectant pour poulet en Europe, l’acide péroxyacétique.
Les « traitements pour la réduction des agents pathogènes » sont une mauvaise chose pour les consommateurs. Au lieu de compter sur des désinfectants chimiques à la fin de la chaîne de production, les bonnes pratiques d’hygiène sur la ferme, sont un moyen beaucoup plus efficace de protéger les consommateurs, les employés agricoles contre des problèmes alimentaires comme la salmonelle ou le campylobacter.
Bœuf aux hormones
Aux Etats-Unis, les bovins reçoivent régulièrement des hormones stéroïdiennes afin de favoriser la croissance avant l’abattage.
L’utilisation d’hormones – œstrogène, progestérone, testostérone et leurs versions synthétiques – est autorisée aux Etats-Unis depuis les années 1950. L’Union européenne a interdit en Europe, la vente de bœuf traité aux hormones depuis 1981, et a confirmé cette interdiction en 2003, en invoquant des craintes pour la santé publique.
L’Union européenne a reconnu que « l’utilisation de facteurs de croissance pour le bétail présente un risque pour la santé des consommateurs », après que les scientifiques de l’Union européenne aient constaté que le fait de manger du bœuf traité aux hormones entraîne des risques de cancer et peut avoir des conséquences sur les systèmes endocrinien et immunologique, des conséquences neurobiologiques ainsi que sur le développement, en particulier chez les enfants.
Il est évident que le cas du bœuf traité aux hormones fait l’objet de discussions dans le cadre du TAFTA/TTIP. En 1996, le gouvernement états-unien soutenu par son puissant agrobusiness, engagea une procédure commerciale internationale de litige pour contester l’interdiction de l’Union européenne. L’American Farm Bureau Federation, un groupe de pression très influent, a déclaré que, dans les négociations sur le TAFTA/TTIP, « il porte toute son attention sur les barrières permanentes à l’exportation de bœuf états-unien… ». Quant à Tom Vilsack, le ministre de l’Agriculture, il rajoutait que « nous allons devoir encore avoir quelques discussions sur la question du bœuf ».
Plus inquiétant encore est l’attitude de l’Union européenne qui propose d’affaiblir les contrôles sur les importations de viande et d’aliments, et de tendre vers des normes internationales qui sont souvent bien moins strictes. Il se pourrait donc que, dans l’avenir, du bœuf et des produits laitiers aux hormones se retrouvent dans nos assiettes. Si le TAFTA/TTIP est conclu, il sera beaucoup plus difficile d’interdire dans les fermes usines, certaines pratiques qui peuvent être néfastes pour notre santé.
Le porc à la ractopamine
La ractopamine est un médicament donné comme facteur de croissance pour favoriser la formation de muscle, aux cochons, aux bovins et aux dindes. Aux Etats-Unis, 80% des porcs reçoivent ce traitement. L’Union européenne, par contre, a interdit son utilisation en 1996, car elle « pouvait être dangereuse pour les consommateurs ». L’Autorité européenne de sécurité des aliments a conclu que l’on ne pouvait exclure des risques pour la santé humaine. Il s’agit là, d’un exemple classique, de ce qu’on appelle le principe de précaution, cette démarche qui fait passer la santé publique avant les intérêts de l’agrobusiness.
La ractopamine est interdite dans 160 pays. Une autre raison est qu’elle [peut avoir des effets cruels sur les animaux,->] car elle provoque chez eux, du stress, de l’hyperactivité, des tremblements, des fractures des membres et même la mort.
L’agrobusiness états-unien affirme qu’il « va continuer à faire pression sur les négociateurs pour que, grâce au TAFTA/TTIP, l’interdiction dans l’Union européenne des porcs à la rectopamine soit enfin levée ». Entre temps, le gouvernement des Etats-Unis se concentre sur cette mesure qu’il considère comme une entrave au commerce qui représente un obstacle majeur pour les exportations de porcs vers l’Union européenne ». Les Etats-Unis se sont donc engagés à forcer l’Union européenne à appliquer des normes internationales moins rigoureuses, ce qui permettrait un certain niveau de ractopamine dans la viande traitée. D’ailleurs, dans son document de négociation, l’Union européenne se prononce en faveur de l’adoption de normes plus souples.
