Victoire ! Société Générale vient d’annoncer son retrait du projet Rio Grande LNG
C’est avec émotion que nous avons appris ce matin l’annonce officielle du retrait de la banque Société Générale du projet Rio Grande LNG, au Texas. À l’issue d’une campagne des Amis de la Terre lancée en 2017, cette nouvelle est porteuse d’espoir pour le climat, les communautés locales et la biodiversité.
🚨BREAKING 🚨 Après des années de mobilisation de la société civile, @SocieteGenerale annonce s’être enfin retirée du projet ultra controversé de #RioGrandeLNG.
C’est une victoire pour le climat et les droits humains. #StopRioGrandeLNGhttps://t.co/j9eB49aImW pic.twitter.com/yqfQuRdu9h
— Les Amis de la Terre FR (@amisdelaterre) March 28, 2023
Rio Grande LNG, un projet dévastateur
Le gaz de schiste, pire ennemi de l’environnement et du climat
Rio Grande LNG est un méga-projet de terminal d’exportation de gaz fossile américain, celui-ci étant composé à 87% de gaz de schiste, l’une des pires menaces pour l’environnement.
En effet, pour extraire le gaz de schiste, il faut fracturer la roche (technique dite de « fracturation hydraulique ») en injectant à haute pression un liquide contenant des produits chimiques. Cette technique, extrêmement polluante pour les sols et les nappes phréatiques – avec des risques évidents pour la santé des populations –, est interdite en France depuis 2011 (interdiction réaffirmée dans la loi Hulot de 2017).
Par ailleurs, les fuites lors des opérations d’extraction et de transport du gaz libèrent dans l’atmosphère d’immenses quantités de méthane, un gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant dans l’atmosphère bien plus dangereux que le dioxyde de carbone. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Rio Grande LNG, s’il aboutit, portera la responsabilité d’un impact climatique similaire à celui de 50 centrales à charbon 1.
Le gaz liquéfié (GNL), histoire d’une hypocrisie
Si le développement des projets de gaz de schiste est de toute évidence un piège à éviter dans la lutte face au dérèglement climatique, le GNL l’est tout autant. En effet, extraire du gaz de schiste aux États-Unis, le liquéfier, le transporter par cargo puis le re-gazéifier est un processus hautement énergivore. Si nous refusons en France d’extraire du gaz de schiste par fracturation hydraulique, pourquoi achèterions-nous du gaz de schiste acheminé par bateaux venus des États-Unis ? La ruée de l’Europe vers le GNL est symptomatique de la confusion sur les réels impacts environnementaux du gaz. Rappelons-le : le gaz liquéfié (GNL) est bel et bien une énergie fossile, et ne constitue en rien une réponse crédible dans la lutte face à l’emballement climatique.
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Rio Grande LNG, ou le mépris de la biodiversité et des communautés autochtones
Rio Grande LNG est l’archétype des projets inutiles et imposés, et incarne dramatiquement les violations des droits humains associées à l’expansion des énergies fossiles. En effet, le projet est conduit dans un mépris le plus total envers la tribu des Carrizo Comecrudo, dont les terres sont menacées. Ce peuple autochtone n’est pas associé à l’élaboration du projet et n’a bien entendu pas donné son consentement. Une résistance féroce2 s’organise sur place depuis des années, avec en ligne de mire l’abandon du projet et la préservation des terres sacrées de la tribu.
Par ailleurs, le projet est situé au cœur de la réserve naturelle de Laguna Atascosa. La carte des sites prévus pour les terminaux de GNL montre clairement que si le projet sort de terre, il constituera un complexe industriel dans un refuge naturel jusqu’ici préservé. Les écosystèmes alentours sont directement concernés : l’ocelot, une espèce animale en voie de disparition, risquerait d’être mis en péril avec la construction du terminal, du gazoduc et l’arrivée des tankers.
Société Générale aux manettes du financement de Rio Grande LNG
Encore aujourd’hui, et malgré les multiples alertes de la communauté scientifique, le développement des énergies fossiles trouve des banques pour le financer, et Société Générale est une des pires élèves en la matière. En tant que conseiller financier de ce projet de terminal d’exportation de gaz fossile américain, la banque française était en charge de lever les 20 milliards de dollars permettant au projet de voir le jour.
