Edito : Reconversions
Les questions posées par le modèle agricole rejoignent celles soulevées par les problèmes climatiques, économiques et sociaux. Notre modèle de société n’est pas soutenable. Il nous conduit à une situation jamais connue dans l’histoire et pose l’urgence de la reconnaissance des limites de notre biosphère.
Le complexe agro-industriel impose une agriculture dite conventionnelle détruisant le support même qui lui permet d’exister tout en voulant supprimer le rôle millénaire assuré par les paysan·ne·s. À défaut d’être nourricière, l’agriculture actuelle poursuit sa fuite en avant en voulant maintenant remplir les réservoirs des voitures et autres avions avec ses productions au nom d’une sacro-sainte rentabilité.
L’agriculture industrielle, seul modèle défendu par nos dirigeant·e·s au-delà de quelques opérations de communication, cherche à éradiquer la paysannerie. Les paysan·ne·s sont en danger et avec eux, notre planète, notre biodiversité et notre climat. Une approche radicalo-pragmatique nous conduit directement à la question de la reconversion. Comment changer le système pour mettre l’humain et la nature au coeur de nos sociétés ? Comment retrouver nos valeurs face à la force du pouvoir économique ?
De nombreux obstacles s’opposent à la nécessité de changement de paradigme. Sans autre choix, nous sommes obligés d’affronter ces réalités et devons nous organiser pour répondre à ces enjeux de survie. Les solutions existent ; nous les connaissons et devons permettre leur généralisation. Ce simple fait nous donne l’énergie de nous battre et de ne pas nous résoudre à ne réfléchir les changements qu’au niveau individuel. Tant qu’on a l’impression qu’un problème est insoluble, il est facile de se décourager. Or, nous savons que les réponses sont simples.
Les réformes en cours dans notre pays nous démontrent que les espaces de concertation mis en avant à grands coups de communication ne sont là que pour permettre de plus grands espaces de discussion bilatéraux aux lobbies industriels en détournant le regard des autres. Pourtant nous devons en être, car il y a aussi des batailles défensives à gagner. Nous nous devons aussi de porter cette voie discordante à tous les niveaux possibles tant que certaines limites ne sont pas franchies.
La question des reconversions lie directement les enjeux sociaux aux enjeux environnementaux. Nous parlons de transition juste, car c’est ensemble qu’il faut repenser le modèle social. Il n’y a pas de travail sur une planète morte. Nous ne pouvons ignorer les effets des reconversions sur le travail et l’emploi. Le système en place, fondé sur les inégalités crée lui-même les intérêts de certain·e·s à conserver leur domination sur d’autres.
Ces éléments nous amènent à réfléchir de manière plus large et à questionner aussi la place du travail dans la société, notre façon d’habiter le territoire, de produire et de consommer. Partons des constats scientifiques et posons les buts à atteindre comme base de nos réflexions. Nous devons faire coïncider les objectifs à long terme et les confronter aux choix qui sont faits dans le temps court. Ceci est évidemment complexe, car il faut tout revoir et assurer les reconversions nécessaires en adoptant une logique radicalement différente, basée sur la coopération.
Sortons des logiques de financiarisation, d’accaparement des terres et des ressources. Mettre en place une planification écologique nous amène à nous concerter largement et à organiser la sortie. Il ne faut plus opposer emploi et écologie, mais imaginer une suite en symbiose en mettant en place des mécanismes puissants pour permettre le passage des individus d’un secteur à un autre sans laisser de salariés sur le carreau. Ces objectifs socio-écologiques permettent de réfléchir à un cadre de contraintes strictes qui doit avoir l’ambition de placer l’humain et la nature au coeur de notre réflexion et de nos décisions.
Bien évidemment, un changement radical de nos modes de production et de consommation en plaçant les questions écologiques et sociales à la base de la réflexion nécessitera un plus grand volume de travail et sa meilleure répartition entre tou·te·s. De plus, ce sont des emplois de qualité et non-délocalisables qui vont se multiplier et ainsi redonner du sens à la valeur travail. Cette indispensable rupture radicale n’a qu’un seul but : éviter la catastrophe.
C’est en repensant notre rapport à la nature en instaurant d’autres logiques que celles découlant de sa seule exploitation qu’on changera le système en profondeur. De nombreuses raisons de nous réjouir et d’espérer nous animent. C’est à nous de choisir notre destin car c’est bien nous qui avons la main. Il existe tant de signes encourageants d’une humanité qui veut réagir !
Florent Compain, Président des Amis de la Terre France