Pour un droit de l’urbanisme soutenable
Les Amis de la Terre proposent un changement total de perspective pour faire des règles d'urbanisme, un outil au service de sociétés soutenables.
Cela commence par une plus grande fermeté dans
l’application des règles existantes. Les régularisations de
constructions illégales vont par exemple bon train sur la
Côte d’azur. Appliquer intégralement les lois « littoral » et
« montagne » est un pré-requis pour ces zones à la fois
sensibles et soumises à une forte pression.
Objectifs contradictoires
Le droit de l’urbanisme est au coeur de toutes les
contradictions. On lui assigne des objectifs contradictoires
tels que le développement économique et la protection des
espaces naturels. Faire face à des enjeux inédits commande de
hiérarchiser ces objectifs et d’assigner à ce droit un objectif de
soutenabilité. Il s’agit d’abord de stopper les effets dévastateurs
de l’étalement urbain. Prédateur du foncier agricole, il favorise
aussi l’usage de la voiture individuelle. Un moratoire sur
l’urbanisation de nouvelles zones recentrerait l’urbanisme sur
le renouvellement et la densification urbaine. Il est par ailleurs
illusoire de construire un modèle de société soutenable en
raisonnant selon le schéma de la maison individuelle, même
insérée dans un éco-quartier. L’espace concédé à l’automobile
devrait aussi être réaffecté à l’habitat. Tout cela passe
inévitablement par des règles nouvelles qui reviendraient
à limiter le pouvoir des élus locaux en matière de planification
urbaine.
L’état actuel du droit des autorisations d’urbanisme et du
droit de la construction ne peut générer que de l’indignation.
Aujourd’hui, un permis de construire peut être refusé pour des
motifs liés à l’esthétique, au paysage (R. 111-21 du Code de
l’urbanisme). Par contre, un refus de permis fondé sur la mauvaise
orientation climatique de la construction serait illégal. Au
contraire, la pose de panneaux solaires est parfois considérée
comme une atteinte aux paysages ! Le droit de l’urbanisme
ignore les engagements de la France au titre du Protocole de
Kyoto. Il serait possible d’imposer aux constructions nouvelles
un niveau minimal d’isolation. Pourquoi ne pas copier nos
voisins catalans en intégrant la présence d’énergies renouvelables
dans les conditions d’obtention du permis de construire ?
Démocratie incapable de changements ?
Certaines constructions écologiques légères devraient
pouvoir trouver leur place dans les règles d’urbanisme. Par
exemple, les yourtes accompagnées d’une activité agricole,
compte tenu de leur neutralité écologique, devraient pouvoir
être autorisées y compris en dehors des zones urbanisées.
In fine, ces propositions, irréalistes pour certains, portent
en elles la question plus large de la capacité de la démocratie
à changer radicalement la société vers la soutenabilité ou la
décroissance. Par exemple, quels élus locaux, produits de la
démocratie représentative, accepteraient la fin de l’étalement
urbain, source de leur petit pouvoir de délivrance de bons à
construire ? Quels citoyens accepteraient une règle limitant le
nombre de mètres carrés par personne ? Ces mesures constituent
des atteintes substantielles à la liberté, mais sont pourtant
de plus en plus incontournables ! Cela bouleverse totalement
nos réflexes démocratiques habituels. Mais rien n’est
impossible. Ainsi, certaines procédures participatives telles
que les conférences de citoyens, insuffisamment utilisées
en France, ont montré que des citoyens, « bien éclairés »
sont prêts à prendre des décisions radicales, parfois bien
plus que nos élus. La décroissance ne se fera pas sans une
nouvelle pensée de la démocratie, ou alors, au mépris des
droits humains.