Lucie Pinson - mégaphone - COP21
Climat-ÉnergieFinance
16 décembre 2020

Prix Goldman : la chasse aux financements fossiles récompensée

Lucie Pinson, ancienne chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France, et actuelle directrice de notre association affiliée Reclaim Finance, a été récompensée pour son combat contre les soutiens de la finance aux énergies fossiles en recevant le prix Goldman

Lucie a entamé son combat contre les financements aux énergies fossiles au sein de l’équipe des Amis de la Terre France, en tant que chargée de campagne finance privée de 2013 et 2017. Les Amis de la Terre, mobilisés depuis les années 1990 sur les institutions financières publiques, avaient lancé une campagne visant les acteurs financiers privés en 2007 avec un objectif : lutter contre des projet nocifs pour les droits humains et l’environnement, en luttant contre leurs financements.

Lucie a eu à cœur de s’attaquer plus particulièrement au charbon. Les campagnes coordonnées au sein de la fédération des Amis de la Terre et avec ses partenaires, puis en lien avec les coalitions internationales Beyond Coal et Unfriend Coal, et aujourd’hui menées avec Reclaim Finance, ont poussé des dizaines de groupes financiers en France et dans le monde à s’engager vers un sortie de cette industrie fossile des plus toxiques. 

La campagne finance privée : rétrospective

1996

Les Amis de la Terre France ont identifié la finance comme l’un des leviers incontournables sur lequel faire pression pour garantir la transformation de notre système vers des société soutenables. En ligne de mire : les institutions financières publiques comme la Banque mondiale, la Coface (qui octroyait les garanties publiques à l’exportation avant la création de la Banque publique d’investissement) puis la Banque européenne qui soutenaient des projets destructeurs avec de l’argent public, souvent au nom du développement ou de la lutte contre la pauvreté. Avec nos partenaires internationaux, nous nous sommes ainsi mobilisés contre le financement de grands barrages notamment en Asie (Nam Theun 2, Ilisu), d’oléoducs géants comme le projet Tchad-Cameroun ou l’oléoduc “BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), ou plus généralement contre le soutien aux projets extractifs en Afrique (campagne “l’Europe mine l’Afrique”).

2007

Les Amis de la Terre France lancent leur première campagne contre les financements privés aux énergies fossiles : “Banques françaises, banques fossiles ?”. À l’époque, nous étions précurseurs en France en allant pointer pour la première fois du doigt la responsabilité des banques privées vis-à-vis des impacts de leurs financements et investissements sur les droits humains, l’environnement et le climat. 

Cette campagne vise d’abord tous azimuts les secteurs nocifs financés par les grandes banques françaises : énergies fossiles, mais aussi grands barrages, nucléaire, spéculation sur les denrées alimentaires, déforestation et même armement. Nous obtenons l’abandon du financement de plusieurs projets. L’association enquête aussi sur les responsabilités des grandes assurances avec un premier rapport en 2008 “Assurances françaises : changements climatiques garantis ?”.

Alliant une solide expertise à des actions d’interpellation originales devant les sièges des banques ou lors de leurs assemblées générales annuelles, les Amis de la Terre France deviennent rapidement des acteurs incontournables sur le sujet, que les acteurs financiers ne peuvent plus ignorer.

BNP Paribas irresponsable

2014

Un recentrage de la campagne s’opère sur la problématiques des énergies fossiles, et en particulier le charbon dans un premier temps. En juin 2014, dans le cadre de la campagne de mobilisation “Alpha Coal”, Société Générale plie sous la pression des militant·es des Amis de la Terre, d’Attac et de Bizi !. La banque se retire du projet Alpha Coal, une gigantesque mine de charbon en Australie. Elle est rapidement suivie par ses grandes concurrentes françaises, qui s’engagent toutes à ne pas soutenir le développement du bassin minier de Galilée.

Stop Alpha Coal - Société Générale

2017

Après les premières victoires sur le charbon, un nouveau front de lutte s’ouvre contre le financement par les acteurs financiers français des sables bitumineux et hydrocarbures de schiste nord-américains. C’est notamment BNP Paribas qui est à l’honneur, puisque la banque joue un rôle clé dans le développement d’un projet de terminal d’exportation de gaz de schiste dans la vallée du Rio Grande à l’extrême sud du Texas. Celle-ci a finalement abandonné son soutien : une victoire majeure pour le climat !

Le combat continue !

Société Générale elle aussi, apporte un soutien massif à ces projets destructeurs, et en particulier au méga-projet d’exportation de gaz de schiste Rio Grande LNG. C’est dans le cadre de cette campagne qu’avec ANV-COP 21, nous avons notamment lancé une opération de nettoyage généralisée de la banque, mobilisant des centaines d’activistes sur le territoire et à l’occasion d’une action de masse à l’agence centrale de la banque à Paris en décembre 2018.

Des méthodes d’actions innovantes pour des victoires à la clé

La campagne finance privée, emblématique du combat des Amis de la Terre pour des société soutenables, est une occasion renouvelée de mettre à l’épreuve du réél des stratégies d’actions innovantes : débouler aux assemblées générales des grandes banques françaises, faucher des chaises ou faire le ménage dans des agences bancaires, construire des pipelines dans des banques, bloquer leurs sièges à la défense…

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© Guénolé Le Gal

Le combat continue

Plus que jamais, la mobilisation pour que la finance cesse d’alimenter le chaos climatique est d’actualité ! Elle est encore et toujours un levier puissant et inévitable de notre combat pour la justice sociale et climatique, quand la finance française persiste à alimenter au quatre coins du monde l’expansion des énergies fossiles. 

Toutes ces années à dénoncer la responsabilité des grandes banques françaises et leur manque d’action patent malgré les alertes répétées des scientifiques nous ont prouvé une chose : nous n’avons plus le temps d’attendre des banques, véritables pyromanes, qu’elles éteignent d’elles-mêmes l’incendie. Nos campagnes ont permis de remporter des victoires majeures : éveillant les consciences sur la puissance néfaste de l’industrie financière ; empêchant des financements sales d’avoir lieu et des projets toxiques de sortir de terre ; poussant les banques, assureurs et investisseurs à se doter de politiques internes pour encadrer leurs activités dans des secteurs à hauts risques… Mais face au péril climatique, ces engagements sont malheureusement trop insuffisants, trop lents, et n’ont qu’un caractère volontaire. La finance privée ne renoncera pas à ses profits pour préserver les conditions de vie sur Terre si elles n’y sont pas contraintes. Notre combat pour l’arrêt des financements aux énergies fossiles, c’est aujourd’hui avant tout faire que l’Etat joue son rôle de régulateur vis-à-vis des ces pollueurs.