L'Europe enlisée dans le gaz - énergies fossiles
Climat-ÉnergieMultinationales
15 mars 2022

Total mis en demeure de quitter la Russie

Les Amis de la Terre France et Greenpeace France mettent aujourd’hui TotalEnergies en demeure de cesser dans les plus brefs délais toute activité dans le secteur pétro-gazier susceptible de financer la guerre menée par la Russie en Ukraine et d’alimenter les violations des droits humains et libertés fondamentales en cours.

En l’absence de mesures urgentes et nécessaires, des actions judiciaires pourraient être engagées, tant au civil qu’au pénal.

Consulter la mise en demeure

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il y a trois semaines, la plupart des majors pétrolières ou gazières ont décidé de se retirer de Russie : BP,  Shell, Equinor,  Exxon Mobil  ou ENI … mais pas Total. Alors que le bilan humain de l’agression russe s’alourdit de jour en jour, la position du pétrolier français est très claire : il ne financera pas de nouveaux projets d’hydrocarbures en Russie, mais pas question de remettre en cause ses projets et intérêts actuels en se retirant du pays. Ce n’est pas une première pour Total, impliqué de manière récurrente dans des pays en proie à des conflits armés ou gouvernés sous des  régimes autoritaires qui s’attaquent aux droits humains (Mozambique, Birmanie, Ouganda, Yemen).

La Russie, une manne financière pour Total

Les intérêts de Total en Russie sont cruciaux dans son modèle économique. La Russie représente pour Total :

  • 17% de sa production mondiale d’hydrocarbures
    30 % de sa production gazière mondiale actuelle (alors qu’Arctic LNG n’a pas commencé à produire)
  • 40% de ses réserves gazières mondiales
  • plus de 50% de ses réserves de gaz à développer dans le futur.

L’explosion des prix du gaz et du pétrole à cause de la guerre ne font qu’augmenter ses profits.

Total est particulièrement proche du groupe gazier russe Novatek, très lié au Kremlin, dont il détient 20% des parts. Gennady Timchenko, l’un des deux principaux oligarques à la tête du groupe Novatek a été ajouté sur les listes de sanctions européennes  et britanniques  à la suite de l’invasion de l’Ukraine 1 . Total est aussi lié à l’entreprise Zarubezhneft, placée également sur la liste des sanctions pour sa proximité et son soutien au Kremlin 2 .

Total possède de nombreuses activités en Russie, qu’il s’agisse de l’extraction de gaz (champs Yamal LNG, Arctic LNG2 et Termokastovoye) ou de pétrole (champs Kyaryaga).

Que ce soit aux côtés de Novatek ou de Zarubezhneft, TotalEnergies se trouve donc désormais impliquée dans des relations d’affaires susceptibles d’alimenter l’acte d’agression de la Russie en Ukraine.

De plus, Total a payé 31 589 000 dollars en taxes et impôts à l’État russe en 2020.

L’invasion de l’Ukraine, déjà un lourd bilan humain

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un acte d’agression en violation flagrante du droit international condamné par l’Organisation des Nations Unies, l’Union Européenne, la Cour pénale internationale et la France.

Le bilan de ce conflit armé est déjà lourd : 1424 victimes civiles en Ukraine : 516 morts et 908 blessés, principalement « en raison de l’utilisation d’armes explosives ayant une large zone d’impact, notamment des tirs d’artillerie lourde et de systèmes de roquettes à lancements multiples, et des frappes aériennes »  3.

Les organisations de défense des droits humains et des journalistes ont également documenté l’utilisation de munitions à fragmentation par les forces russes, ce qui constitue une violation grave du droit international humanitaire. Par ailleurs, la Russie mène une vague de répression sévère avec des atteintes à la liberté d’expression sur son territoire contre toute personne opposée à l’agression.

La responsabilité juridique de Total

En maintenant ces relations d’affaires avec Novatek ainsi que ses investissements dans les différents projets pétro-gaziers en Russie, Total ne peut ignorer qu’elle contribue à financer l’effort de guerre du Kremlin et, partant, les violations des droits humains et des libertés fondamentales associées.

Cette position est manifestement incompatible avec ses obligations de vigilance et de prudence qui commandent à TotalEnergies de prévenir toute atteinte grave aux droits humains et aux libertés fondamentales, que ce soit en France ou à l’étranger.

TotalEnergies n’a plus le choix : si elle ne veut pas contribuer à la politique dévastatrice de Vladimir Poutine, elle doit mettre un terme au plus vite à ses intérêts dans le secteur pétro-gazier russe.

Notes
1

L’ancien PDG de Total, Christophe de Margerie, était très proche de Gennady
Timchenko, et s’était fortement mobilisé contre les sanctions occidentales lors de la dernière
crise ukrainienne en 2014. Voir Les Echos,  Christophe de Margerie, « l’ami » de la Russie , 21 octobre 2014.

2

Evgeniy Murov est le président du Conseil d’administration de Zarubezhneft. Cet ancien directeur du Service Fédéral de Protection (FSO) de 2010 à 2016, Général des armées à la retraite et ancien membre du FSB,  est également placé sur la liste des sanctions américaines depuis 2014.

3

ONU, HCDH, Ukraine : civilian casualty update, 9 mars 2022, disponible sur : https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=28233&LangID=E .