Pour une régionalisation énergétique
Organiser l'autonomie énergétique locale et garantir des services aux personnes est indispensable pour sortir de la logique productiviste et centralisatrice.
Adopter une politique écologique de l’énergie tout en assurant des conditions de vie dignes à tous oblige à revoir de fond en comble l’organisation sociale en appliquant en plein les principes de sobriété, d’efficacité et d’utilisation maximale des renouvelables, c’est-à-dire ce que refuse une organisation fondamentalement conçue pour susciter la hausse de la demande.
La plupart des citoyens imaginent mal les conséquences concrètes de la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France entre 1990 et 2050, ce qui correspond à la recommandation minimale du GIEC. Cet objectif a pourtant été inscrit dans la loi POPE de juillet 2005 et dans l’article 2 du projet de loi Grenelle 1, actuellement discutée par le Parlement. Les Amis de la Terre y ajoutent naturellement l’impératif d’une sortie urgente du nucléaire, excluant le renouvellement du parc, en raison des risques inacceptables que cette technologie fait peser sur les populations.
Planifier la décroissance énergétique
Il faudra pour cela doter les institutions nationales et européennes de réels outils de planification de la décroissance énergétique au lieu de s’en remettre uniquement au marché, qui ne cesse de démontrer son incapacité à anticiper et à organiser les décisions en fonction de l’intérêt collectif. Cette planification devra répartir les efforts entre l’agriculture, l’industrie, les transports, le tertiaire et la consommation des ménages (seuls bénéficiaires des obligations de service public) qui représente un tiers de la consommation énergétique finale française.
La refonte du système énergétique doit respecter deux contraintes majeures. D’une part l’énergie voyage mal hormis sous ses formes fossiles (pétrole, charbon, gaz et uranium) qui sont précisément celles auxquelles il faut restreindre le recours. Par ailleurs, les énergies à utiliser dépendent largement des potentialités locales et les rendements varient énormément selon les usages. Il conviendra d’opter ici pour le bois, là pour la géothermie, là-bas pour le solaire thermique, etc. Il faut donc relocaliser le plus possible et mixer les productions.
D’autre part, afin d’éviter les pertes en ligne et de rendement, l’électricité doit être réservée à ses usages les plus spécifiques : télécommunications, électroménager, éclairage. Les autres formes d’énergie, renouvelable, doivent être utilisées sobrement et affectés aux usages prioritaires (cuisine, eau chaude sanitaire, chauffage).
Des collectivités compétentes et des services de base
Le service public doit dépasser la simple garantie d’accès et assurer aux citoyens un accès à des services énergétiques finaux de base (éclairage, chauffage et moyens de cuisson) définis démocratiquement. Des tarifs progressifs devront être mis en place, afin de ne pas pénaliser les consommateurs modestes et inciter tous les usagers à maitriser leur consommation.
Les collectivités seraient directement chargées de la mise en œuvre, ce qui ne représente juridiquement qu’une évolution (certes majeure) de la situation actuelle. Celles-ci, le plus souvent associées, auraient alors intérêt à investir et à économiser l’énergie, ce qui représenterait une opportunité considérable pour les activités locales organisées sous forme de régies, de coopératives, d’entreprises locales indépendantes, etc.
Cette réorganisation des productions et des consommations énergétiques devra assurer l’autonomie à l’échelle régionale avec l’objectif d’exploiter au mieux les renouvelables disponibles des territoires. Outre sa fonction de planificateur et de régulateur (préservation des biens communs), l’Etat aurait alors la responsabilité de la péréquation tarifaire interterritoriale et de la répartition des dotations permettant de rééquilibrer les inégalités naturelles et historiques.
Ce type d’organisation permettrait d’assurer les usages socialement utiles et une exploitation écologiquement viable de l’énergie.
Le Conseil fédéral des Amis de la Terre
Cet article a été publié dans la Baleine 157, mars 2009.