Site d'extraction de gaz fossile en Pennsylvanie
Site d'extraction de gaz fossile en Pennsylvanie. Crédit : The Downstream project
Climat-Énergie
26 avril 2022

Pourquoi le gaz de schiste n’est pas une solution viable

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a plongé l’Europe dans une crise énergétique majeure. Face à la flambée des prix de l’énergie et au besoin de se libérer de leur dépendance aux énergies fossiles russes, les pays européens se tournent vers d’autres sources d’approvisionnement polluantes, notamment le gaz de schiste américain.

Le gaz de schiste, ou l’illusion de s’affranchir du gaz russe

Dans les deux derniers mois, le modèle énergétique de nombreux pays européens dépendants des énergies fossiles et tout particulièrement de celles en provenance de la Russie a été bouleversé. La Russie représente 40 % du gaz consommé par l’Union européenne1, un marché clé pour le Kremlin. Chaque jour, ce sont près de 750 millions d’euros que l’Union européenne verse à la Russie pour s’approvisionner en énergie2. Fermer ces vannes de gaz russe et de financements au profit du régime de Poutine s’est donc imposé dès les premiers jours de la guerre comme une urgence en Europe.

Au lieu de saisir cette opportunité pour marquer une première étape vers la sortie définitive des énergies fossiles qui doit s’imposer d’ici 2035 en Europe afin de limiter le réchauffement global à +1,5°C, les gouvernements et les groupes industriels français et européens se tournent vers une nouvelle dépendance, au gaz de schiste américain cette fois-ci :

  • L’Union européenne a négocié des accords avec les États-Unis pour augmenter la quantité de gaz naturel liquéfié importé. Elle investit également massivement dans de nouvelles infrastructures gazières pour augmenter ses capacités d’importation. La France ne fait pas exception et projette de construire un terminal flottant dans le port du Havre, un projet soutenu par le gouvernement, Total et Engie3.
  • Engie a prolongé son contrat d’importation avec Cheniere Energy, spécialiste du gaz naturel liquéfié. Début mars, la durée de ce contrat est ainsi passée de 11 à 20 ans et les quantités importées ont été revues à la hausse4.

Nous rappelons que si le gaz de schiste est régulièrement présenté comme une « énergie de transition », le développement de son exploitation représente une catastrophe écologique. Explications.

Gaz de schiste & fracturation hydraulique

Le gaz de schiste est un gaz fossile retenu dans des roches argileuses ou marneuses, enfouies généralement entre 1500 et 3000 mètres de profondeur. Pour l’en extraire, il faut fracturer cette roche, à l’aide d’un procédé nommé « fracturation hydraulique ». Ce procédé est une technique d’extraction de gaz fossile, qui consiste à injecter un liquide à haute pression contenant des produits chimiques, pour fissurer une roche et la rendre perméable. Ce procédé, extrêmement polluant, est interdit en France depuis 2011.

Un impact environnemental comparable aux autres énergies fossiles

L’extraction de gaz de schiste par fracturation hydraulique est responsable de la libération dans l’atmosphère de quantités importantes de méthane, un gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement bien plus puissant que le dioxyde de carbone. En cause, les fuites lors des opérations d’extraction et du transport du gaz.

Impacts environnementaux du méthane. Crédit : Reporterre
Impacts environnementaux du méthane. Crédit : Reporterre

Les conséquences environnementales sont dramatiques. L’exploitation intense du bassin permien, plus grand gisement de pétrole et de gaz des États-Unis, pourrait consommer, d’ici 2050, 10% du budget carbone mondial disponible dans le scénario de limitation du réchauffement à 1,5 degré5.

La technique de fracturation hydraulique est également grande consommatrice d’eau. La fracturation de la roche nécessite en effet l’injection de millions de litres qui ne sont pas toujours traités6. Ainsi, l’agence américaine de protection de l’environnement prévient que le mélange liquide injecté lors de la fracturation hydraulique contient des polluants susceptibles de contaminer les sous-sols et notamment les nappes phréatiques7, entraînant des risques sanitaires considérables.

Les conséquences de l’extraction du gaz de schiste sur les territoires

L’Institut américain de géophysique (USGS) a fait le lien entre la fracturation hydraulique et la hausse significative des risques sismiques dans certaines régions. Cette augmentation est due à la réinjection dans les souterrains des eaux usées récupérées lors du processus d’extraction. Cette réinjection peut provoquer un soulèvement des plaques terrestres à l’origine des secousses sismiques8.
C’est le cas dans l’Oklahoma, qui comporte près de 4500 puits où sont rejetées les eaux usées issues de la fracturation hydraulique. Le nombre de séismes de magnitude 3 ou plus dans cet État du sud des États-Unis est passé de 20 en 2009 à 585 en 20149.

De plus, l’exploitation du gaz de schiste nécessite de forer un grand nombre de puits qui dénaturent le paysage et ont un impact non-négligeable sur la biodiversité locale10Ces infrastructures nécessaires à l’extraction et au transport du gaz de schiste sont construites au détriment des populations locales et de leurs avis qui sont dans la plupart des cas complètement ignorés.

Site de forage dans le Wyoming, États-Unis. Crédit : Bruce Gordon, EcoFlight
Site de forage dans le Wyoming, États-Unis. Crédit : Bruce Gordon, EcoFlight

Un frein à la transition énergétique

Les investissements et contrats d’achat pour développer le gaz de schiste sont des investissements de long-terme, qui nous enferment dans notre dépendance aux énergies fossiles. En témoigne le contrat d’importation de gaz de schiste d’Engie qui a été rallongé de neuf ans.
Alors que le GIEC nous prévient qu’il ne nous reste que peu de temps pour contenir les dégâts causés par l’activité humaine11, ces choix politiques ne constituent rien de moins qu’un retour en arrière dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour répondre au défi vital auquel nous faisons face, nous n’avons d’autre choix que de développer les énergies renouvelables et utiliser les ressources énergétiques avec sobriété et efficacité.