Victoire historique ! Un premier pas dans la régulation de la fast-fashion
Une proposition de loi visant à encadrer la fast-fashion vient d’être adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. C’est un premier pas historique ! Jusqu’à ce que la loi soit définitivement adoptée, il nous faut maintenir la pression pour que le texte ne soit pas vidé de son ambition.
Au fait, c’est quoi le problème avec la fast-fashion ?
Apparue au début des années 2000, la fast-fashion est un modèle de production qui repose sur de très grandes quantités de vêtements produits et vendus à petits prix. Exploitation de la main d’œuvre1, travail des enfants, horaires de travail à rallonge dans des conditions mettant en danger la santé des ouvrières (dans certaines régions du monde, 80% des travailleurs du secteur textile sont des femmes2)… En 2013, le drame du Rana Plaza a mis en lumière la face cachée de la fabrication des vêtements des enseignes Mango, Benetton ou encore Primark.
Rana Plaza, 10 ans après
Plus de 10 ans après le drame du Rana Plaza et alors que 70% des vêtements vendus en France sont fabriqués en Asie du Sud-Est3, le système de fast-fashion et de surproduction contribue toujours activement aux violations des droits humains à l’autre bout du monde et à la dégradation de l’environnement à l’échelle globale (pollution des cours d’eau, rejets de micro-plastiques, usage de pesticides, pollutions liées au transport…).
Le constat est univoque : la mode, qui représente à elle seule 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre4, est l’une des industries les plus polluantes. En France, 3,3 milliards de vêtements sont vendus chaque année5, ce qui correspond à 48 articles neufs par habitant·e… C’est 40% de plus qu’en 2013, et 10 fois plus que ce que nous pouvons nous permettre si nous voulons respecter la trajectoire +1,5°C fixée par l’Accord de Paris.
Nous avons déjà produit assez de vêtements pour habiller la planète jusqu’en 2100 !
Un premier pas historique vers une mode durable
Depuis le lancement de la campagne sur la lutte contre la surproduction dans le secteur textile, les Amis de la Terre mènent un important travail de sensibilisation, de création d’alliances, de production d’expertise et de plaidoyer, pour enfin mettre un terme à la fast-fashion. À l’occasion du Black Friday en novembre 2023, nous avions, avec une coalition de sept autres associations, mené campagne avec un objectif clair : exiger du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qu’il impulse une loi limitant les volumes de production et permettant ainsi de limiter les ravages environnementaux et sociaux de l’industrie de la mode.
Black Friday : et si on mettait un stop à la fast-fashion ?
En février, le groupe politique Horizons a déposé une proposition de loi, consistant à instaurer des pénalités financières pour les marques répondant aux critères définissant la fast-fashion (grandes quantités de modèles mis en vente et rotation fréquente des collections, notamment). Concrètement, là où les enseignes de fast-fashion telles que la marque chinoise Shein ne payent actuellement qu’une pénalité de 0,03€ pour commercialiser leurs produits en France, ce malus pourrait aller jusqu’à 10€ par article. Avec ces pénalités financières, le modèle économique des marques de fast-fashion ne serait plus viable et devrait nécessairement faire place à une mode plus durable et respectueuse des droits des travailleur·ses du secteur textile.
Lors du processus parlementaire à l’Assemblée nationale, nous avons fait face au lobby de Shein et du commerce en ligne pour amoindrir l’ambition de la loi et exclure les places de marché (telles qu’Amazon, Alibaba, Temu) du périmètre d’application de la loi.
Cependant, après un important travail de plaidoyer et un appel à mobilisation pour que les député·es défendent une approche de la loi qui soit la plus contraignante et ambitieuse possible, le texte a finalement été adopté aujourd’hui en première lecture à l’Assemblée nationale !
Ne pas se contenter d’une victoire d’étape
Le parcours législatif est un long processus, et même si le vote d’aujourd’hui est un signal fort et encourageant pour nos combats, nous ne comptons pas en rester là. Dans les prochains mois, la loi sera débattue au Sénat, puis de nouveau à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. L’enjeu est désormais de maintenir la pression pour que la loi ne soit pas vidée de sa substance au fil des débats, et qu’elle remplisse son objectif de lutter efficacement contre la fast-fashion.
Un sujet majeur pour la suite de notre mobilisation sera l’affichage environnemental, indicateur similaire au nutriscore qui est actuellement en place pour évaluer la qualité nutritionnelle des produits alimentaires. L’affichage environnemental étant l’élément clé qui conditionnera les pénalités financières s’appliquant aux marques de fast-fashion, il est essentiel que ses critères soient stricts et ne laissent pas passer entre les mailles du filet des enseignes telles que Zara, H&M, etc, qui font partie intégrante du modèle de fast-fashion et portent donc une lourde responsabilité dans les dégâts environnementaux et les violations des droits humains qui y sont associés.
Pour que la loi remplisse son objectif de sanctionner les marques de fast-fashion, l’affichage environnemental des vêtements devra être le plus strict et contraignant possible. On compte sur les décideurs politiques pour ne pas céder à la pression des lobbies de l’industrie, et voter en faveur de l’émergence d’une mode vraiment durable.
Vous souhaitez soutenir ce combat ?
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Au Bangladesh, le salaire minimum du secteur textile est de 105€ par mois seulement, alors que le salaire minimum vital est estimé à 497€ (d’après le rapport Victimes de la Mode publié par ActionAid, septembre 2022).
Au niveau mondial, 60% des travailleur·ses de l’industrie textile sont des femmes. Ce chiffre passe à 80% dans certaines régions. Chiffres de l’Organisation internationale du travail.
Greenpeace
The impact of textile production and waste on the environment, European Parliament, 15 novembre 2023
Rapport Refashion