Shell condamné pour pollution au Nigéria !
En jugeant coupable une filiale de Shell pour la pollution des terres agricoles d’Ikot Ada Udo, dans l’Etat d’Akwa Ibom au Nigeria, un tribunal néerlandais offre une victoire significative pour l’environnement. Ce procès, porté par Milieudefensie (les Amis de la Terre Pays-Bas) et quatre agriculteurs nigérians, est une avancée importante pour l'environnement et pour la population victime depuis les années 1950 du déversement d’une dizaine de millions barils de pétrole.
C’est la première fois que le tribunal néerlandais condamne une filiale de la multinationale Shell à payer une indemnité pour les dommages causés aux agriculteurs. Les Amis de la Terre expriment leur satisfaction avec cette condamnation bien que la cour ait seulement reconnu que l’entreprise n’avait pas pris les mesures nécessaires afin d’éviter les déversements de pétrole causés par des actions de sabotage.
A cet égard, Geert Ritsema de Milieudefensie, estime qu’il est incompréhensible que le tribunal n’ait jugé Shell que sous prétexte de sabotage. Selon elle, le tribunal s’est laissé convaincre par un certain nombre de photos floues et de mauvaises images vidéo. L’association reste donc convaincue que le mauvais entretien a été la cause des déversements. Même dans les cas de déversements d’hydrocarbures liés au sabotage, les Amis de la Terre Pays-Bas estiment que Shell, un géant pétrolier, ne peut pas laisser 7 000 kilomètres d’oléoducs et des centaines d’installations non protégées et non gardées dans une région politiquement instable et économiquement sous-développée.
Pour Geert Ritsema : « Ce verdict est une grande nouvelle pour les habitants d’lkot Ada Udo. Mais ce verdict offre également de l’espoir à d’autres victimes de la pollution environnementale causée par les multinationales ».
Ce cas est unique, car c’est la première fois qu’une filiale d’une multinationale néerlandaise est condamnée pour des dommages environnementaux causés à l’étranger, devant son propre tribunal national. Les plaignants ont exigé que Shell nettoie la pollution causée par les hydrocarbures dans leurs villages, indemnise les agriculteurs pour les dommages subis, et maintienne les oléoducs en meilleur état dans l’avenir.
Cependant, le tribunal juge que dans les cas de Goi et Oruma, la relation avec la maison-mère n’a pas été prouvée.
Geert Ritsema a indiqué que le verdict est une amère déception pour les villageois d’Oruma et Goi, où le tribunal n’a pas décidé de reconnaître Shell responsable des dommages. Mais cette situation peut encore changer car les agriculteurs et l’association feront appel au tribunal, arguant le principe de responsabilité de la Royal Dutch Shell (RDS) en tant que maison-mère.
La raison pour laquelle le tribunal n’a pas décidé de tenir l’entreprise responsable dans ce cas est due au fait que Milieudefensie n’a pas pu prouver que la maison-mère de Shell basée aux Pays-Bas (RDS), détermine les affaires quotidiennes de la filiale nigériane de Shell (SPDC). Cela bien que la maison-mère détienne 100 % des actions de SPDC et que les bénéfices de cette dernière (estimés à 1,8 milliards d’euros par an) soient « rapatriés » aux Pays-Bas.
Néanmoins, en vertu des lois existantes, RDS ne peut pas être tenu responsable pour les dommages causés sur la base de ces seuls faits. Les demandeurs doivent démontrer que les décisions proviennent effectivement du siège aux Pays-Bas. Or, ils font face à un grand obstacle, étant donné que le tribunal n’a pas imposé à Shell d’autoriser l’accès aux documents internes de l’entreprise. Il est donc très difficile de prouver l’action directe que la maison-mère exerce sur sa filiale.
Mise au point de la situation dans l’UE
Concernant le sujet, Paul de Clerck des Amis de la Terre Europe, a déclaré : «De nombreuses entreprises européennes sont impliquées dans des situations similaires à celle de Shell et causent des dommages environnementaux en dehors de l’Europe. Nous voyons une lacune évidente dans la législation européenne. Elle permet aux sociétés mères européennes telles que Royal Dutch Shell d’empocher les bénéfices d’une filiale à l’étranger, mais ces sociétés ne peuvent pas être tenues responsables des dommages qu’elles causent en faisant ces bénéfices. »
Les Amis de la Terre Europe exigent donc que la Commission européenne prenne des mesures pour veiller à ce que les sociétés mères soient automatiquement tenues responsables des actes de leurs filiales à l’étranger (responsabilité mère-filiale). A cet égard, le 6 février 2013, la Commission européenne discutera avec les parties prenantes des mesures qu’elle peut prendre afin de limiter les atteintes aux droits de l’homme et les impacts environnementaux des entreprises.