Une campagne historique pour les Amis de la Terre
Depuis le lancement de la campagne, aux côtés d’Action Non-Violente COP21 et Alternatiba Paris, nous avons redoublé d’imagination pour l’organisation d’actions de désobéissance civile ciblant Société Générale et son rôle clé dans le financement du développement des énergies fossiles.
Ces six années de campagne ont été rythmées par des mobilisations et interpellations des responsables de Société Générale, mais elles ont été également ponctuées par d’importantes victoires d’étapes :
- Ainsi, en 2017, la pression de la mobilisation citoyenne avait poussé BNP Paribas à abandonner son mandat de conseiller financier pour le projet Texas LNG, voisin de Rio Grande LNG, et à annoncer la fin de ses soutiens directs aux nouvelles infrastructures de GNL liées au gaz de schiste.
- Fin 2020, le mouvement climat se félicitait de l’annonce d’Engie, qui indiquait avoir cessé toute négociation de contrat d’importation de gaz de schiste en provenance de Rio Grande LNG, sous pression du gouvernement français préoccupé par les impacts environnementaux du projet – Engie a depuis retourné sa veste et signé un contrat similaire.
- Quelques mois plus tard, à l’été 2021, Société Générale annonçait ne plus soutenir de nouveaux projets de GNL en Amérique du Nord et se retirer de deux projets prévus au Canada – Goldboro LNG et GNL Québec –, tout en maintenant une exception pour d’autres projets déjà soutenus par la banque (dont Rio Grande LNG).
« Ce retrait de Société Générale est un coup dur pour le projet et devrait envoyer un signal clair à ceux qui, comme Total, profitent de la crise pour parier sur l’industrie sale du gaz de schiste. »
Un message sans équivoque envoyé à l’industrie fossile et aux banques
L’officialisation3 du retrait de Société Générale du projet Rio Grande LNG affaiblit le projet et constitue une victoire de taille pour l’environnement et les droits humains. Mais c’est aussi un signal fort envoyé aux entreprises des énergies fossiles et aux autres banques ! Continuer d’exploiter, exporter, acheter et financer du gaz de schiste n’est plus compatible avec les impératifs climatiques et nous conduit tout droit vers un monde aux températures rendant impossible la vie humaine sur Terre.
Nous appelons toutes les banques – et notamment Banque Populaire Caisse d’Épargne, la seule grande banque française n’ayant pas encore, à ce jour, officiellement tourné le dos à Rio Grande LNG – à ne pas se rendre complices des impacts dévastateurs de cette bombe climatique. Les enjeux sont colossaux : à la clé, nous pourrions obtenir l’abandon définitif du projet !
Société Générale peut et doit, elle aussi, aller encore plus loin. La banque française doit adopter sans délai une politique claire excluant de ses soutiens financiers tous les nouveaux projets de pétrole et gaz, ainsi que les entreprises qui les portent.
La sortie progressive des énergies fossiles – et donc la fin du financement de nouveaux projets d’énergies fossiles – est la condition sine qua non pour contenir l’emballement des dérèglements climatiques. Les alertes des scientifiques du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sont sans appel : pour espérer limiter le réchauffement global à +1,5°C, nous ne pouvons pas investir dans de nouvelles ressources pétrolières et gazières, ni construire de nouveaux terminaux de GNL4. Cette urgence doit être entendue et prise en compte par les géants des énergies fossiles, tels que Total, ainsi que par tous leurs financeurs. Les banques sont concernées, elles aussi : la fin des énergies fossiles passera par la fin de leurs financements !
À retenir
Une limite du réchauffement global à 1,5°C doit nécessairement passer par des engagements ambitieux et immédiats de tous les acteurs impliqués dans le développement des énergies fossiles, pour en amorcer la sortie.
Les émissions sur l’ensemble du cycle de vie ont été calculées sur la base d’un potentiel de réchauffement planétaire de 20 ans pour le méthane et d’un taux de fuite de 3%. Pour les détails de la méthodologie, voir Sierra Club, LNG Export Expansion Would Be a Climate Disaster, juin 2022
Rio Grande LNG begins clear-cutting land despite a legal challenge and opposition, Sierra Club, 3 novembre 2022
Scénario « Net Zero Emissions by 2050 », Agence internationale de l’énergie (AIE)