Les OGM non testés
Toutes les lois qui contrôlent la sécurité de nos aliments, qui minimisent les risques pour les humains et la planète, et qui garantissent le choix du consommateur, sont directement menacées, si le TAFTA/TTIP se concrétise.
La production alimentaire européenne et de nombreux règlements l’encadrant sont souvent plus stricts qu’aux Etats-Unis. L’agrobusiness états-unien fait pourtant le forcing pour que ses produits – actuellement interdits sur le marché européen, mais en vente aux Etats-Unis – soient automatiquement autorisés en Europe, grâce au TAFTA/TTIP.
Voici quelques uns des aliments qui posent particulièrement problème et qui pourraient se retrouver dans vos assiettes si un accord sur le TAFTA/TTIP est conclu.
Dans les zones où elles sont cultivées, les plantes génétiquement modifiées entraînent un accroissement massif des volumes de pesticides utilisés (Voir pp. 20-28 du rapport 2009 “Qui tire profit des plantes GM ?”, l’extension des pratiques monoculturales ainsi qu’une augmentation des coûts, tout au long de la chaîne de production alimentaire. Les OGM ont des impacts sociaux, écologiques et économiques graves.
Les citoyens européens ont maintes fois exprimés leur rejet des OGM. Ils ont obtenu de haute lutte, une certaine protection contre l’importation d’aliments ou dans le cas des agriculteurs, de semences qui pourraient être contaminés par des OGM qui n’ont pas été autorisés dans l’Union européenne (ce que l’on appelle la loi sur la « tolérance zéro »). Aux Etats-Unis le maïs, le soja et le colza génétiquement modifiés sont largement cultivés.
Les lobbyistes de l’industrie et les négociateurs des Etats-Unis n’ont cessé de faire pression durant les négociations entre les Etats-Unis et l’Union européenne, pour obtenir un affaiblissement des règlements sur l’importation des OGM. Leur argument ? La « tolérance zéro » est une entrave au commerce et porte préjudice aux exportateurs états-uniens.
Par conséquent, le TAFTA/TTIP pourrait – tout comme son pendant, l’accord commercial avec le Canada – autoriser l’importation de faibles quantités d’aliments et de semences GM qui n’ont été ni autorisés dans l’Union européenne, ni testés pour leur risques pour la santé et l’environnement. En clair, les citoyens et agriculteurs européens ne pourraient plus savoir si les aliments ou les semences qu’ils achètent contiennent des OGM. Les Européens pourraient se retrouver à manger des ingrédients GM non autorisés et qui n’ont subi aucune forme de contrôle de sécurité.
D’une façon générale, les Etats-Unis et leur puissant agrobusiness veulent affaiblir la législation qui encadre les OGM, notamment l’étiquetage. Pour le groupe de pression American Soybean Association « le TAFTA/TTIP doit aborder les mesures centrales de la politique de l’UE en matière de biotechnologies, qui sont discriminatoires contre les importations en provenance des Etats-Unis… D’abord et avant tout, les politiques d’étiquetage et de traçabilité obligatoires pour les produits contenant des ingrédients GM doivent être remplacées ». Le gouvernement des Etats-Unis veut que l’Union européenne accepte un processus d’autorisation plus rapide pour les plantes GM et élimine les différentes « entraves aux commerce » qui limitent les importations de plantes GM vers l’Europe.
En conclusion
En dépit des assurances répétées de la part des responsables politiques, il est évident que le TAFTA/TTIP est en train de brader nos protections, la protection de la nature et les possibilités d’une production agricole et alimentaire, locale et durable. Ni l’utilisation des OGM ni la multiplication des fermes usines pour produire de la viande ne sont durables et nous sommes très inquiets sur les conséquences que le TAFTA/TTIP pourrait avoir sur les ouvriers agricoles, la liberté de choix des consommateurs ainsi que pour notre santé et l’environnement.
Les Amis de la Terre, en Europe et en France, travaillent avec d’autres organisations pour obtenir un meilleur système de production alimentaire qui respecte plus l’environnement, fasse passer les Humains avant les profits et garantisse à tous, un accès équitable à des aliments sains et équitablement produits. Nous refusons que le TAFTA/TTIP ouvre en grand les portes pour laisser rentrer toujours plus de produits de fermes usines et des OGM.