Lutte contre la déforestation importée : un bilan en demi-teinte
Le gouvernement publie aujourd'hui sa Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée (SNDI, à télécharger ci-dessous)). Des avancées encore bien insuffisantes pour les Amis de la Terre, qui ont activement participé aux consultations.
Huile de palme, soja, cacao mais aussi bois tropicaux et métaux : de nombreux produits que nous importons peuvent être associés à la déforestation. La France est le premier pays au monde à publier une stratégie pour s’attaquer à ce problème. Écran de fumée ou vraie avancée ?
Le principal point fort de cette stratégie est de proposer une analyse du risque de déforestation par pays et par produit. La création d’une plate-forme ouverte à l’ensemble des acteurs et d’un mécanisme d’alerte qui peut être un outil très efficace comme l’explique Sylvain Angerand , coordinateur des campagnes pour les Amis de la Terre France : « La loi sur le devoir de vigilance oblige désormais les grandes entreprises à publier un plan d’analyse de risque chaque année et à mettre en oeuvre des mesures adéquates pour y répondre. Avec le mécanisme d’alerte créé par cette stratégie, elles ne pourront plus dire ‘on ne savait pas’. Si elles ne modifient pas leurs pratiques, nous n’hésiterons pas à aller en justice ».
Toutefois, les mesures proposées sont encore insuffisantes pour réellement mettre un terme à la déforestation. La SNDI reconnaît que les systèmes de certifications sont encore trop faibles mais elle remet à 2020 l’adoption de nouveaux critères plus ambitieux et plus contraignant. Surtout, elle ne va pas assez loin pour proposer des stratégies permettant de réduire les hauts niveaux de consommation en Europe. Aucune mesure forte pour réduire la surconsommation de viande et aucun engagement clair à en finir avec les agrocarburants de première génération (notamment à base d’huile de palme) alors qu’il s’agit des deux principaux moteurs de la déforestation.
Sylvain Angerand conclut: « Sur le papier, cette nouvelle stratégie est une avancée mais c’est à l’usage que l’on pourra juger de son efficacité ». Le cas de la raffinerie de la Mède qui pourrait faire bondir les importations françaises d’huile de palme de +64% est emblématique des tergiversations actuelles du gouvernement comme l’explique Sylvain Angerand: “Une fois de plus, le gouvernement entretient le flou sur l’avenir de la raffinerie de la Mède. Le gouvernement reconnait que les systèmes de certifications sont insuffisants mais explique qu’il n’y a pas de problème si Total importe de l’huile de palme “durable” alors que cette entreprise refuse toujours de publier son plan d’approvisionnement, sa liste de fournisseurs, s’appuie sur le système de certification le plus faible et qu’elle a été prise la main dans le sac en Belgique pour une utilisation de certificats frauduleux. Le gouvernement explique vouloir agir sur la fiscalité des agrocarburants mais a bloqué à l’Assemblée Nationale l’amendement des députés voulant mettre un terme à l’avantage fiscal pour l’huile de palme: cet amendement reviendra au Sénat et nous verrons bien si le gouvernement se contente encore une fois d’effets d’annonce“.