Total à fond sur l’huile de palme !
Si l’huile de palme quitte peu à peu nos assiettes, elle reste ultra consommée en Europe… Aurait -t-elle trouvé un nouveau débouché ? Oui, près de la moitié de l’huile importée finit maintenant dans le gazole. Mais qui organise dans l’ombre son nouvel avènement ?
Les Amis de la Terre France ont mené l’enquête… Et elle nous a conduit dans le sud de la France sur les traces d’une raffinerie en reconversion : La Mède. Aux manettes, Total en pointe sur cette nouvelle technologie.
La France est sans doute le pays où l’on aime le moins l’huile de palme. En dix ans, ce discret ingrédient est devenu un vrai sujet de société, forçant les industriels de l’agroalimentaire à réagir. En quelques années, la consommation d’huile de palme pour l’alimentation a été divisée par deux.
Pourtant, nous sommes loin d’en avoir fini. À peine chassée de nos frigos, elle s’est glissée dans le réservoir de nos voitures et elle y coule à flots ! Aujourd’hui, près de la moitié de l’huile de palme importée en Europe est incorporée comme « biocarburant » dans le gazole que nous trouvons tous les jours à la pompe.
L’Europe, en obligeant les distributeurs de carburants à incorporer des « biocarburants », pensait offrir un juteux débouché à des agriculteurs en crise. Le calcul était simple : l’huile de palme étant relativement visqueuse, il n’était pas possible de l’utiliser directement dans les moteurs, contrairement à l’huile de colza ou de tournesol produites en Europe. Mais, depuis que les industriels du raffinage ont mis au point une nouvelle technique pour rendre l’huile de palme plus fluide, ce verrou a sauté.
Total reconvertit sa raffinerie de pétrole de la Mède en « bioraffinerie » et entend importer massivement de l’huile de palme
En France, notre champion national, Total, est à la manoeuvre. Près de Martigues, à La Mède, Total est en train de reconvertir sa raffinerie en « bioraffinerie » et assume publiquement vouloir s’alimenter en majorité avec de l’huile de palme importée. La capacité de cette raffinerie : 500 000 tonnes, soit le double de la consommation française d’huile de palme.
Face à cette menace, nous avons interpellé Ségolène Royal le 26 février au salon de l’agriculture. « Faut les bloquer, faut les empêcher… Ils vont pas nous emmerder (…) » nous a-t-elle répondu. Alors, nous sommes bien désolé-e-s d’avoir à « l’emmerder » mais nous laisse-t-elle le choix ? Non… Car c’est elle qui est responsable de cette situation mais peut aussi la changer en prenant officiellement position contre ce projet, en refusant de délivrer les autorisations d’exploitation des raffineries et en enlevant l’huile de palme de la liste des « biocarburants ». Elle en a le pouvoir et elle en a surtout la responsabilité. Pourtant, c’est tout le contraire qui se passe. En décembre 2016, elle est allée à Dunkerque vanter les efforts de Total pour développer les « biocarburants » et fin février, l’État a signé une convention pour les aider à reconvertir
leur raffinerie de La Mède.
Total explique ainsi sur son site Internet que « la bioraffinerie de La Mède permettra de répondre à la demande croissante en biocarburants, et plus particulièrement en biodiesel », car la France prévoit « d’augmenter la part des biocarburants à 15 % en 2030 contre moins de 8 % aujourd’hui ».
C’est l’huile de palme la moins chère et donc pour Total la promesse de profits accrus
Pourquoi un tel recul ? Depuis des années, les rapports s’accumulent pour dénoncer les impacts des biocarburants, et en particulier de l’huile de palme, sur le climat, la biodiversité et sur l’équilibre alimentaire mondial. Cultivé sous forme d’immenses monocultures, le palmier à l’huile est en effet la principale cause de déforestation en Indonésie et en Malaisie, et donc une source majeure de gaz à effet de serre. Total cherche à se dédouaner en prétendant que son huile de palme sera « durable », mais aucun système de certification actuel n’offre de garanties.
Avec ce projet, Total adopte la stratégie qui lui a toujours réussi : miser sur le chantage à l’emploi pour forcer les pouvoirs publics à adopter des politiques en sa faveur. Si l’huile de palme intéresse autant Total, c’est simplement parce que c’est l’huile la moins chère et donc la promesse de profits accrus. Que les pouvoirs publics essaient ensuite de restreindre l’utilisation d’huile de palme, et Total menacera de fermer le site. La seule chance d’éviter de prendre en otage les salarié-e-s à l’avenir, c’est de forcer Total à revoir son plan de reconversion du site industriel de La Mède.
Et pour cela, Madame Royal, il faut fermer les vannes à huile de palme tant qu’il en est encore temps !