Soutiens publics aux énergies fossiles : l’heure des actes est enfin arrivée !
Comme l'affirmait le dernier rapport du GIEC en mars 2014, les investissements dans les énergies fossiles conventionnelles doivent baisser de 30 milliards de dollars par an de 2010 à 2029 si nous voulons avoir une chance de limiter la hausse de la température en dessous des 2°C.
La France doit s’engager à mettre un terme à ses soutiens aux énergies fossiles et arrêter immédiatement ceux au charbon, l’énergie la plus carbonée. Plusieurs institutions et pays se sont déjà engagés dans cette voie. La France, qui entend être leader en matière climatique au niveau international, ne peut rester à la traîne au risque d’être demain étiquetée comme un pays conservateur comme la Pologne ou le Japon.
Fin des soutiens publics aux énergies fossiles : des déclarations en faveur du climat. A quand des actes ?
Si les soutiens publics aux énergies fossiles sont contestés par les ONG depuis des années, ils sont également reconnus comme problématiques par les gouvernements des pays développés étant donné les objectifs de lutte contre les changements climatiques. Ainsi, le G20 s’engageait déjà en 2009 à mettre un terme aux subventions aux énergies fossiles 1. Leur engagement est pourtant resté lettre morte puisque les subventions aux énergies fossiles n’ont cessé d’augmenter depuis le sommet de Pittsburgh. De 300 milliards de dollars en 2009, elles sont, d’après l’AIE, ainsi passées à 523 milliards de dollars en 2012, soit une augmentation de 74% en 4 ans et demi !
Pourtant, les rapports scientifiques, de l’AIE ou du GIEC, nous appelant à laisser plus des deux tiers des énergies fossiles dans le sol et à réduire massivement les investissements dans les énergies fossiles au risque de ne pouvoir construire que des infrastructures zéro carbone après 2017, se multiplient, rappelant l’urgence à agir. Les élites politiques multiplient leurs appels et déclarations allant dans ce sens.
En octobre 2013, le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, demanda à “chaque gouvernement” de remettre en question leurs soutiens au niveau national et à l’étranger au charbon.
Il fut suivi de la Secrétaire générale de la Convention des Nations-Unies sur le changement climatique, Christiana Figueres, en novembre 2013, demandant de fermer “[toutes les centrales sous-critiques, d’équiper toutes les centrales existantes, même les plus efficientes, d’un mécanisme de capture et de stockage des émission sûr 2, et de laisser la plupart des réserves existantes dans le sol”.
En janvier 2014, au Forum économique mondial à Davos, le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría appela les gouvernements à réformer leurs subventions aux énergies fossiles et à revoir leurs politiques incohérentes et inconsistantes, lesquelles encouragent toutes deux la production et la consommation dangereuses des énergies fossiles.
Cette déclaration a été suivie par celle des chefs d’Etat réunis au Sommet du G7 en juin 2014 où ils ont rappelé leur engagement à mettre un terme aux subventions aux énergies fossiles et à discuter de ces soutiens au niveau de l’OCDE afin d’étudier dans quel mesure les crédits aux exportations pouvaient contribuer à lutter contre les changements climatiques.
Le charbon mis au ban dans un nombre croissant de pays développés
Comme pris d’un sursaut en faveur du climat, certains décideurs politiques additionnent les déclarations en faveur de la fin des soutiens publics au charbon depuis mars 2013.
- En mars 2013, la France annonçait la fin des soutiens de l’AFD, l’agence de développement de la France, au charbon;
- En juin 2013, le Président des Etats-Unis annonçait son plan d’actions climat lequel comprenait un engagement à mettre un terme aux soutiens des Etats-Unis au financement public de nouvelles centrales à charbon à l’étranger, avec quelques exceptions. Cela fut mis en place en octobre au niveau des Banques multilatérales de développement avec une politique d’arrêt total de ces soutiens, puis en décembre au niveau de l’agence états-unienne pour les crédits exports, US Ex-Im. Ce même mois, OPIC, l’agence de financement du développement des Etats-unis, publiait un document de travail pour l’adoption ‘une politique visant à exclure la majorité des centrales à charbon de ses soutiens.
- En juillet 2013, la Banque mondiale a annoncé mettre un terme à ses soutiens au charbon, sauf dans de rares circonstances;
- Cette avancée a été suivie le même mois par la Banque européenne d’investissement, la plus grosse banque multilatérale, qui a adopté un plafond de performance en matière d’émissions – 550 g CO2/kWh pour les centrales à charbon – excluant de fait tous les projets de centrales à charbon sauf celles combinées à à la chaleur ou à biomasse;
- En septembre 2013, les cinq gouvernements des pays nordiques du Danemark, de la Finlande, de la Norvège, de la Suède et l’Islande ont publié une déclaration conjointe avec le gouvernement des États-Unis dans laquelle ils s’engagent à mettre fin à leurs financements au charbon pour les nouvelles centrales à charbon à l’étranger, sauf dans de rares circonstances.
- En novembre, le Royaume-Uni faisait une déclaration similaires incluant les banques multilatérales de développement, et les aides au développement officiel, notamment la CDC, leur organisme de financement du développement.
- En décembre, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement annonçait la fin de ses soutiens au charbon, sauf rares circonstances.
- En mars 2014, le gouvernement néerlandais rejoignait les Etats-Unis et annonçait la fin de tous ses soutiens au développement de nouvelles centrales à charbon via les institutions de financement du développement bilatérales et banques multilatérales de développement.
Analyse
Les Etats-Unis sont le seul pays dans le monde qui s’est engagé à mettre fin à tous ses soutiens financiers publics pour le charbon à l’étranger, un engagement déjà visible 3.
Après avoir été le premier gouvernement à annoncer la fin des soutiens publics au charbon via son agence de financement de développement, la France est aujourd’hui à la traîne.
Sept pays européens ont annoncé publiquement qu’ils ne soutiendraient plus les projets de centrales à charbon à travers les banques multilatérales dans lesquelles ils siègent. AU contraire, la France n’ayant pas pris un tel engagement, elle peut toujours voter pour de tels projets au sein des banques régionales de développement – banque asiatique, inter-américaine et africaine – comme ce fut le cas en décembre dernier à la BASD.
Par ailleurs, si les Etats-Unis sont les seuls à avoir décliner leur position au niveau de leur agence de crédits aux exportations, les Pays-Bas et les cinq pays scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège, Suède, Islande) se sont engagées à promouvoir un plafond limitant les projets de centrales à haute intensité carbone au niveau de l’OCDE. Voir le Rapport du GIEC sur l’atténuation des changements climatiques.
Commentaire: tous les pays ont adopté des politiques qui comportent des exceptions. Vous retrouverez la liste, en anglais, de ces exceptions par institution dans ce document.
La Coface délivre des garanties aux exportations charbon d’Alstom. Bien que ne constituant pas des prêts, ces garanties sont reconnues par l’OMC comme des subventions puisqu’elles permettent à des projets de trouver les financements nécessaires pour aboutir. Voir la définition de « subvention » par l’OMC.
Les mécanismes de capture et le stockage des émissions n’est pas économiquement et techniquement viables aujourd’hui. Voir notre note sur le mythe du charbon propre, également téléchargeable dans la colonne de droite
Les engagements des Etats-Unis à mettre un terme à l’ensemble de leurs soutiens publics au charbon, annoncés dans le plan d’actions pour le climat de Barack Obama en juin 2013, ont déjà pu être confirmés à plusieurs reprises : leur agence de crédit aux exportations, Ex-Im, rejeta dès juillet 2013 un projet de centrale à charbon de 1200 au Vietnam, suivie par leur agence de développement commercial – l’USTDA – qui renonça le même mois à un projet de centrale de 800 MW en Ukraine. En décembre dernier, les Etats-Unis votaient contre un projet de charbon au Pakistan, avec les pays nordiques, au sein de la banque asiatique de développement pour la première fois de leur histoire. Au contraire, la France, qui considère pourtant avoir une position anti-charbon pour ce qui concerne les financements des banques multilatérales de développement, a soutenu ce projet de centrale de 1200 MW à Jamshoro.